Fortement endetté auprès de la Chine, le Sri Lanka paye les conséquences de son pari « stupide » (CIA)

Par latribune.fr  |   |  887  mots
Le nouveau président du Sri Lanka, Ranil Wickremesinghe, a prêté serment jeudi, au lendemain de son élection par le Parlement. (Crédits : PRESIDENT'S MEDIA OFFICE)
Alors que le nouveau président a prêté serment jeudi, le patron de la CIA, l'agence américaine de renseignement, Bill Burns, a estimé la veille que la grave crise économique et politique que traverse l'île doit service de leçon au monde entier. Le Sri Lanka s'est massivement endetté auprès de la Chine, pour des projets d'infrastructures très onéreux et sans réelle utilité publique.

Une page se tourne pour le Sri Lanka ? Le nouveau président du Sri Lanka, Ranil Wickremesinghe, a prêté serment jeudi, au lendemain de son élection par le Parlement, exhortant la nation insulaire à s'unir pour trouver un moyen de sortir de sa pire crise économique depuis des décennies. Une crise qui, selon Bill Burns, le patron de la CIA, l'agence américaine de renseignement, est en partie causée par des « paris stupides » que le pays a fait en s'endettant auprès de la Chine.

Pour le patron de l'agence américaine de renseignement, Bill Burns, la situation du Sri Lanka, où la population subit de graves pénuries de produits alimentaires, de carburant et de médicaments, doit aussi servir d'avertissement aux autres pays tentés par un tel rapprochement avec Pékin. « Les Chinois ont beaucoup d'influence et ils peuvent rendre leurs investissements très attractifs », a-t-il estimé, lors du Forum sur la sécurité d'Aspen, dans le Colorado. Bill Burns a ajouté que la crise au Sri Lanka devait servir de leçon, « non pas seulement au Moyen-Orient ou en Asie du Sud, mais autour du monde, sur le fait de garder les yeux ouverts à propos de ce genre de transactions ».

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Des projets faramineux et très coûteux

Le Sri Lanka a fortement emprunté à la Chine pour des projets d'infrastructures, qui ont creusé la dette extérieure du Sri Lanka dont au moins 10% contractés auprès de Pékin. D'autant que certains se sont avérés très onéreux et sans réelle utilité publique. En 2017 par exemple, le pays s'est retrouvé dans l'incapacité de rembourser un prêt d'1,4 milliard de dollars pour la construction d'un port dans le sud du Sri Lanka, et a été forcé céder le bail du site à une entreprise chinoise pour 99 ans. En surplomb du port, un centre de conférence qui coûte 15,5 millions de dollars prêtés par la Chine, n'héberge que la poussière depuis son ouverture. Pour la construction de l'aéroport international Mattala Rajapaksa, le pays a encore emprunté 200 millions de dollars à la Chine. Mais le terminal est si peu utilisé que ses recettes se sont naguère révélées insuffisantes pour couvrir sa facture d'électricité. Pour de nombreux Sri Lankais, ces projets symbolisent leur gestion désastreuse.

Place stratégique pour Pékin

Pour Pékin, investir au Sri Lanka était stratégique car l'île est placée dans l'océan Indien juste au large de l'Inde, souvent considérée comme une rivale de la Chine. La Chine, principal prêteur bilatéral du gouvernement, détient au moins 10% de sa dette extérieure évaluée à 51 milliards de dollars. Les analystes estiment qu'elle est nettement plus élevée, compte tenu des prêts aux entreprises d'État et à la Banque centrale du Sri Lanka.

Le gouvernement a cherché à renégocier son échéancier avec la Chine, qui a préféré proposer davantage de prêts bilatéraux pour rembourser les emprunts existants. Mais la proposition a périclité quand le Sri Lanka s'est tourné vers le Fonds monétaire international (FMI), au grand dam de Pékin qui va probablement subir une décote sur ses prêts, à l'instar des autres créanciers.

« Je suis un ami du peuple »

Ces investissements massifs ont contribué à jeter le pays dans une crise économique et sociale sans précédent. Depuis des mois, la population subit de graves pénuries de produits alimentaires, de carburant et de médicaments. Cette crise économique et sociale s'est transformée en crise politique. La semaine dernière, l'ancien président Gotabaya Rajapaksa, a démissionné et fui son pays qui manque de tout. Mercredi, le nouveau président et ancien premier ministre, Ranil Wickremesinghe, a été élu mercredi pour tenter de mettre fin au chaos. Le nouveau président, qui été six fois Premier ministre, a prêté serment jeudi au Parlement, sous l'autorité du président de la Cour suprême. La veille, il avait semblé prendre ses distances avec la puissante famille Rajapaksa qui domine la politique au Sri Lanka depuis des décennies. « Je ne suis pas un ami des Rajapaksa. Je suis un ami du peuple », a-t-il déclaré aux journalistes après avoir prié dans un temple bouddhiste.

Le mouvement de protestation qui a poussé Gotabaya Rajapaksa à démissionner a largement baissé en intensité, malgré l'impopularité de Ranil Wickremesinghe dans certaines couches de la population. Seule une poignée de personnes étaient présentes devant le secrétariat présidentiel jeudi, un bâtiment de l'époque coloniale qui a été pris d'assaut par une foule de manifestants au début du mois, tout comme les résidences officielles du président et du premier ministre. En outre, le Sri Lanka a reçu de nouveaux approvisionnements en diesel au cours du week-end et le principal distributeur public, Ceylon Petroleum Corporation, reprendra ses ventes dans le cadre d'un nouveau système de rationnement à partir de jeudi, a déclaré le ministère de l'Énergie.