Sri Lanka : le président Gotabaya Rajapaksa annonce sa démission

Accusé d’être le responsable de la crise économique sans précédent qui secoue le pays, le chef de l'Etat avait fui samedi sa résidence officielle de Colombo quelques minutes avant qu'elle ne soit prise d'assaut par des milliers de manifestants en colère. Le premier ministre, qui a également démissionné, a vu sa maison en partie incendiée.
Gotabaya Rajapaksa, le président du Sri Lanka
Gotabaya Rajapaksa, le président du Sri Lanka (Crédits : POOL)

[Article mis à jour le 09/07/2022 à 20:00]

En proie à une crise économique sans précédent marquée depuis plusieurs mois par des pénuries alimentaires et de carburant, des coupures d'électricité et une inflation galopante qui s'est élevée de 55% en juin, la situation, explosive depuis des semaines, est en train de dégénérer au Sri Lanka. Le président, Gotabaya Rajapaksa, qui a fui samedi 9 juillet son palais de Colombo, a fait savoir qu'il démissionnera la semaine prochaine, selon les propos rapportés par le président du parlement, Mahinda Abeywardana.

« Pour assurer une transition pacifique, le président a dit qu'il allait démissionner le 13 juillet », a-t-il déclaré à la télévision.

Plus tôt dans la journée, la chaîne privée Sirasa TV a montré des images de la foule faisant irruption dans le palais présidentiel jusqu'à présent sévèrement gardé. La source de la Défense a indiqué que Gotabaya  Rajapaksa était toujours le président du pays et qu'il était protégé par l'armée dans un lieu tenu secret.

Le Premier ministre du Sri Lanka, Ranil Wickremesinghe, a quant à lui affirmé dans l'après-midi qu'il était prêt à démissionner pour laisser la place à un gouvernement d'union nationale. "Pour assurer la sécurité de tous les Sri-lankais, il est favorable à cette recommandation des responsables des partis de l'opposition", ont affirmé ses services dans un communiqué, après une réunion d'urgence du gouvernement.

Récemment, des émeutes pour protester contre le manque d'essence avait poussé l'armée a ouvrir le feu

L'inflation pourrait atteindre 80% d'ici à la fin de l'année

Cette crise politique intervient alors que le pays est en pleine tempête. Jeudi, la banque centrale a augmenté ses taux d'intérêt d'un point de pourcentage, à 15,5% et a prévenu que l'inflation pourrait atteindre 80% d'ici à la fin de l'année. Le pays bascule dans la récession. Après une croissance de 3,7% en 2021 et une contraction du Produit intérieur brut (PIB) de 3,6% en 2020, Ranil Wickremesinghe a estimé cette semaine que le PIB pourrait fondre jusqu'à 7% en 2022.

Et ce n'est pas prêt de s'arranger.

"Nous devrons faire face à des difficultés en 2023 également", a-t-il déclaré.

Lire aussi 9 mnLe Sri Lanka s'effondre : les cinq raisons d'un chaos économique sans précédent

Le Sri Lanka est en faillite

Le pays est en faillite puisqu'il a fait défaut sur le remboursement d'une dette étrangère de 51 milliards de dollars en avril. Le gouvernement négocie un plan de sauvetage avec le Fonds monétaire international.

Les Nations unies estiment qu'environ 80% de la population saute des repas pour faire face aux pénuries alimentaires et à la flambée des prix.

Trois mois de protestations et de violents affrontements

Le Sri Lanka est secoué de protestations et de violents affrontements depuis trois mois, sur fond de grave crise économique. Cette île d'Asie du Sud de 22 millions d'habitants est confrontée à sa pire crise économique depuis son indépendance en 1948, subissant des pénuries d'essence, d'électricité et une inflation record. Les attentats islamistes de Pâques 2019, puis la pandémie de Covid-19 ont asséché les réserves de devises étrangères pourvues par les revenus du tourisme et les transferts de fonds de la diaspora.

Nuit de violences

Dans la nuit du 31 mars au 1er avril, des centaines de manifestants tentent de prendre d'assaut la résidence du président Gotabaya Rajapaksa à Colombo et réclament sa démission.

Etat d'urgence et couvre-feu

Le 1er avril, les manifestations s'étendent à travers le pays. Le président proclame l'état d'urgence. Le 2, un couvre-feu de 36 heures est instauré mais des centaines de manifestants le bravent. L'armée est déployée en soutien des forces de l'ordre.

Démissions en cascade

Le 3, le gouvernement démissionne à l'exception du président et de son frère aîné, le Premier ministre Mahinda Rajapaksa. Le 4, le couvre-feu est levé. L'opposition rejette l'invitation du président à former un gouvernement d'union nationale. Le gouverneur de la Banque centrale Ajith Cabraal démissionne. Il sera remplacé trois jours plus tard par Nandalal Weerasinghe.

Le président perd sa majorité

Le 5, le président Rajapaksa est privé de sa majorité au Parlement, la coalition au pouvoir Podujana Party (SLPP) ayant subi une série de défections. Le ministre des Finances Ali Sabry quitte ses fonctions, au lendemain de sa nomination. L'état d'urgence est levé.

Manifestation record à Colombo

Le 9, des dizaines de milliers de personnes manifestent à Colombo contre le président, à l'appel des réseaux sociaux et des Eglises anglicane et catholique. Le patronat se joint à l'appel. Des milliers de protestataires décident de camper devant le bureau présidentiel.

Défaut de paiement

Le 12, le Sri Lanka, à court de devises, fait défaut sur le remboursement de sa dette extérieure de 51 milliards de dollars, déclarant qu'il s'agit de son "dernier recours" pour importer les produits essentiels.

Nouveau gouvernement

Le 18, le président annonce un nouveau gouvernement, écartant notamment deux de ses frères et un neveu, mais conservant son frère aîné au poste de Premier ministre.

Premier mort dans les manifestations

Le 19, la police tue un homme, premier mort depuis le début des protestations. Le 20, le Fonds monétaire international (FMI), avec lequel le Sri Lanka a entamé des discussions pour obtenir une aide de trois à quatre milliards de dollars, demande au gouvernement de "restructurer" la colossale dette extérieure avant qu'un programme de renflouement ne puisse être finalisé.

Grèves générales

Le 28 avril, puis le 6 mai, des grèves générales paralysent le pays. Le président Rajapaksa réimpose l'état d'urgence.

Démission du Premier ministre

Le 9, le Premier ministre Mahinda Rajapaksa démissionne après de violentes attaques de ses partisans contre les manifestants anti-gouvernementaux. Ces affrontements meurtriers font neuf morts et plus de 225 blessés, selon la police. Un couvre-feu général est décrété.

Evacuation par l'armée

Le 10, l'armée exfiltre l'ex-Premier ministre de sa résidence à Colombo, menacée par les manifestants. L'ONU dénonce l'escalade de la violence et appelle l'armée à "faire preuve de retenue". Le ministère de la Défense donne l'"ordre de tirer à vue".

Gouvernement d'union

Le 12, le président Gotabaya Rajapaksa nomme Ranil Wickremesinghe nouveau Premier ministre en vue de former un gouvernement d'union. Le couvre-feu est levé le 15, à l'occasion d'une importante fête bouddhiste.

Privé d'essence

A cours de dollars, le gouvernement s'avoue incapable mi-mai de payer trois cargaisons de pétrole russe en attente à l'extérieur du port de Colombo. La livraison interviendra finalement le 28 mai. Les pénuries d'essence entraînent de longues files d'attente. En six mois, le prix du diesel a grimpé de 230%, celui de l'essence de 137%. Le 31, de fortes hausses des taxes et impôts sont annoncées.

Menace de famine

Le 3 juin, le gouvernement, qui craint une famine, réclame l'aide des Nations unies afin de reconstituer ses stocks de produits alimentaires de première nécessité. L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) promet un plan d'urgence.

Des soldats ouvrent le feu

Le 18, des soldats ouvrent pour la première fois le feu pour contenir une émeute autour d'une station-service à sec, faisant sept blessés. Le 27, les ventes de carburants sont suspendues pour deux semaines, excepté dans les secteurs essentiels comme la santé. Fin juin, le pays annonce un PIB en chute de 1,6% au premier trimestre. L'inflation a atteint 54,6% en juin, un nouveau record.

Lire aussi 4 mnÉlectricité : au Sri Lanka, les tarifs subventionnés pour les plus démunis pourraient bondir de...865%

 (Avec AFP)

Commentaires 7
à écrit le 09/07/2022 à 23:59
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Est-ce que comme Ben Ali il a rempli sa besace de lingots d'or et de dollars US pour financer son exil à l'étranger?

à écrit le 09/07/2022 à 14:00
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Après le Venezuela, voilà le Sri Lanka. Les raisons du délabrement ne sont pas les mêmes mais les conséquences de l'endettement sont les mêmes. Nous sommes loin de l'état de décrépitude de ces 2 pays, mais le programme de la NUPES s'il était appliqué...

le 10/07/2022 à 7:47
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voila la consequence de la mondialisation et de son remplacement par le monde unipolaire voulu par les usa pour dominer le monde monde que seul l'occident approuve la contradiction aux usa est interdite idem en france il suffit de dire non a m ma...

à écrit le 09/07/2022 à 13:32
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Leurs Gilets Jaunes sont peut-être plus efficaces que les nôtres pour virer le président mais cela ne résout malheureusement pas leur problème.

à écrit le 09/07/2022 à 11:11
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Préparez-vous à une nouvelle vague de réfugiés économiques venus d'Asie en complément à celle issue de la France-Afrique... Il serait grand temps de réviser le droit d'asile en France et dans l'UERSS en n'accueillant que les individus nés dans u...

à écrit le 09/07/2022 à 10:36
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L'effondrement est en marche. Quand on refuse de voir la réalité en face, quand on vit à crédit, la réalité revient un jour où l'autre. Le Sri Lanka est un des premiers pays à tomber, d'autres suivront

à écrit le 09/07/2022 à 10:12
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Bonjour, Bien oui, ils est plus simple de se sauver que d'accepter l'échec de sa politique.... D'ailleurs certains démissionner avec leur millions gagné sur des mensonges et des promesses. Nous en France, ils ( politique) se font réélire sur se t...

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