Guerre en Ukraine : aux Etats-Unis, les républicains menacent (encore) de rejeter une enveloppe à Kiev

Par latribune.fr  |   |  1073  mots
Lundi soir, Mike Johnson, le chef des républicains à la Chambre des représentants, et fidèle de Donald Trump, a assuré que le texte négocié par les sénateurs ne serait pas examiné en l'état dans son hémicycle (Photo d'illustration). (Crédits : NATHAN HOWARD)
Démocrates et républicains se déchirent depuis des mois au Congrès américain sur la question de l'aide à l'Ukraine, allié des Etats-Unis, en guerre avec la Russie depuis près de deux ans. Les républicains ont d'ores et déjà fait part de leur refus d'examiner une loi ce mardi afin d'attribuer une nouvelle enveloppe à Kiev. Le Sénat américain a adopté cette aide ce mardi, qui risque donc d'être bloquée à la Chambre.

[Article publié le mardi 13 février 2023 à 06h39 et mis à jour à 13h45]. A l'approche du scrutin présidentiel, et alors que la course à la Maison Blanche a déjà commencé, le dossier de l'aide à l'Ukraine reste embourbé. Les alliés de Trump à la Chambre des représentants des Etats-Unis ont annoncé leur refus d'examiner une loi que le Sénat américain vient d'adopter ce mardi en vue d'une nouvelle enveloppe pour Kiev. Le texte prévoit notamment 60 milliards pour l'Ukraine et 14 milliards pour Israël contre le Hamas.

Lire aussiGuerre en Ukraine: après l'UE, le Sénat américain valide (enfin) un nouveau projet d'aide

Lundi soir, Mike Johnson, le chef des républicains à la Chambre des représentants, et fidèle de Donald Trump, a assuré que le texte négocié par les sénateurs ne serait pas examiné en l'état dans son hémicycle.

« Le projet de loi sur l'aide aux pays étrangers du Sénat reste muet sur le problème le plus urgent auquel notre pays est confronté », a fustigé Mike Johnson dans un communiqué, faisant référence à la crise migratoire à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'a néanmoins pas tardé à réagir et s'est déclaré mardi « reconnaissant » envers les sénateurs américains ayant voté mardi pour cette enveloppe.

 « Pour nous, en Ukraine, la poursuite de l'aide américaine permet de sauver des vies humaines de la terreur russe » alors que « nous luttons pour la liberté, la démocratie », a-t-il écrit sur X (ex-Twitter).

Bras de fer entre Trump et Biden

Les républicains demandent en échange de l'adoption d'une aide à Kiev un renforcement important de la politique migratoire. Et « en l'absence de toute modification » de la part du Sénat sur le sujet, « la Chambre des représentants continuera de travailler selon sa propre volonté sur ces questions importantes », a-t-il assuré.

Lire aussiAide à l'Ukraine : les 27 de l'UE sont (enfin) parvenus à un accord, Orban salue des « garanties »

La position républicaine est loin d'être nouvelle. Et pour cause, démocrates et républicains se déchirent depuis des mois au Congrès sur cet épineux dossier, alors que le conflit entrera dans sa troisième année à compter du 24 février prochain. Les démocrates sont, dans l'immense majorité, pour. Les républicains, eux, sont divisés entre faucons interventionnistes, pro-Ukraine, et lieutenants de Donald Trump, bien plus isolationnistes. En pleine campagne présidentielle, l'équation s'est transformée, de fait, en bras de fer à distance entre les deux candidats potentiels.

D'un côté, le président Joe Biden, réclame de toute urgence ces nouveaux fonds, et de l'autre, Donald Trump, prétend que s'il était réélu en novembre, il réglerait la guerre entre la Russie et l'Ukraine « en 24 heures », sans toutefois détailler sa méthode. L'actuel chef de l'Etat a beau exhorter le Congrès à « adopter rapidement » une nouvelle enveloppe, force est de constater que son prédécesseur a le dernier mot, avec la composition actuelle du Congrès.

« Une négligence criminelle »

Le Sénat, à majorité démocrate, a fait plusieurs pas en faveur de l'adoption d'un texte couplant 60 milliards de dollars d'aide pour Kiev avec des fonds pour Israël et Taïwan, soit une enveloppe de 95 milliards de dollars. Il a voté dans les premières heures mardi un projet de loi en ce sens. Mais sans le soutien des républicains, majoritaires à la Chambre et nombreux à être des fidèles de Donald Trump, le texte ne peut aller nulle part.

Lire aussiAchat d'armement : l'Ukraine met au jour un détournement de 40 millions de dollars

Mike Johnson, comme nombre de républicains au Congrès, suit des directives de Donald Trump, qui a affirmé samedi que les Etats-Unis devaient « arrêter de donner de l'argent sans espérer être remboursés ». Le candidat républicain a aussi jeté un pavé dans la mare, en assurant qu'il « encouragerait » la Russie à s'en prendre aux pays de l'Otan si ceux-ci ne payaient pas leur part, ce qui a provoqué une pluie de critiques de l'autre côté de l'Atlantique.

« Nous aidons l'Ukraine pour plus de 100 milliards de dollars de plus que l'Otan », a martelé Donald Trump lundi soir, sur son réseau Truth Social. « L'Otan doit égaliser, et maintenant », a-t-il exigé. « Sinon, ce sera l'Amérique d'abord ! », a-t-il lancé, en référence à la doctrine isolationniste qu'il a placée au coeur de sa politique étrangère, entre 2017 et 2021.

Vendredi dernier, le président américain Joe Biden et le chancelier allemand Olaf Scholz avaient parlé d'une même voix pour demander au Congrès américain de débloquer enfin cette nouvelle aide pour l'Ukraine. « L'incapacité du Congrès des Etats-Unis à aider l'Ukraine est presque une négligence criminelle. C'est un scandale », avait fustigé le démocrate de 81 ans.

7 milliards d'euros

« Si le Congrès américain ne parvient pas à trouver une solution pour débloquer l'aide financière, alors c'est une vraie menace pour la protection du territoire ukrainien », avait averti son invité à l'issue de leur discussion.

Un dénouement outre-Atlantique apparaît d'autant plus vital à l'heure où les troupes ukrainiennes sont à la peine sur le front face au rouleau compresseur russe. Le nouveau chef des forces ukrainiennes, Oleksandre Syrsky, a promis un plan « clair » pour repousser les Russes. Il doit répondre à l'un des problèmes majeurs des forces ukrainiennes, à savoir le manque de munitions, face à une Russie toujours aussi déterminée.

Kiev réclame aussi des missiles longue portée, mais Washington et Berlin hésitent, de crainte de provoquer une escalade incontrôlable avec le Kremlin, qui a plus d'une fois agité la menace nucléaire.

En attendant, le chancelier allemand se pose en champion de l'aide à l'Ukraine. Il a pratiquement doublé le budget des aides militaires, à plus de 7 milliards d'euros cette année, et ne cesse d'exhorter ses partenaires européens à accroître leur assistance, soulignant que son pays - deuxième contributeur en valeur absolue après les Etats-Unis - ne peut pas tout porter sur ses épaules.

(Avec AFP)