La Chine menace les industriels européens de représailles après l’enquête de Bruxelles sur les subventions chinoises dans l’automobile

Par latribune.fr  |   |  782  mots
La Chine mise depuis longtemps sur les motorisations électriques dans l'automobile et a pris une longueur d'avance sur l'Europe, notamment dans les technologies de batteries. (Crédits : Jason Lee)
La Chine considère que l'enquête de l'Union européenne sur les subventions chinoises aux voitures électriques aura un « impact négatif sur les relations économiques et commerciales entre la Chine et l'Union européenne ». Annoncée hier par la présidente de la Commission européenne, cette enquête a pour but de défendre l'industrie européenne face à des « prix artificiellement bas ». Une mesure qui est « ouvertement du protectionnisme » aux yeux de Pékin. En 2011-2012, la Chine avait gelé un certain nombre de commandes d'Airbus en rétorsion à la mise en place du système européen d'échanges de quotas d'émissions de CO2.

[Article publié le jeudi 14 septembre 2023 à 11h52 et mis à jour à 13h16] La réponse n'a pas tardé. Au lendemain de l'annonce de l'ouverture, par la Commission européenne, d'une enquête sur les subventions publiques chinoises aux automobiles électriques, Pékin a réagi. Cette mesure « prise au nom d'une "concurrence loyale" » est « ouvertement du protectionnisme » et elle « aura un impact négatif sur les relations économiques et commerciales entre la Chine et l'Union européenne », a fustigé le ministère du chinois du Commerce dans un communiqué ce jeudi 14 septembre.

Lire aussiAutomobile : l'Europe défie la Chine en lançant une enquête sur les subventions chinoises

Des paroles à ne pas prendre à la légère. La Chine est capable de prendre des mesures brutales. Les représailles de la Chine à l'égard d'Airbus en 2011-20122 est encore dans toutes les têtes. Hostile à l'extension du système d'échanges de quotas d'émissions de CO2 de Bruxelles aux vols internationaux, la Chine avait gelé un certain nombre de commandes d'Airbus. Et avait eu gain de cause. La France a évidemment du souci à se faire avec l'instauration de son « bonus écologique » sur les voitures construites à l'étranger. Prévu pour 2024, il va viser la concurrence chinoise. Agnès Pannier-Runacher a d'ailleurs clairement indiqué que le groupe MG serait concerné.

Lire aussiBonus écologique pour les voitures électriques : les constructeurs pénalisés enragent

La présidente de la Commission européenne a justifié cette enquête pour défendre l'industrie européenne face à des « prix artificiellement bas ». Les entreprises européennes « sont souvent battues sur le terrain des prix par des concurrents bénéficiant d'énormes subventions publiques. Nous n'avons pas oublié combien notre industrie solaire avait pâti des pratiques commerciales déloyales de la Chine », a ainsi déclaré Ursula von der Leyen.

La France notamment poussait ces derniers mois pour une Europe qui s'affirme davantage face aux pratiques jugées protectionnistes de la Chine. « Il y a un peu une surréaction chinoise. On ouvre une enquête, on ne présume pas du résultat », estime une source au ministère français de l'Economie. « Il faut raison garder et ne pas se précipiter à des conclusions hâtives », insiste-t-elle sous couvert de l'anonymat.

D'autres pays membres de l'Union européenne (UE), comme l'Allemagne dont le marché chinois est incontournable pour son industrie automobile, craignent toutefois de froisser Pékin.

« Il s'agit d'un avantage concurrentiel acquis grâce à un travail acharné » et « le résultat d'une innovation technologique ininterrompue », estime ce jeudi le ministère chinois du Commerce.

Les marques chinoises sortent de l'ombre

La Chine mise depuis longtemps sur les motorisations électriques dans l'automobile et a pris une longueur d'avance sur l'Europe, notamment dans les technologies de batteries. Des dizaines de marques locales innovantes ont vu le jour ces dernières années en Chine (BYD, Geely, XPeng, Nio, Leapmotor) et elles rivalisent avec des constructeurs étrangers qui peinent à s'adapter.

Ces constructeurs s'appuient sur leur immense marché intérieur pour se développer désormais à l'étranger, grâce aux fortes économies d'échelle dont ils bénéficient. Encore inconnues du grand public en Europe, ces marques étaient présentes en nombre cette année au salon automobile de Munich en Allemagne début septembre.

Lire aussiUnion européenne : les ventes de voitures électriques repassent derrière celles de diesels

La Chine championne de l'électrique

La Chine, qui cherche à réduire ses émissions polluantes et sa dépendance envers le pétrole étranger, ambitionne de vendre dans son pays environ 20% de véhicules électriques ou hybrides en 2025. Les ventes de modèles hybrides et électriques ont pratiquement doublé dans le pays en 2022 pour représenter plus du quart des véhicules écoulés, selon la Fédération chinoise des constructeurs de voitures individuelles (CPCA).

Pour rester sur cette dynamique, le gouvernement chinois a annoncé fin juin que les particuliers qui feront l'acquisition d'une voiture électrique ou hybride en 2024 et 2025 ne paieront pas de taxes à l'achat. À partir de 2026 et jusqu'au 31 décembre 2027, ces taxes s'appliqueront bien, mais elles seront réduites de moitié. Une mesure qui équivaut à 520 milliards de yuans (66 milliards d'euros) d'exemptions.

Le marché chinois est aujourd'hui le premier marché au monde dans les véhicules électriques. Près de deux voitures électriques sur trois dans le monde y sont vendues, et ses usines dominent le secteur des batteries et des composants nécessaires à leur fabrication. La part de marché des voitures électriques devrait atteindre 60% d'ici à 2030, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Le géant asiatique vise justement en 2035 des ventes automobiles majoritairement composées de véhicules dits non polluants

(Avec AFP)