Bonus écologique pour les voitures électriques : les constructeurs pénalisés enragent

Dans un entretien au 20 heures de TF1 mardi, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher a précisé les contours du futur bonus écologique à destination des véhicules électriques en citant des exemples de modèles qui seraient exclus du dispositif. Les représentants des constructeurs, de leur côté, dénoncent une prise de parole précoce, contraire aux règles du commerce international. Certains constructeurs craignent des représailles. Explications.
La ministre de la Transition énergétique s'est exprimée sur TF1 à 20 h, précisant que les chinoises MG électriques et la Dacia Spring ne devraient plus bénéficier du bonus écologique dès janvier 2024. (photo d'illustration)
La ministre de la Transition énergétique s'est exprimée sur TF1 à 20 h, précisant que les chinoises MG électriques et la Dacia Spring ne devraient plus bénéficier du bonus écologique dès janvier 2024. (photo d'illustration) (Crédits : POOL)

« Une voiture qui est fabriquée en Chine avec de l'électricité à partir du charbon ne pourra pas bénéficier du bonus écologique », a déclaré la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, dans une intervention au journal de 20 heures sur TF1 mardi 5 septembre. La ministre a également donné les noms des modèles qui ne bénéficieront pas du bonus. « Dans les conditions actuelles de production, des modèles comme la Dacia Spring ou le chinois MG ne devraient pas bénéficier du bonus l'année prochaine. » L'utilisation du conditionnel laisse peu de place au doute, les voitures électriques fabriquées en Chine n'auront plus de réduction de 5.000 à 7.000 euros à l'achat.

Ce bonus, qui doit voir le jour début 2024, s'appuiera sur un score environnemental et prendra en compte six grands critères : la production d'acier, celle d'aluminium, les autres matériaux utilisés dans le véhicule, la production de la batterie, l'assemblage ainsi que le transport. L'Agence de la transition écologique (Ademe) collecte actuellement les données des constructeurs. Si ces derniers atteignent une valeur de 60 points minimum, alors ils entreront dans le dispositif d'aide. Problème : l'intervention de la ministre a eu lieu avant la fin de cette collecte et avant de connaître les scores définitifs. Le syndicat qui représente les constructeurs cités dans l'exclusion du bonus a réagi immédiatement par un communiqué à la suite de ces annonces, accusant cette mesure d'être « discriminante ».

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Une attaque frontale contre les constructeurs chinois

« C'est du name-bashing. La méthodologie de calcul manque de transparence. Malgré notre désir d'être associés à la réflexion, nous n'avons pas été sollicités en amont. Les critères adoptés paraissent biaisés, ciblant notamment les productions asiatiques sans fondement écologique évident », tempête Athina Argyriou, présidente déléguée de la Chambre syndicale internationale de l'automobile et du motocycle (CSIAM). Les constructeurs qui ne bénéficieront pas du bonus regrettent surtout les méthodes de calcul du score environnemental.

« À chaque fois, c'est le modèle avec la plus grosse taille de batterie qui a été pris en compte. Or, ces voitures sont forcément plus polluantes puisqu'il y a davantage de métaux, dont certains critiques pour les plus grosses batteries. Ce ne sont pas les mêmes technologies pour les puissances inférieures. Le bonus risque de pénaliser certains consommateurs », fait valoir l'un des constructeurs. Tous regrettent surtout la décision de prendre en compte le mix énergétique du pays comme référence et non celui de l'usine de fabrication des véhicules.

Du côté de la ministre, on rappelle « que ce bonus bénéficiera aux voitures moins émettrices en CO2, donc fabriquées en France et en Europe ». En coulisse, on s'agace de ces réactions à qui ont suivi les propos d'Agnès Pannier-Runacher, estimant que toutes les précautions de langage ont été prises et que la liste effective sera connue à la fin de cette année. Cette mesure, présentée comme hostile aux voitures électriques à l'empreinte carbone élevée, vise en réalité les voitures importées de Chine. Ou comment faire une mesure protectionniste sans l'afficher clairement.

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La France joue dans la zone grise de l'OMC

Une situation qui effraie la CSIAM, estimant que la France joue avec le feu des règles du commerce international (OMC). « Nous craignons que ce dispositif mette en péril l'industrie automobile européenne, d'autant plus dans un contexte mondialisé. À travers la CSIAM, les ambassades d'Allemagne, de Corée, du Japon et potentiellement celle des Etats-Unis, aspirent à être consultées avant l'adoption de ce décret. »

La France est le premier pays en Europe à prendre une telle mesure. Elle intervient après les subventions chinoises attribuées uniquement aux constructeurs locaux puis à la mise en place de l'Inflation reduction act (IRA) américain qui vise à accélérer la production de véhicules sur le continent Nord-américain. Une mesure à la limite des règles du commerce international qui imposent de ne pas établir de discrimination entre leurs partenaires commerciaux.

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« Nous sommes sur une ligne de crête qui mérite beaucoup de vigilance. La France utilise une petite marge de manœuvre sur l'écologie permise par les règles de l'OMC pour protéger le secteur des véhicules européens. Avec les subventions massives de la Chine en faveur de l'industrie automobile chinoise, nous sommes passés du respect des règles de concurrence équitable à un rapport de force fondé sur une des distorsions de concurrence », explique Elvire Fabry, chercheuse à l'Institut Jacques Delors et en charge de la Géopolitique du commerce.

La CSIAM craint, de son côté, un problème d'harmonisation au sein de l'Union européenne si tous les pays mettent en place leurs propres règles. Pour l'instant, aucune autre puissance industrielle automobile de l'Union européenne ne s'est prononcée à ce sujet.

La chercheuse Elvire Fabry rappelle que les Allemands misent plutôt sur l'innovation et leur image pour contrer l'entrée massive des constructeurs chinois sur le marché. Ils étaient deux fois plus nombreux au salon de Munich cette année et présentent des modèles électriques souvent 10.000 euros moins chers que les constructeurs européens. Pour réduire cet écart de prix, Agnès Pannier-Runacher a également évoqué une augmentation du montant du bonus écologique en janvier sans pour autant donner de chiffres.

Le bonus touchera sûrement le leasing

Si le bonus écologique avantagera les modèles électriques fabriqués en Europe, il aura aussi pour conséquence de remonter le prix des modèles fabriqués en Chine. Or, souvent moins coûteux, ces produits permettent également une offre de location à des prix très attractifs, comme la MG4 électrique à 99 euros par mois.

« Ce leasing représente 10 % de la prise de commandes des MG en juillet et août en France. Si ce bonus est coupé, nous ne pourrons plus proposer cette offre », souligne le constructeur chinois. Le gouvernement a quant à lui annoncé un leasing à 100 euros pour les ménages aux revenus les plus faibles et uniquement sur des véhicules européens. Mais très vite, la réalité du terrain va l'obliger à mettre davantage la main au porte-monnaie pour atteindre cet objectif. Les constructeurs craignent un recul des ventes des voitures électriques après la mise en place du bonus.

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Commentaires 20
à écrit le 13/12/2023 à 14:24
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Et toutes les les pièces en kit qui arrivent de chine ou des pays de l est qui utilisent aussi du charbon pour les fabriquer...d ou viennent les kit car les voitures sont juste remontées en France ou Europe. Ça me fait rire de voir le chantage pour l...

à écrit le 10/09/2023 à 16:48
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Un "pékin" de mon village du Sud de la France a reçu une offre commerciale alléchante où il bénéficierait "d’une TVA à taux réduit pour l’installation d’une borne de recharge à domicile". Cette offre précise que "le taux s’applique uniquement pour le...

à écrit le 10/09/2023 à 16:20
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L'électricité au charbon a bon dos, car l'on sait aussi que l'industrie des véhicules électriques en Chine a été construite grâce à des modèles de subventions (dopage de l'offre via la production) mais qui ont désormais disparu. De grands nombres de ...

à écrit le 10/09/2023 à 11:52
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Faudrait quand même s'interroger sur pourquoi une différence de 10 000 Euro entre une voiture chinoise et une voiture française.. Et pourquoi une voiture électrique coûte bcp plus chère alors qu'elle est plus simple qu'une thermique... Sinon les pr...

le 10/09/2023 à 18:53
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je suppose que les chinois accepte une marge inferieur. par ex, nos concurrent chinois margent a 3-4 % alors que nous c est minimum 20 (on est pas dans l automobile). apres il y a evidement le fait que les chinois sont moins payés et travaillent plus...

le 11/09/2023 à 7:06
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Les productions chinoises sont maintenant de très bonne qualité. Ils fabriquent nos smartphones et nos ordinateurs, ce que nous ne savons plus faire. La désindustrialisation nous a fait perdre énormément de compétence, notre production est donc de mo...

le 11/09/2023 à 17:01
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@ cdg : Vous dites sur les voitures chinoises les mêmes choses que l'on disait dans les années 60 sur les voitures Japonaises. On sait ce qu'il en est aujourd'hui.

le 15/09/2023 à 10:59
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Déjà regardé les différences de salaires et 80% de la différence de prix est résolu...

à écrit le 10/09/2023 à 11:10
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On va pas subventionner les emplois chinois de l industrie automobile .. ce que la chine fait de facto en réservant ses aides uniquement à l achat d un modèle chinois…que les constructeurs européens rapatrient leurs prod ici et soit plus imaginatif p...

à écrit le 10/09/2023 à 11:10
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On va pas subventionner les emplois chinois de l industrie automobile .. ce que la chine fait de facto en réservant ses aides uniquement à l achat d un modèle chinois…que les constructeurs européens rapatrient leurs prod ici et soit plus imaginatif p...

à écrit le 10/09/2023 à 11:08
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La Macronie a fixé l'objectif de 400 000 bornes de recharge d'ici à 2030 et en parallèle un objectif de production de 2 millions de véhicules électriques, d’ici à 2030🤣 😂Au demeurant, nul besoin d'être grand clerc pour savoir (déjà) que les zones rur...

à écrit le 10/09/2023 à 8:35
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"Tout est bruit pour celui qui a peur" Sophocle.

le 10/09/2023 à 11:19
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"Les mots sont une opinion pas un fait, l'action est la seule vérité". Marc Aurèle. Si l'amour pour sa propre servitude est l'apanage du pauvre, le riche aura toujours les moyens pour défendre son privilège ultime: La Liberté (qui inclut celle du mou...

le 11/09/2023 à 7:50
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Ah les romains et leurs orgies en font encore fantasmer plus d'un ! La volonté est tout parce que nous ne pouvons rien faire contre le hasard sinon c'est le hasard qui guide nos vies et essentiellement lui (Machiavel, Nietzsche et moi)

à écrit le 09/09/2023 à 21:35
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Une mesure de bon sens, écologique et économique. Perosnnelement je suis fier que l'on soit le premier pays Européen à mettre ça en place. Même si on met l'aspect écologique de coté, c'est simplement un alignement des règles pour concurrencer de f...

à écrit le 09/09/2023 à 20:15
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In fine les modèles produits en France seront toujours beaucoup plus chers que le modèle équivalent fabriqué en Chine ,le coût du travail en France vs en Chine et le coût des batteries produites en France qui n'a aucune des matières premières contrai...

le 09/09/2023 à 21:30
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Non sans le bonus éco les VE chinois sont morts, surtout s'il passe à 10 k€. La qualité n'est pas la même donc pour le même prix personne ne va se risquer à miser sur les marques chinoises qui n'ont pas de réseau.

à écrit le 09/09/2023 à 19:50
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Ne pas subventionner les voitures electriques construites avec une énergie à base de charbon est une évidence. Ne pas subventionner les voitures construites dans une dictature stalino communiste qui se fout des droits de l'homme, opprime, controle s...

à écrit le 09/09/2023 à 18:53
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Si une voiture chinoise vaut 10 000€ de moins qu'une européenne, les 5 ou 7k€ de 'prime' ne feront pas assez la différence. C'est le prix à payer qui compte. @suivre.

le 09/09/2023 à 19:56
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@photo 73. ..."Le prix à payer qui compte" pour l'achat d' un produit Chinois, c'est accepter le travail des enfants, l'oppression des Ouïgours, des Thibetains, le contrôle social du peuple Chinois, l'utilisation massive du charbon, les menaces sur...

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