La Russie renoue avec la croissance économique malgré les sanctions occidentales

Par latribune.fr  |   |  912  mots
La croissance russe en 2023 montre que l'économie a su absorber les effets initiaux des sanctions occidentales qui, bien que nombreuses, ont été en partie contournées par Moscou. (Crédits : ALEXANDER ERMOCHENKO)
Après une contraction en 2022, le PIB de la Russie a augmenté de 3,6% en 2023 selon l'institut statistique Rosstata, L’économie russe a été tirée par l'explosion des commandes militaires de munitions et d'armements.

Malgré les sanctions occidentales, la Russie assure tenir le choc. Selon l'institut statistique Rosstata, après une baisse de 1,2% l'an dernier, le produit intérieur brut (PIB) a renoué l'an dernier avec la croissance. Celle-ci a augmenté de 3,6%, alors que nombre d'institutions et d'experts voyaient l'économie russe s'effondrer. Celle-ci a pu contenir l'impact des sanctions qui, bien que nombreuses, ont été en partie contournées par Moscou. Cette hausse du PIB contraste avec les difficultés de la zone euro, dont l'économie est en pleine stagnation avec une croissance de seulement 0,5% par rapport à l'année précédente.

La Défense porte la Russie

L'activité russe a été tirée par les prix favorables de l'énergie, des conditions de crédit souples et surtout une demande intérieure stimulée par le secteur prioritaire de la Défense. Cette hausse de la demande résulte en effet largement de l'explosion des commandes militaires et non pas d'un contexte plus favorable commun aux principaux secteurs de l'économie. Et cette dépendance aux investissements liés à l'armée risque de s'accroître encore plus en 2024, sachant que le gouvernement a acté l'envolée de près de 70% des dépenses de Défense, qui représenteront environ 30% des dépenses fédérales et 6% du PIB. Une première dans l'histoire moderne de la Russie.

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L'activité a également été portée par des salaires réels en hausse pour attirer les travailleurs dans les secteurs touchés par des pénuries, selon les autorités russes. Plus d'un demi-million de Russes ont déjà rejoint l'industrie de Défense depuis 2022 selon le président Vladimir Poutine. Un chiffre qui illustre l'intensité de l'effort de guerre demandé par les autorités pour soutenir l'assaut en Ukraine, malgré son important coût humain et économique. Et malgré la hausse des dépenses fédérales, le déficit public a été contenu à 1,9% du PIB, selon le ministère des Finances.

L'économie russe se passe bien des Occidentaux

Plusieurs exemples illustrent le rebond de l'économie russe : les secteurs bancaire et automobile se sont globalement remis du départ des groupes européens et des lourdes sanctions. Ces dernières décennies, plusieurs groupes automobiles internationaux s'étaient implantés dans le pays pour profiter de la vitalité de son économie, mais nombre de ces usines ont dû fermer. Et la guerre en Ukraine a provoqué depuis 2022 le départ d'entreprises étrangères, car les sanctions adoptées par l'Union européenne, les États-Unis et d'autres pays ont rendu l'activité de plus en plus difficile. Des constructeurs bien souvent occidentaux remplacés depuis par leurs homologues chinois : entre janvier et octobre 2023, 80% des voitures importées en Russie provenaient de Chine, selon des chiffres officiels.

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Autre satisfaction pour l'État russe : Moscou a su réduire sa dépendance budgétaire envers la vente de ses hydrocarbures. Si les revenus pétrogaziers représentaient environ la moitié des recettes fédérales avant le conflit en Ukraine, ils ne formaient en 2023 plus qu'un tiers du budget de l'État, selon le gouvernement.

Un avenir jonché d'incertitudes...

Les défis à plus long terme pour la Russie n'en restent pas moins nombreux. L'économie russe a ainsi connu en 2023 ce que les observateurs qualifient de « cycle de surchauffe », révélateur, selon eux, de la période de transition dans laquelle elle se trouve, en raison des sanctions.

La reprise économique s'est en parallèle accompagnée d'un retour de l'inflation, à +7,4% fin 2023, amputant toujours plus le pouvoir d'achat des Russes, miné également par l'affaiblissement du rouble. Face à cette situation délicate, la Banque centrale russe a relevé son taux directeur à 16%, malgré le mécontentement affiché par certains entrepreneurs, inquiets du coût croissant de l'argent dans le pays. Et le taux de chômage à 3%, qui traduit des pénuries de main d'œuvre persistantes et pousse les salaires à la hausse, accentue ces pressions inflationnistes.

À long terme, l'exode à l'étranger de plusieurs centaines de milliers de Russes, à la suite du lancement de l'offensive en Ukraine et après la mobilisation partielle de septembre 2022, va continuer à peser sur de nombreux secteurs (banques, énergie, télécommunications...), amputés des travailleurs qualifiés dont ils ont besoin. Certaines entreprises de l'informatique et l'aéronautique, autrefois dépendantes en technologies occidentales, ont par ailleurs été obligées ces derniers mois de se tourner vers des pays tiers, un processus toutefois chronophage et qui pèse sur leurs activités.

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... mais la croissance est néanmoins attendue en 2024

Les autorités russes anticipent une décélération de l'activité économique en 2024, malgré une légère croissance. Croissance aussi anticipée par le Fonds monétaire international (FMI)  et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui ont récemment révisé à la hausse leurs prévisions. Ainsi, le FMI prévoit une augmentation de 2,6% du PIB russe cette année, contre 1,1% estimé en octobre dernier, tandis que l'OCDE table sur une hausse de 1,8% (soit + 0,7 point). En Europe, la croissance ne devrait pas dépasser 1% (précisément +0,9%) d'après le FMI et même à peine +0,6% pour l'OCDE.

(Avec AFP)