Le Brexit est-il profitable à la Chine  ?

Par Robert Jules  |   |  666  mots
Le président chinois Xi Jinping et le Premier ministre britannique David Cameron en octobre 2015.
La Chine a officiellement regretté la décision des Britanniques de quitter l'Union européenne (UE). Elle craint que son deuxième marché étranger après celui des Etats-Unis traverse à nouveau une crise qui pénalisera ses relations commerciales. Mais à plus long terme, cet affaiblissement de l'UE pourrait lui être profitable.

La Chine n'aime pas le désordre. Et le Brexit, décidé lors d'un référendum par une majorité de Britanniques, devrait à courte échéance avoir des conséquences négatives sur son deuxième marché mondial après les États-Unis. Les échanges commerciaux entre les pays de l'UE et la Chine pèsent en effet quelque 598 milliards de dollars. Ils représentent un enjeu majeur pour une économie qui reste encore étroitement dépendante de ses exportations pour soutenir une croissance qui a ralenti considérablement depuis 2015.

« La décision de quitter l'UE a un impact général, et nous pensons que toutes les parties concernées doivent garder leur calme et évaluer la situation », a mis en garde vendredi le ministère des Affaires étrangères chinois.

Les appels qui se multiplient dans nombre de pays - Marine Le Pen en France, ou Geert Wilders aux Pays-Bas - à tenir un référendum pour poser la question du maintien va obliger les leaders à agir vite pour éviter le risque de contagion. Sur ce point, l'Allemagne, comme elle l'avait fait au début de la crise grecque, est tentée de temporiser au risque de laisser la situation empirer.

Le risque d'avoir demain une Union européenne réduite - à la zone euro ? - induira mécaniquement un marché à la taille moindre. Outre la crise institutionnelle, la crise  pourrait resurgir, coupant la timide reprise économique et le pouvoir d'achat des consommateurs.

L'appréciation du dollar

Il y a également un autre problème pour la Chine. L'affaiblissement durable de la livre sterling va se traduire par une appréciation du dollar, déjà solide, qui pourrait obliger Pékin à dévaluer le renminbi, sa monnaie, dans les prochains mois. Un mouvement qui ravive de violentes polémiques politiques aux États-Unis et en Europe où l'on ne manque pas l'occasion d'accuser Pékin de maintenir artificiellement bas sa monnaie pour soutenir ses exportations.

Affaiblissement de Bruxelles

Si commercialement parlant, le Brexit la pénalise, en revanche sur le moyen et long terme, la Chine pourrait tirer bénéfice de cet affaiblissement de l'UE. Bruxelles s'efforce en effet d'imposer avec plus ou moins de succès des règles du jeu qui protègent les entreprises du Vieux continent de l'appétit de Pékin, comme l'ont illustré les exemples des taxes sur l'acier, de la réciprocité quant aux implantations d'entreprises ou de la politique en matière de brevets. Cette force pourrait considérablement s'affaiblir, si chaque pays devait discuter directement avec le géant asiatique pour établir ses relations commerciales.

Le voyage à Pékin

Ainsi, a-t-on vu récemment David Cameron, accompagné des patrons de grandes entreprises, aller à Pékin pour arriver à signer des contrats dont la valeur cumulée se compte en milliards de dollars. Peu de temps après, c'était au tour de la chancelière Angela Merkel de faire la promotion du savoir-faire des entreprises allemandes. Elle a même promis que « que les entreprises chinoises devraient bénéficier (en Allemagne) des mêmes droits et privilèges que les entreprises locales ».

Les investissements chinois restent encore modestes sur le Vieux Continent par rapport à d'autres pays comme les États-Unis. Mais une division des Européens facilitera l'implantation d'entreprises chinoises qui, soutenues par de puissants fonds souverains, vont pouvoir faire des rachats sur le Vieux continent à bon prix. Et répéter ce que l'on a vu par exemple avec le rachat de l'aéroport de Toulouse, mais sans les polémiques qui l'ont accompagné

Une taille critique pour peser sur la scène internationale

Enfin, l'affaiblissement de l'influence européenne créée par le départ du Royaume-Uni va profiter à la Chine sur la scène internationale et renforcer son rôle de puissance face aux États-Unis. Elle ne manquera pas d'exiger, comme elle l'a déjà fait, une meilleure représentation dans les institutions internationales qui va se faire au détriment des Européens.