Le commerce mondial confronté aux tensions protectionnistes

Par Grégoire Normand  |   |  768  mots
(Crédits : Reuters)
Plus de 1.000 mesures protectionnistes ont été mises en oeuvre dans le monde en 2018 et 2019 selon le dernier baromètre réalisé par l'assureur-crédit Coface, soit environ 40% que lors des trois années précédentes.

Tensions protectionnistes, urgence climatique, foyers de contestation sociale... dans leur dernier baromètre publié ce mardi 4 février, les économistes de Coface prévoient la poursuite du coup de frein de l'économie mondiale en 2020. L'assureur-crédit anticipe une accélération du produit intérieur brut (PIB) planétaire à 2,4% cette année contre 2,5% l'année précédente. Malgré la récente signature de l'accord de phase 1 entre la Chine et les Etats-Unis, les tensions sur le commerce mondial persistent. L'arrivée du coronavirus en Chine a alerté les marchés mondiaux la semaine dernière et les conséquences sur l'économie planétaire demeurent bien incertaines à ce stade.

"Les marchés américains rebondissent après leur pire semaine en six mois, les investisseurs continuant d'évaluer la juxtaposition de données économiques et bénéfices d'entreprises meilleurs que prévu avec les dommages potentiels que le coronavirus peut infliger à l'économie mondiale", a estimé Art Hogan de National Holdings d'après des propos rapportés par l'AFP.  "L'ampleur de l'impact du virus sur l'économie mondiale dépendra en grande partie de la capacité des principaux gouvernements du monde à déployer efficacement des ressources pour contenir la flambée", remarque-t-il. Mais déjà,"les investisseurs semblent réagir positivement aux mesures actuellement prises par les autorités chinoises".

L'accord de phase 1, juste "une trêve"

Plusieurs économistes s'accordent à dire que la récente signature entre les Etats-Unis et la Chine est loin de mettre fin à la guerre commerciale amorcée depuis début 2018. Pour les économistes de l'assureur-crédit, cet engagement "ne s'attaque pas à certaines des principales sources de tension, notamment l'utilisation par la Chine de subventions industrielles. En outre, dans cette phase, la majeure partie des droits de douane restent en place, avec les effets négatifs qu'ils ont eu sur l'économie mondiale".  C'est un avis partagé par l'économiste Sébastien Jean, directeur du CEPII. Dans une récente note, le chercheur souligne les limites de cette entente :

"L'accord commercial signé le 15 janvier n'est qu'une trêve, laissant en place des droits de douane additionnels sur les deux tiers environ des importations américaines en provenance de Chine. Les engagements d'achats de produits américains devraient contribuer à diminuer le déficit commercial vis-à-vis de la Chine, mais pas nécessairement à réindustrialiser les États-Unis, tandis qu'ils léseront les pays tiers."

Surtout, le périmètre de la hausse des mesures protectionnistes est loin de se limiter aux deux premières puissances économiques mondiales. "Seulement 23 % de toutes les mesures protectionnistes prises entre le premier janvier 2017 et le 15 novembre 2019 ont été prises par les États-Unis ou la Chine" ajoutent les auteurs du baromètre.

Brexit : de futures relations commerciales à construire

En Europe, le moteur industriel demeure fragile. Le ralentissement chinois et les incertitudes liées aux futures relations commerciales entre le Royaume-Uni et l'Union européenne contribuent à alimenter le doute pour les entrepreneurs implantés sur les deux côtés de la Manche. Dans une récente note, l'économiste de Oddo Securities, Bruno Cavalier indiquait que :

"sur le principe, l'UE et le RU sont d'accord pour viser un accord de libre-échange sur les biens, sans droits de douane ni quotas, ce qui clarifierait la situation après quatre années assez brumeuses. Dès lors que le RU n'est plus dans l'UE et se refuse à un scénario de type norvégien, c'est la moins mauvaise des options. Mais en pratique les négociations n'ont pas encore débuté. Elles peuvent achopper sur de multiples points de détail. L'incertitude concernant les débouchés sur le marché britannique (ces exportations de biens représentent 2.5% du PIB allemand) peut limiter le sursaut des indices de confiance".

De multiples foyers de contestation

Liban, Chili, Hong Kong, Colombie, France...depuis quelques mois, de multiples foyers de contestation ont éclaté à l'échelle de la planète. Les facteurs évoqués par les populations sont souvent différents d'un pays à l'autre. Le mécontentement peut trouver ses racines dans la hausse des inégalités, la perte de pouvoir d'achat, la restriction des libertés, les réformes engagées. Cette instabilité et cette défiance envers les dirigeants pourraient plonger les entreprises de ces pays dans une incertitude plus profonde.

"La fin de l'année dernière a été marquée par plusieurs « foyers » de tensions sociales dans le monde, avec des niveaux d'intensité différents, reflétant la montée du risque politique que Coface a anticipée selon les derniers résultats de son indice de risque politique 2019."