Russie : pour la France, « les conditions d'une élection libre, pluraliste et démocratique n'ont pas été réunies »

Par latribune.fr  |   |  1542  mots
Le président Poutine, âgé de 71 ans, a fait face à trois candidats triés sur le volet et sans envergure (photo d'archives). (Crédits : Sergei Savostyanov)
Le chef du Kremlin est de nouveau réélu ce dimanche à la tête du pays, pour un cinquième mandat. La journée a été marquée par des actions de protestations dans différents Etats de l'Union européenne mais également en Russie.

[Article publié le dimanche 17 mars 2024 à 19h10 et mis à jour le lundi 18 mars 2024 à 15h30] Sans grande surprise, Vladimir Poutine a été réélu à la tête de la fédération de Russie pour un cinquième mandat, soit six années supplémentaires. Le maître du Kremlin, au pouvoir depuis près d'un quart de siècle, a obtenu officiellement 87,28% des suffrages après le dépouillement de tous les bureaux de vote en Russie, selon les résultats actualisés publiés lundi par la Commission électorale. Il s'agit de son meilleur résultat, à l'issue d'un scrutin d'où l'opposition a été écartée.

Dans un communiqué publié ce lundi matin, le Quai d'Orsay a dit prendre « acte du résultat attendu de l'élection présidentielle, par lequel V. Poutine se maintient à la Présidence de la Fédération de Russie pour un cinquième mandat ».

« Les conditions d'une élection libre, pluraliste et démocratique n'ont une nouvelle fois pas été réunies, tacle le ministère des Affaires étrangères. (...) La France condamne par ailleurs l'organisation par la Russie de prétendues "élections" dans les territoires ukrainiens temporairement occupés par la Russie. »

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De son côté, l'Allemagne a dénoncé « une élection sans choix » montrant « l'action infâme de Poutine contre son propre peuple ». En outre, a ajouté la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock, « organiser de soi-disant élections dans certaines parties de l'Ukraine, de la Géorgie et de la Moldavie est contraire au droit international ».

L'élection présidentielle en Russie « n'a pas été un scrutin libre et juste », elle a été « basée sur la répression et l'intimidation », a dénoncé le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell à Bruxelles, peu avant une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE.

Dès dimanche, Londres a déploré l'absence d'élections « libres et équitables » en Russie, le chef de la diplomatie britannique David Cameron dénonçant sur X « l'organisation illégale d'élections sur le territoire ukrainien, l'absence de choix pour les électeurs" et "l'absence de contrôle indépendant de l'OSCE », l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.

David Cameron a de nouveau dénoncé lundi la réélection de Vladimir Poutine à la présidence russe comme montrant « l'ampleur de la répression » en Russie. « Poutine élimine ses opposants politiques, contrôle les médias et s'autoproclame vainqueur. Ce n'est pas de la démocratie », a poursuivi le ministre.

L'ex-oligarque et opposant au Kremlin en exil Mikhaïl Khodorkovski a appelé lundi les gouvernements occidentaux à ne pas reconnaître la victoire électorale de Vladimir Poutine, assurant que l'opposition était unie contre le président russe. « Nous attendons beaucoup de la société occidentale, à laquelle nous demandons de se tourner vers les gouvernements pour leur demander de ne pas reconnaître la légitimité de M. Poutine », a-t-il déclaré.

Les alliés de Moscou applaudissent

Les alliés de la Russie, eux, ont salué la réélection du maître du Kremlin. Le Premier ministre indien Narendra Modi a félicité lundi Vladimir Poutine et a appelé à renforcer la relation « spéciale et privilégiée » entre les deux pays. « J'ai hâte que nous travaillions ensemble pour renforcer encore davantage le durable partenariat spécial et privilégié entre l'Inde et la Russie dans les années à venir », a écrit le dirigeant indien sur X.

« Le président de la République islamique d'Iran a sincèrement félicité Vladimir Poutine pour sa solide victoire et sa réélection à la présidence de la Fédération de Russie », a indiqué l'agence de presse officielle Irna.

Plus tôt dans la journée, la Chine a félicité Vladimir Poutine au lendemain de sa victoire, se disant convaincue que les relations entre les deux pays « continueront à progresser » dans les prochaines années.

« La Chine exprime ses félicitations », a déclaré à la presse Lin Jian, porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

« Nous sommes convaincus que, sous la direction stratégique du président Xi Jinping et du président Poutine, les relations entre la Chine et la Russie continueront à progresser », a-t-il ajouté.

La Chine et la Russie sont « des partenaires de coopération stratégique globale », a également rappelé le porte-parole, soulignant que cette année marquait le 75e anniversaire des relations diplomatiques entre les deux pays.

« Les deux chefs d'État continueront à entretenir des échanges étroits, conduiront les deux pays à maintenir leur amitié de bon voisinage et de longue date, à approfondir la coordination stratégique globale et à promouvoir le développement continu des relations entre la Chine et la Russie », a assuré lundi le porte-parole de la diplomatie chinoise.

« Ces dernières années, le peuple russe s'est uni pour surmonter les défis (...) votre réélection prouve le plein soutien des Russes en vous" » selon un message de félicitations de Xi Jinping rapporté par la télévision d'Etat chinoise CCTV, quelques heures plus tard.

Dès dimanche soir, les dirigeants du Venezuela, du Nicaragua, de Cuba et de Bolivie ont félicité le chef de l'Etat russe. « Notre frère aîné a triomphé, ce qui est de bon augure pour le monde », a ainsi estimé le président vénézuélien Nicolas Maduro.

Une opposition inexistante

S'adressant aux Russes en fin de soirée, Vladimir Poutine a remercié ceux qui sont allés voter et qui ont permis de créer les conditions d'une « consolidation politique interne », deux ans après le début de l'assaut contre l'Ukraine et de l'adoption de sanctions sans précédent par les Occidentaux.

« Je tiens à vous remercier tous, ainsi que tous les citoyens du pays, pour votre soutien et votre confiance », a-t-il lancé devant son équipe de campagne, avant de promettre que la Russie tiendra tête à tous ses adversaires.

« Peu importe qui veut nous intimider ou à quel point, peu importe qui veut nous écraser ou à quel point, notre volonté ou notre conscience. Personne n'a jamais réussi à faire quelque chose de semblable dans l'histoire. Cela n'a pas fonctionné aujourd'hui et ne fonctionnera pas à l'avenir », a lancé le chef de l'Etat.

Le Kremlin s'est félicité lundi de la réélection de Vladimir Poutine. « C'est un résultat tout à fait exceptionnel pour le président en exercice (Vladimir) Poutine (...) et c'est une confirmation éloquente du soutien de la population de notre pays à son président », a déclaré le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.

Le président Poutine, âgé de 71 ans, a fait face à trois candidats triés sur le volet et sans envergure. L'opposition a été décimée par des années d'une répression qui s'est encore accélérée avec le conflit en Ukraine et a culminé avec le décès d'Alexeï Navalny dans une prison de l'Arctique en février..

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Protestations en Russie

Tout au long de la journée, des actions de protestations ont eu lieu et au moins 74 personnes ont été arrêtées dans le pays. Selon OVD-Info, organisation spécialisée dans le suivi de la répression, les arrestations ont eu lieu principalement à Kazan, dans le centre de la Russie, et à Moscou, la capitale. Elle précise que ce chiffre peut être revu à la hausse, à mesure que lui parviennent de nouveaux noms.

A Moscou, par endroits, des foules importantes étaient visibles, ont constaté des journalistes de l'AFP. Dans le cimetière, des dizaines de personnes défilaient, déposant des fleurs fraîches sur la sépulture ainsi que des bulletins sur lesquels ont été ajouté le nom de Navalny. Dans l'ensemble, la mobilisation de l'opposition s'est déroulée dans le calme, mais l'ONG OVD-Info, spécialisée dans le suivi de la répression, a fait état d'au moins 74 interpellations en Russie pour diverses formes de protestations électorales.

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Des attaques toute la semaine

Sur le plan militaire, cette semaine électorale a été marquée par des frappes meurtrières et des tentatives d'incursion armées depuis l'Ukraine sur le territoire russe, en réplique aux bombardements et assauts quotidiens des forces du Kremlin depuis plus de deux ans sur leur voisin.

Dimanche matin, une adolescente de 16 ans a été tuée dans une attaque aérienne sur la ville de Belgorod, proche de la frontière et très souvent ciblée. Dans l'après-midi une autre personne est morte et 11 autres blessées dans cette même région. Une frappe de drones imputée à l'Ukraine a également provoqué l'incendie d'une raffinerie dans le sud de la Russie.

Vladimir Poutine a juré vendredi que son pays répondrait aux récents bombardements ukrainiens sur son sol et a dénoncé les incursions de combattants pro-Ukraine comme une « tentative » de « perturber » la présidentielle. Moscou continue pour sa part ses bombardements sur l'Ukraine. Une frappe a tué 21 personnes à Odessa vendredi.

(Avec AFP)