Guerre en Ukraine : ces pays européens où les budgets de défense sont montés en flèche

Deux ans après le début de l’offensive russe en Ukraine et la sérieuse dégradation des relations entre Moscou et le Vieux continent, de nombreux pays européens ont décidé d’augmenter drastiquement leurs budgets accordés à la défense. Les pays voisins de la Russie consacrent cependant beaucoup plus de moyens à leurs armées proportionnellement à leurs ressources.
Maxime Heuze
La France, troisième pays qui dépense le plus dans son armée, a aussi vu son budget militaire bondir ses dernières années.
La France, troisième pays qui dépense le plus dans son armée, a aussi vu son budget militaire bondir ses dernières années. (Crédits : skeeze / Pixabay / Creative Commons CC0.)

Alors que le continent européen connaît une guerre a sa frontière avec la Russie depuis maintenant deux ans, la question d'un réarmement des pays qui le composent ressurgit. Pas plus tard qu'en janvier, Emmanuel Macron exhortait, lors de ses vœux à l'armée, l'industrie de défense nationale à passer en mode « économie de guerre ». Peu de temps après, le chef d'état-major de l'armée allemande, Carsten Breuer, affirmait, quant à lui, que son armée devrait être « apte à la guerre ».

D'autant que, les pays de l'OTAN, dont 29 sur 31 sont européens, subissent la pression des Etats-Unis qui les pressent d'augmenter leurs dépenses militaires depuis plusieurs années. Donald Trump a d'ailleurs remis de l'huile sur le feu début février en affirmant qu'il ne défendrait pas les pays membres n'ayant pas consacré 2% de leurs budgets à la défense s'il était réélu en tant que Président. Tous s'étaient, en effet, engagés en 2006 à atteindre ce seuil, mais seuls onze d'entre eux étaient au-dessus de la barre des 2% l'an dernier, selon l'Alliance.

Le conflit en Ukraine a cependant contraint le Vieux continent à replacer cet objectif au centre de ses préoccupations. Ainsi, en 2022, les dépenses militaires de l'Europe ont atteint 314 milliards d'euros, une progression record depuis plus de trois décennies, selon les données de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri). Cela représente, en effet, une hausse de 30% par rapport à 2012. Et ce chiffre devrait encore grimper en 2023 et 2024 au vu des nombreuses annonces de chefs d'Etats européens allant dans ce sens. Cependant, sur le Vieux continent, l'ampleur des dépenses militaires varie fortement d'un pays à l'autre.

Lire aussiFrance : pourquoi l'effort de guerre pour l'Ukraine se fracasse devant les réalités économiques

L'Allemagne se réarme à coup de centaines de milliards d'euros

Trois pays consacrent des sommes largement supérieures à la plupart des autres Etats européens en volume, avec, au premier rang, l'Allemagne. Cette dernière, particulièrement inquiète du comportement belliqueux de Moscou, a même baptisé de « Zeitenwende » (le tournant) sa nouvelle réalité géopolitique depuis l'invasion de l'Ukraine et a décidé de rapidement se réarmer.

Le gouvernement compte notamment sur un fonds spécial de 100 milliards d'euros annoncé le 24 février 2022 et qui devrait être progressivement intégré aux budgets militaires annuels jusqu'à épuisement en 2027. « Bientôt, l'Allemagne aura la plus grande armée conventionnelle d'Europe », assurait le chancelier Olaf Scholz lors de cette annonce. Quelques semaines plus tard, il précisait que Berlin allait atteindre les 2% de PIB par an pour la défense le plus rapidement possible, ce qui permettrait à l'Allemagne de concrétiser le plus gros budget des pays européens de l'OTAN. Alors qu'il ne consacrait que 1,2% de son PIB à son armée en 2018, Berlin vise, en effet, l'objectif de 2% en 2024, soit 84 milliards d'euros. Un somme importante face aux 50 milliards (1,57% de son PIB) qu'elle a consacrés à son armée en 2023.

Lire aussiLPM, économie de guerre : quelles mutations pour l'industrie de défense ?

Mais pour l'instant, l'incertitude demeure sur la capacité de Berlin à atteindre ce seuil en 2024. « Pas un centime n'est encore arrivé », s'inquiétait notamment en mars 2023 la commissaire à la Défense au Bundestag Eva Högl lors de la présentation de son rapport annuel sur la Bundeswehr (l'armée allemande). Une partie de ce fonds a, en effet, servi à reconstituer les stocks militaires de l'Allemagne après l'envoi à l'Ukraine de 14 chars de combat Leopard 2 A6 issus de ces derniers, en janvier 2023. Et, selon le rapport du commissariat de la Défense, une « somme totale de 300 milliards d'euros est nécessaire » pour atteindre les 2% de PIB en 2024.

Le Royaume-Uni et la France appuient aussi sur l'accélérateur

En attendant la montée en régime de l'Allemagne, le Royaume-Uni, reste la première puissance militaire et le plus gros investisseurs dans la défense sur le continent européen. À l'image de Berlin, Londres a aussi revu largement à la hausse ses prévisions de dépenses dans ce domaine en juillet dernier, en pointant directement du doigt la menace russe dans sa décision.

Alors que le budget pour la défense atteignait déjà 45,9 milliards de livres (53,5 milliards d'euros) sur l'année fiscale 2021/2022, le Royaume-Uni a dépensé « plus de 50 milliards de livres (58 milliards d'euros, NDLR) dans la défense pour la première fois de notre histoire » sur l'année 2022/2023, avait insisté le ministre britannique des Armées de l'époque, Ben Wallace, lors d'une allocution à l'été 2023. Surtout, le gouvernement britannique a l'intention de doubler le budget de la défense à 100 milliards de livres sterling (près de 112 milliards d'euros) par an d'ici 2030.

Enfin, la France, troisième pays qui dépense le plus dans son armée sur le continent européen, a aussi vu son budget militaire bondir. Alors que le pays connaissait une baisse continue de ses dépenses militaires depuis les années 1990, son budget consacré à la défense est passé de 39,2 milliards d'euros en 2021 à 43,9 milliards d'euros en 2023, soit 1,9% de son PIB. Surtout, le gouvernement vise 47 milliards d'euros de dépenses en 2024 et souhaite même doubler son budget militaire d'ici à 2030 par rapport à 2019. Déjà avant cette échéance, « le budget de nos armées aura augmenté de 46 % entre 2017 et 2024 », avait déclaré le ministre des Armées Sébastien Lecornu en septembre.

Lire aussiOTAN : la France devrait consacrer 2% de son PIB en dépenses de défense en 2024

Un budget proportionnel à la proximité territoriale avec la Russie

Hormis ces trois pays, tous les membres européens de l'OTAN ont consacré moins de 30 milliards d'euros à leur défense en 2023. Surtout, certains pays sont très loin de l'objectif de 2% de leur PIB. L'Italie (1,46%), l'Espagne (1,26%), la Belgique (1,13%) ou encore le Luxembourg (0,72%) sont les pays européens de l'OTAN délaissant le plus leurs investissements militaires proportionnellement à leur poids économique.

Hormis la Grèce (3% de son PIB), la Slovaquie (2,03%) et le Royaume-Uni (2,07%), les seuls pays européens dépassant le seuil des 2% de leur PIB consacré à leurs armées sont quasi-voisins de la Russie. Ainsi, l'Etat dépensant le plus - proportionnellement à ses capacités économiques - est la Pologne (qui partage, en outre, une frontière avec l'Ukraine) avec un budget de la défense équivalent à 3,90% de son PIB en 2023 (contre 2,4% en 2022), suivi par la Finlande (2,45%) et la Roumanie (2,44%), tous particulièrement exposés aux conséquences du conflit entre Kiev et Moscou.

Lire aussiDéfense : vers un vrai pas de deux entre la Suède et la France ?

Quant à la Lettonie, dont le budget militaire correspondait à 2,27% de son PIB en 2023, la Lituanie (2,54%) et l'Estonie (2,73%), ces trois pays - dont deux sont frontaliers avec la Russie - ont signé un accord en janvier dernier destiné à renforcer leur défense le long de leur frontière avec la Russie. Ainsi les trois États baltes vont construire des « installations défensives anti-mobilité » dans les années à venir dont des centaines de bunkers à la frontière entre l'Estonie et la Russie dans le cadre de nouveaux projets visant à créer une « ligne de défense baltique ».

De même, la Norvège qui partage avec son voisin de l'Est une frontière terrestre de 198 km dans l'Arctique voit ce dernier comme une menace grandissante. Alors qu'elle consacre bien moins d'argent à sa défense (1,67% de son PIB en 2023) que les autres pays européens frontaliers de Moscou, Oslo a annoncé une augmentation de 20% de son budget militaire en 2024 par rapport à 2023 soit 15 milliards de couronnes norvégiennes (1,32 milliard d'euros) supplémentaires. Elle ne prévoit cependant d'atteindre les 2%, voulus par l'OTAN, qu'en 2026.

Maxime Heuze

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 24/02/2024 à 17:30
Signaler
Bonjour de l'argent s'est un minimum pour acheter charc canon et autres... Mais se qui menque le plus ce sont les soldats... Donc la priorité est de rétablir la conscription, seul moyen de préparer nos nation a la guerre... Personne ne souhai...

à écrit le 24/02/2024 à 6:19
Signaler
Merci pour ce bel article! Quelles ont été les résultats de la conférence sur la sécurité européenne de Munich… j’espère que ça va renforcer le mouvement..

le 24/02/2024 à 9:33
Signaler
quand comprendrez vous que cette guerre n'est pas prête a se terminer pour 2causes la crise des institutions en Europe ou la commission européenne est contre la démocratie ou le droit de vote est niez pour ces gens les citoyens vote mal et en de...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.