Soutien à l'Ukraine : Volodymyr Zelensky en visite à Berlin et à Paris pour signer deux accords de sécurité

Par latribune.fr  |   |  1322  mots
Volodymyr Zelensky se rendra ce vendredi à Berlin et à Paris. (Crédits : POOL)
Le chef de l'Etat ukrainien va signer deux accords destinés à garantir à son pays un soutien militaire et financier de long terme avec son homologue français et le chancelier allemand. Des accords interviennent après un engagement pris en marge du Sommet de l'Otan en juillet dernier et qui sont les bienvenus alors qu'une nouvelle aide américaine est toujours bloquée au Congrès. Une situation qui pourrait conduire l'UE à devoir doubler son aide militaire.

[Article publié le vendredi 16 février 2024 à 08h18 et mis à jour à 12h26] D'abord Berlin, puis Paris : tel est l'itinéraire du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, ce vendredi. Le chef de l'Etat est en visite en Europe dans un but : signer des accords de sécurité destinés à garantir à son pays un soutien militaire et financier de long terme, au moment où il peine à repousser l'agression russe. Sur le terrain, la situation s'avère, en effet, difficile pour les Ukrainiens qui manquent d'hommes, d'armes et de munitions.

Volodymyr Zelensky a ainsi été reçu, ce vendredi, par le chancelier allemand Olaf Scholz dans la matinée. Les deux chefs d'Etat ont bel et bien signé un accord de sécurité entre leurs deux pays pour garantir à l'Ukraine un soutien durable, particulièrement sur le plan militaire, a constaté un journaliste de l'AFP. Cet accord porte sur « les engagements de sécurité et le soutien à long terme » de l'Ukraine, avait indiqué plus tôt la chancellerie allemande.

Le président ukrainien est désormais attendu à Paris - sa troisième visite dans la capitale française depuis le début de la guerre, après celles de février et mai 2023 - où un partenariat similaire sera signé en fin d'après-midi au Palais de l'Elysée. Son entrevue avec Emmanuel Macron sera, également, suivie d'une conférence de presse commune et d'un dîner de travail.

Lire aussiOTAN : la France devrait consacrer 2% de son PIB en dépenses de défense en 2024

Près de deux ans après le début de l'offensive russe, le 24 février 2022, « notre détermination (à soutenir l'Ukraine) est là, ne faiblit pas et ne faiblira », a martelé un conseiller du chef de l'Etat français, en amont de cette rencontre, insistant : « Nous sommes déterminés aussi à faire échec à ce pari que fait la Russie », qui « mise sur le temps long, sur notre lassitude ». « Nous ne pouvons pas laisser la Russie gagner, car la sécurité même de l'Europe est mise à mal. Nous devons tout faire, c'est le principal sujet à mes yeux de mobilisation », avait déjà martelé le chef de l'Etat en janvier dernier lors d'une conférence de presse.

Un « soutien militaire dans la durée à l'Ukraine »

L'accord signé entre Kiev et Paris portera sur le « soutien militaire dans la durée à l'Ukraine » ainsi que sur le « soutien économique et en matière d'assistance civile pour renforcer la résilience de l'Ukraine », a indiqué l'Elysée, sans donner toutefois plus de précisions. Son contenu sera rendu public pendant la conférence de presse, de même qu'une synthèse de l'aide militaire accordée par la France, régulièrement jugée très inférieure à celle de ses principaux partenaires, ce que conteste Paris. « On n'est pas dans la guerre des chiffres. Tout ça n'est pas réductible à des chiffres », a néanmoins souligné l'Elysée, mettant en avant « l'aspect qualitatif » du matériel livré (canons, missiles de longue portée Scalp, systèmes antiaériens Crotale, missiles sol-air A2SM etc.).

Concrètement, ces accords de sécurité peuvent porter sur l'octroi d'équipements militaires, interopérables avec ceux de l'Otan, la formation des forces ukrainiennes et le renforcement de l'industrie de défense de l'Ukraine. L'Allemagne et la France ne sont pas les seuls pays à conclure ce type d'accord. Le Royaume-Uni a, en effet, été le premier à l'occasion d'une visite du Premier ministre Rishi Sunak à Kiev le 12 janvier.

Lire aussiCaesar, Serval : le ministère des Armées muscle considérablement le carnet de commandes de Nexter

Une nouvelle enveloppe toujours bloquée au Congrès américain

Ils font d'ailleurs suite aux engagements pris en format G7 en marge du Sommet de l'Otan à Vilnius en juillet 2023. À cette occasion, les pays présents s'étaient engagés à apporter à l'Ukraine un soutien militaire « sur le long terme » afin de l'aider à faire face à l'actuelle offensive russe et dissuader la Russie de toute attaque future contre son voisin. Une promesse bienvenue pour Kiev qui poursuit les négociations avec les autres pays du G7, de l'Italie aux Etats-Unis. Vingt-cinq autres Etats se sont en outre joints à l'initiative du G7, de la Pologne à la Scandinavie.

Côté américain toutefois, le déblocage de nouvelles aides pâtit toujours de l'absence d'accord au Congrès. En effet, une enveloppe de 95 milliards de dollars pour l'Ukraine, Taïwan et Israël - dont 60 milliards destinés à Kiev - promise par les États-Unis depuis des mois, est toujours bloquée en raison d'un veto d'élus républicains trumpistes. Le Sénat a validé cette nouvelle enveloppe, mais son adoption finale dépend des partisans de l'ancien président républicain à la Chambre des représentants, qui refusent en l'état d'examiner le texte.

L'UE va devoir doubler son aide militaire

En conséquence, l'Union européenne va devoir doubler son aide militaire à l'Ukraine pour pallier la défaillance des Etats-Unis, a estimé, ce vendredi, l'institut de recherche allemand Kiel Institute. « Il est hautement incertain que les Etats-Unis envoient de l'aide militaire supplémentaire en 2024 », prédit l'institut, qui recense l'aide militaire, financière et humanitaire promise et livrée à l'Ukraine depuis l'invasion russe. Selon ses données, arrêtées au 15 janvier, les Etats-Unis ont envoyé pour 42,2 milliards d'euros d'aide militaire entre février 2022 et décembre 2023, soit environ 2 milliards par mois.

Lire aussiGuerre en Ukraine: le blocage de l'aide américaine pèse sur le front, l'armée manque de munitions

« L'Europe va devoir au moins doubler son aide militaire actuelle dans l'hypothèse où il n'y aurait pas d'aide supplémentaire des Etats-Unis », a donc prévenu Christoph Trebesch, qui dirige l'équipe du Kiel Institute chargée de suivre l'aide à l'Ukraine. Pour rappel, l'UE a promis 49,7 milliards d'euros d'aide militaire depuis le début de la guerre, mais seulement 35,2 milliards d'euros ont pour l'heure été alloués à des armes et équipements précis. « C'est un défi, mais au bout du compte, c'est une question de volonté politique, a-t-il ajouté. Les pays de l'Union européenne sont parmi les plus riches au monde et, à ce jour, ils n'ont même pas dépensé 1% de leur PIB de 2021 pour soutenir l'Ukraine ».

Au total, 265,1 milliards d'euros ont été promis à l'Ukraine depuis février 2022, dont 141,3 milliards d'aide financière, 107,5 milliards d'aide militaire et 16,3 milliards d'aide humanitaire.

Les premiers donateurs sont l'UE et ses membres (144,1 milliards), les Etats-Unis (67,7) et le Royaume-Uni (15,7). Mais là encore, l'écart est grand entre promesses et sommes effectivement allouées, notamment pour l'Union européenne, qui n'a alloué à ce jour que 77,2 milliards d'euros d'aide. Cet écart s'explique par le fait que les fonds débloqués par l'UE le sont généralement pour plusieurs années.

Dans ce contexte, Kiev presse l'UE d'augmenter ses livraisons d'obus d'artillerie et de « signer des contrats à long terme avec les entreprises » du secteur de la défense ukrainiennes. Paris a notamment été à l'origine en janvier de la mise en place d'une coalition artillerie visant à renforcer les capacités de l'Ukraine face à la Russie. La France, de son côté, s'est dite prête à produire 78 canons Caesar en 2024 et début 2025 pour l'Ukraine, outre les 30 déjà livrés. Monté sur camion, le Caesar peut tirer des obus de 155 mm à 40 kilomètres de distance.

Olaf Scholz a, en outre, donné lundi le premier coup de pioche en vue de la construction d'une nouvelle usine de fabrication d'obus de l'entreprise Rheinmetall qui compte produire, sur l'ensemble de ses sites en Europe, jusqu'à 700.000 obus d'artillerie par an en 2025, contre 400 à 500.000 cette année.

(Avec AFP)