Tensions UE-Chine : la Commission européenne ouvre des enquêtes anti-subventions visant des groupes chinois

Par latribune.fr  |   |  1107  mots
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. (Crédits : Reuters)
Bruxelles a annoncé mercredi avoir ouvert deux enquêtes anti-subventions contre des consortiums d'entreprises dans l'énergie solaire, impliquant des filiales de groupes chinois dont Longi, un mastodonte du secteur.

[Article publié le mercredi 3 avril 2024 à 14h28 et mis à jour à 16h07] La Chine est, une nouvelle fois, dans le viseur de Bruxelles. La Commission européenne a annoncé ce mercredi avoir ouvert deux enquêtes anti-subventions contre des consortiums de fabricants de panneaux solaires, impliquant des filiales de groupes chinois, dont Longi, un mastodonte du secteur, à l'heure où les Vingt-Sept cherchent à muscler leurs parcs d'énergies renouvelables tout en réduisant leur forte dépendance à la Chine dans l'éolien et le solaire.

La Chambre de commerce chinoise dans l'UE s'est dite mercredi « gravement préoccupée » par ces enquêtes, exprimant son « sérieux mécontentement face (...) à l'usage de ce règlement comme nouvel outil de coercition économique » dans les technologies vertes.

L'organisation dénonce « un pouvoir discrétionnaire excessif accordé à la Commission » et des « définitions trop larges et ambiguës » concernant les aides étrangères « imposant des charges excessives et potentiellement discriminatoires à l'égard des entreprises étrangères, y compris chinoises ».

Dans le détail, le premier consortium ciblé associe le groupe roumain Enevo et une filiale - basée en Allemagne - du géant chinois Longi, producteur mondial majeur de cellules photovoltaïques. Le second consortium associe deux filiales entièrement contrôlées par le même groupe étatique chinois, Shanghai Electric, placé sous étroite supervision du gouvernement central.

Les enquêtes font suite aux candidatures de ces deux consortiums pour concevoir, construire et exploiter un parc photovoltaïque en Roumanie, d'une puissance installée de 110 MW, partiellement financé par des fonds européens.

« A la suite de son examen préliminaire des offres, la Commission a estimé justifié d'ouvrir des enquêtes approfondies, car il existe des éléments suffisants indiquant que les deux (consortiums) ont bénéficié de subventions étrangères faussant les conditions du marché intérieur » au détriment des autres entreprises candidates, souligne Bruxelles.

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La Commission, qui dispose de quatre mois pour trancher, pourra soit donner son feu vert, soit interdire aux entreprises épinglées de participer à l'appel d'offres roumain, soit accepter les mesures proposées par les groupes pour remédier à une éventuelle distorsion.

« L'ouverture d'une enquête approfondie ne préjuge pas de l'issue de l'enquête », insiste l'exécutif européen.

Eviter une concurrence déloyale

Ces enquêtes visant deux consortiums distincts sont lancées dans le cadre de nouvelles règles entrées en vigueur en juillet dernier. Celles-ci ont pour objectif d'empêcher les subventions de pays tiers soupçonnées de créer une concurrence déloyale dans l'UE dans le cadre d'appels d'offres.

La nouvelle réglementation européenne oblige les entreprises à notifier à Bruxelles leur participation à des appels d'offres publics dans l'UE « dont la valeur estimée dépasse 250 millions d'euros », et si elles ont bénéficié d'« au moins 4 millions d'euros de subventions financières étrangères (...) au cours des trois années précédentes ».

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L'exécutif européen précise qu'il « évaluera si les entreprises concernées ont effectivement bénéficié d'un avantage indu pour remporter des marchés publics dans l'UE ».

L'Union européenne s'est fixée comme objectif d'atteindre au moins 42,5% d'énergies renouvelables dans sa consommation d'ici 2030, contre un niveau actuel d'environ 22%. Le déploiement accéléré de panneaux photovoltaïques est facilité par l'effondrement des prix sur le marché mondial, mais a aussi renforcé la dépendance vis-à-vis de la Chine. L'UE importe 97% de ses panneaux solaires, pour l'essentiel du géant asiatique, selon Bruxelles.

« Une offre mondiale excédentaire et une forte augmentation des importations ont mis sous forte pression » depuis l'an dernier les fabricants dans l'UE, « contraints de réduire ou de geler leur production », expliquait en février la commissaire européenne Mairead McGuinness.

« L'UE dispose d'instruments pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales telles que des subventions préjudiciables », avait-elle averti devant des eurodéputés.

Mais l'UE doit « mettre en balance ces instruments » avec ses objectifs « en matière de transition énergétique (...) étant donné que nous dépendons dans une très large mesure des importations pour atteindre nos objectifs de déploiement solaire », avertissait-elle également.

Les enquêtes visant des entreprises chinoises se multiplient

Ces derniers mois, Bruxelles cumule les enquêtes sur les entreprises chinoises. Le 14 mars dernier, la Commission européenne avait déjà ouvert une « enquête formelle » visant le géant chinois du commerce en ligne AliExpress. Ce dernier soupçonné de ne pas avoir respecté ses obligations en matière de lutte contre la vente de produits dangereux comme des faux médicaments.

La Commission européenne avait adressé début novembre une demande d'informations à cette filiale du mastodonte chinois de l'internet Alibaba. Sur la base de l'enquête préliminaire, elle a décidé d'ouvrir une procédure formelle dans le cadre du nouveau règlement sur les services numériques (DSA) destiné à mieux protéger les consommateurs, selon une source européenne.

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Mi-février, la Commission européenne a aussi annoncé l'ouverture d'une enquête contre CRRC Qingdao Sifang Locomotive Co, une filiale du géant chinois CRRC, numéro 1 mondial du ferroviaire. Celle-ci est soupçonnée d'avoir bénéficié de subventions en Chine lui permettant de fausser le marché intérieur de l'Union européenne.

Préoccupée par la concurrence des véhicules électriques chinois sur le marché européen et pressée par la France, la Commission européenne a annoncé en septembre l'ouverture d'une enquête sur le soutien et les subventions des autorités chinoises aux constructeurs nationaux d'automobiles électriques.

Trois géants français du cognac ciblés par la Chine

En réponse, le ministère avait lancé en janvier une enquête anticoncurrentielle sur les eaux-de-vie de vin européennes, comme le cognac, après une plainte de l'Association chinoise des boissons alcoolisées. « Cette demande contenait les éléments de preuve nécessaires à l'ouverture d'une enquête antidumping en vertu » de la réglementation chinoise, était-il indiqué dans un communiqué publié le 5 janvier.

Le 13 mars dernier, le ministère chinois du Commerce a déclaré qu'il envisageait d'intégrer les maisons Martell, Hennessy et Rémy Martin dans cette enquête anticoncurrentielle sur les eaux-de-vie de vin importées de l'Union européenne (UE).

(Avec AFP)