Ukraine : écœurée, la Pologne dénonce "l'égoïsme en béton" de certains pays occidentaux, dont l'Allemagne

Par Jérôme Cristiani  |   |  733  mots
Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki au sommet de l'Union européenne (UE) réuni en urgence le 24 février 2022 à cause de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. (Crédits : Reuters)
« Je suis venu à Berlin pour ébranler la conscience de l'Allemagne », a expliqué samedi, juste avant sa rencontre avec le chancelier Olaf Scholz. Jeudi, au premier jour de l'invasion de l'Ukraine, le chef du gouvernement polonais avait qualifié l'agression de la Russie de "barbarie" exhortant à une ferme résistance de l'ensemble du monde libre". Il reproche au camp occidental de se voiler la face - « nous devrions regarder la vérité en face » - sinon de manquer de courage.

[Article publié le 26.02.2022 à 17:00, mis à jour avec lance-grenades allemands à 17:55]

Ce samedi, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a apporté son soutien au président ukrainien qui, aujourd'hui, alors que son territoire est envahi et bombardé, appelait Berlin et Budapest à approuver l'exclusion de la Russie du système interbancaire SWIFT, une sanction considérée comme l'"arme nucléaire économique" et encore examinée par l'Union européenne (UE).

Ce même samedi Mateusz Morawiecki était à Berlin pour rencontrer le chancelier allemand Olaf Scholz pour évoquer la guerre en Ukraine et convaincre les pays occidentaux frileux d'avoir le courage de prendre des sanctions véritablement "écrasantes" contre la Russie.

[Le chancelier allemand Olaf Scholz reçoit Mateusz Morawiecki, Premier ministre de la République de Pologne, à Berlin ce samedi 26 février 2022. Photo:Reuters ]

« Je suis venu à Berlin pour ébranler la conscience de l'Allemagne »

Juste avant sa rencontre avec le chancelier allemand, le Premier ministre polonais tenait conférence de presse, et ses propos, direct et spontanés, comme le ton de sa voix trahissaient une forte émotion (voir vidéo ci-dessous):

« Ce n'est pas le moment aujourd'hui de faire preuve de l'égoïsme en béton que nous voyons dans certains pays occidentaux, y compris ici, en Allemagne, hélas », déclarait M. Morawiecki aux journalistes, avant une rencontre avec le chancelier.

Il ajoutait :

« C'est pourquoi je suis venu ici, chez le chancelier Olaf Scholz, pour ébranler les consciences, ébranler la conscience de l'Allemagne. Pour qu'ils (les Allemands) se décident finalement à imposer des sanctions vraiment écrasantes »contre la Russie.

Au-delà de l'avenir de l'Ukraine, pour le Premier ministre polonais, c'est aussi la sécurité et le développement des économies européennes qui sont en jeu: il l'avait dit très clairement dans sa tribune publiée en français le 11 février dernier dans le quotidien L'Opinion, où il appelait le camp occidental à regarder la vérité en face au lieu de rester dans "l'illusion" et de prendre des vessies pour des lanternes :

« Pendant longtemps, l'Occident voulait croire que le XXIe serait exempt de toute animosité. Mais ce qui se passe depuis quelques années nous a fourni suffisamment de preuves pour nous rendre compte que l'attitude agressive de la Russie, entre autres en Géorgie ou en Ukraine, n'était pas une illusion, mais l'annonce d'un nouveau chapitre dans l'histoire du monde occidental.  »

Appel à la "ferme résistance de l'ensemble du monde libre"

Le chef du gouvernement polonais avait qualifié jeudi l'agression russe contre l'Ukraine de « barbarie » qui « doit se heurter à la ferme résistance de l'ensemble du monde libre ».

La Pologne, membre de l'OTAN, partage avec l'Ukraine une frontière de 535 kilomètres.

« La politique de la Russie, aussi folle qu'elle puisse paraître, est terriblement rationnelle. Depuis trois ans, dans la douleur, nous livrons une bataille contre la pandémie et la crise économique. Au même moment, Vladimir Poutine, avec une cynique précision, est passé à l'offensive, en mettant à son profit toutes nos faiblesses », avait aussi prévenu le Premier ministre polonais, le 11 février dernier.

Face à Scholz, quand Morawiecki mettait les points sur les "i"

Pour mémoire, le 12 décembre 2021, le chef du gouvernement polonais Mateusz Morawiecki avait demandé à son homologue allemand Olaf Scholz de "ne pas ouvrir" le gazoduc Nord Stream 2, une pomme de discorde entre Berlin et la Pologne.

Et lorsque Scholz, lors de sa visite à Varsovie avait assuré dans une déclaration toute byzantine que son pays allait « tout faire pour assurer que l'Ukraine reste un pays de transit » de gaz, le Premier ministre polonais lui avait mis les points sur les "i" en répliquant d'une manière cinglante qu'"il vaudrait mieux de ne pas approuver du tout l'ouverture de Nord Stream 2".

400 lance-grenades pour contrer l'armée russe ?

Ainsi, après la polémique autour du gazoduc Nord-Stream II, l'Allemagne se retrouve à nouveau sous les critiques sur les sanctions contre la Russie, en raison de son refus d'exclure Moscou d'un rouage clé de la finance mondiale, Swift.

Alors que tout ses partenaires européens semblent avoir finalement accepté cette mesure radicale en représailles de l'invasion de l'Ukraine, Berlin hésite toujours, craignant pour ses approvisionnements en gaz et charbon russes.

Il y a peu de chances que l'annonce (de source gouvernementale) faite en fin d'après-midi par l'Allemagne qu'elle autorisait la livraison de 400 lance-grenades à l'Ukraine suffise à convaincre.

(avec AFP)