« Les bulles, c'est terminé ! On va revenir à une finance normale » : le débat Patrick Artus (Natixis), Philippe Chalmin (Cyclop) et Thierry Déau (Meridiam)

#REAix2022. Alors que le monde connaît un choc inédit depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, La Tribune a donné la parole aux grands décideurs de l'économie en direct des Rencontres d'Aix-en-Provence du 8 au 10 juillet. Que pensent les patrons des désordres économiques actuels ? Est-ce la fin de la mondialisation ? Comment faire face au retour de l'inflation qui fait remonter les taux d'intérêt et craindre des tensions sociales ? Comment mener dans le même temps les grandes transitions énergétique, écologique et économique ? Revivez ici la vidéo de l'entretien avec les économistes Patrick Artus (Natixis), Philippe Chalmin (rapport Cyclop) avec Thierry Déau, président de Meridiam, enregistré depuis notre studio installé au cœur du Davos provençal.
Philippe Mabille
(Crédits : DR)

Patrick Artus, Cercle des économistes, économiste chez Natixis

Les changements survenus dans le monde datent d'avant la guerre en Ukraine. Ils sont liés à la fin de la crise Covid. On a réalisé brutalement qu'on était dans un monde plein de raretés et cela a fait flamber les prix. La guerre nous prive des approvisionnements en provenance de Russie. La question de tous les économistes c'est : est-ce que l'inflation due à la rareté est durable, ou est-ce que ce sera fini dans un an ?

Selon le scénario privilégié, on ne peut pas mener les mêmes politiques économiques. Les Américains pensent que c'est durable et veulent casser l'inflation, tandis que les Européens gardent l'espoir que ce soit un phénomène transitoire et retardent le moment de décider de la politique à mener.

Cette crise va contribuer à normaliser la finance. Les bulles, c'est terminé. Les taux d'intérêt vont repasser en positif. Il y aura moins de liquidités à investir, on va revenir à une finance normale, qui évalue les projets sur la base de résultats futurs.

Les marchés financiers pensent qu'on va aller vers une récession, qu'on reviendra à 2% d'inflation d'ici 18 mois. J'ai beaucoup de doutes sur ce scénario. Il n'y a qu'un seul pays où on pourrait avoir une récession, les Etats-Unis, mais c'est lié à la baisse des déficits publics américains. En Europe il n'y pas de risque de récession, en Chine on voit un redémarrage de l'économie. Les pays émergents sont les grands gagnants des matières premières chères. La seule chose qui pourrait amener une récession, ce serait un arrêt complet des exportations de gaz russe vers l'Europe. Mais ce serait une récession inflationniste. Le problème, c'est qui paye la facture de la hausse des prix de l'énergie. Aujourd'hui ce sont surtout les Etats. Cela n'est pas durable. Si cela continue, les entreprises et les ménages devront prendre leur part.

Philippe Chalmin, auteur du rapport Cyclop sur les matières premières

Ce que nous vivons avec le Covid et la guerre en Ukraine est une rupture aussi profonde que ce qu'on a connu dans les années 70 avec la fin des 30 Glorieuses de l'après guerre. On assiste au retour des politiques économiques, de l'Etat et au reflux de l'économie de marché et il est possible qu'on ait devant nous des années difficiles.

Concernant les matières premières, on assiste à une convergence de crises. Une crise logistique, avec un sentiment de pénurie. Les prix des conteneurs ont quadruplé. Une crise énergétique. Tout le monde se focalise sur le prix de l'essence, mais on risque des tensions sur le marché du gaz à l'automne. Une crise agricole à relativiser. Les responsables politiques font un amalgame entre la disparition de l'Ukraine en tant exportateur et la situation mondiale, mais la hausse agricole est liée au fait que la Chine est devenue le premier importateur mondial de grains.

On ne peut pas parler de crise alimentaire, même si la Chine et l'Ukraine ont fait monter les prix. Nous sommes 7,5 milliards d'êtres humains et 1 milliard souffrent de malnutrition. Cela ne date pas de la guerre en Ukraine. Nous n'aurons pas de problème alimentaire pire que d'habitude, sauf si nous avons une crise climatique. On peut se passer du blé ukrainien, même si importer une tonne de blé coûte 150 dollars de plus qu'il y a un an. Enfin, la crise des matières premières et des matériaux aurait tendance à se résorber ces dernières semaines. Le baril de Brent est repassé sous les 100 dollars.

Thierry Déau, président de Méridiam

Meridiam est un fonds d'investissement de long terme, qui compte 20 milliards sous gestion dans les infrastructures durables, la santé, l'éducation. Nous investissons pour 25 ans et la crise n'est qu'un accident dans ces 25 ans. Ce secteur est résilient, protégé de l'inflation. Les incertitudes actuelles sont source d'opportunités. Il faut apporter des solutions en approvisionnement des métaux pour l'Europe et les Etats-Unis, réduire la dépendance à la Chine. L'Europe est obligée d'accélérer sa transition et sortir de sa dépendance au gaz russe, en produisant du biogaz, en investissant massivement et plus rapidement pour en sortir.

Le coût de la transition est de court terme. Sur le long terme, il y aura un vrai bénéfice à la transition. Mais il va falloir que les Etats y participent, car si on met tout sur le dos du consommateur, on aura un problème. Passer du gaz russe au bio méthane prendra quelques années et aura un coût. Mais si on réfléchit au coût complet de la transition et au bénéfice en terme de carbone, c'est une économie pour la planète et c'est rentable, même si à court terme il faut maîtriser l'évolution des prix. Il faut passer à l'action. Le faut qu'on ait pour la première fois un secrétariat en charge de la planification de la transition écologique est un bon signe.

Philippe Mabille
Commentaire 1
à écrit le 16/07/2022 à 15:51
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Bonjour, La fin des bulles spéculative.... Un veux pieux... Car les bourses et les traideurs gagné beaucoup d'argent sur ses bulles, d'ailleurs au détriment du plus grand nombre.... Donc cela ne se terminera pas tout de suite... Maintenant, ils s...

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