Européennes : la majorité prise en tenaille

Par Ludovic Vigogne  |   |  934  mots
Valérie Hayer, députée européennes. (Crédits : © LTD / Eliot Blondet/ABACAPRESS.COM)
Dans le dernier sondage Elabe « La Tribune Dimanche », la liste macroniste patine. Le chef de l'État pourra-t-il redresser la barre ?

Mardi soir, Valérie Hayer a convié tous les parlementaires de la majorité pour faire un point sur la campagne des européennes. La tête de liste macroniste aura fort à faire pour rassurer son camp. À deux mois du scrutin, tout va mal.

Dans le dernier sondage Elabe - La Tribune Dimanche, la liste de la majorité présidentielle est en effet au plus bas, avec 16,5%. Elle reflue d'un demi-point par rapport au mois précédent. Surtout, la tenaille se resserre autour d'elle. D'un côté, l'écart s'accroît avec la liste RN menée par Jordan Bardella, qui avec 30% (+0,5% en un mois) atteint désormais un niveau spectaculaire. De l'autre, il se réduit avec la liste PS conduite par Raphaël Glucksmann, qui récolte 12% et bondit de 3,5 points par rapport à mars.

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Pour le camp macroniste, la conclusion est sans appel : la stratégie, choisie par le chef de l'État, de dramatisation des enjeux et de reconfiguration de l'élection en un duel avec le RN, comme en 2019, ne fonctionne pas. Dans plusieurs catégories électorales, qui étaient de vraies zones de forces pour lui, les signaux sont alarmants. La liste de Valérie Hayer est devancée par celle de Jordan Bardella chez les retraités (21% contre 25%) et les CSP+ (19% contre 24%). En région parisienne, le RN obtient 25% et la majorité, 15%, soit un point seulement de mieux que la liste Glucksmann. « La majorité paie le niveau d'impopularité très élevée d'Emmanuel Macron, analyse Bernard Sananès, le président d'Elabe. Plus les questions nationales sont au premier plan, plus la situation est défavorable pour elle. Or, Valérie Hayer avait été choisie pour rester sur une dimension européenne du scrutin. L'actualité fait que c'est impossible. »

« Je comprends qu'il y ait des déçus sur le plan national, mais sur le plan européen, Emmanuel Macron a un vrai bilan », veut se rassurer, lui, un pilier de la campagne. La majorité réussira-t-elle donc pour s'en sortir à européaniser la campagne ? La dernière semaine d'avril, le chef de l'État prononcera un grand discours sur l'Europe dans le droit fil de celui de la Sorbonne en 2017. « Il entend influer sur l'agenda de la future commission comme il a influé sur celui de la commission von der Leyen avec la Sorbonne », explique un de ses conseillers. Demain, une réunion se tiendra à l'Élysée pour arbitrer le projet défendu par Valérie Hayer ces prochaines semaines...

Les européennes sont un scrutin où tu peux vraiment dévisser

Un proche d'Emmanuel Macron

« Nous avons un équilibre à trouver, avance un des principaux responsables de la campagne. Il nous faut à la fois dérouler notre projet et dénoncer l'hypocrisie du RN. » Le premier objectif doit permettre à la majorité de déclencher un mécanisme de vote utile, le second de réduire le retard pris sur la liste Bardella. Dans le même but stratégique, Valérie Hayer débattra demain sur CNews face à Marion Maréchal. Ce duel vise à faire exister la tête de liste de Reconquête (dans l'enquête Elabe, elle engrange un point grâce au forfait de Nicolas Dupont-Aignan) étouffée par le Rassemblement national. « Je pensais qu'elle serait plus forte et irait chercher davantage d'électeurs chez Jordan Bardella et François-Xavier Bellamy », observe une eurodéputée Renaissance.

Une redistribution des cartes au sein de la gauche

Cela peut-il marcher ? « Les européennes sont un scrutin où tu peux vraiment dévisser », s'inquiète un proche d'Emmanuel Macron. En 2004, la liste chiraquienne avait ainsi obtenu 16,6% et en 2014, la liste hollandaise, 14%. C'est aussi une élection où le premier enjeu est de mobiliser son camp. Aujourd'hui, 58% des électeurs de la liste Hayer sont certains de voter pour elle, contre 79% de ceux de la liste Bardella. « C'est une certitude de choix assez faible, relève Bernard Sananès. Elle n'est également que de 54% en faveur de la liste Glucksmann et 47% de la liste LR menée par François-Xavier Bellamy. C'est là qu'il peut donc y avoir du mouvement et un enjeu. »

Si, dans la majorité, beaucoup s'inquiètent de la menace exercée par Raphaël Glucksmann, celui-ci profite d'abord d'une redistribution des cartes au sein de la gauche (il capte 25% des électeurs de 2022 de Jean-Luc Mélenchon et 26% de ceux de Yannick Jadot) plutôt que d'une fuite des électeurs d'Emmanuel Macron à son profit (il récupère 11% de ses électeurs de 2022). « Il prend plus de déçus du mélenchonisme que du macronisme », conclut Bernard Sananès.

Géographiquement, le camp présidentiel va privilégier ces prochaines semaines le Grand Ouest et les grandes villes, c'est-à-dire là où sont d'abord ses électeurs. Avant le 9 juin, dans la dernière ligne droite, Emmanuel Macron s'engagera en première ligne sous plusieurs formes qui ne sont pas encore tout à fait arrêtées (il pourrait notamment participer à un meeting à l'étranger). « Le militant de l'Europe qu'il est pense que c'est une élection existentielle », dit-on à l'Élysée. Pour le chef de l'État, c'est également un scrutin qui ne doit pas être un désastre et le priver d'oxygène pour ses trois dernières années de mandat.