Après Trump, Marine Le Pen en 2017  ?

Par Mathias Thépot  |   |  780  mots
Marine Le Pen peut-elle gagner pour les mêmes raisons que Trump ?
Les résultats des élections américaines sont riches d'enseignements pour la France à quelques mois de l'élection présidentielle. Car les parallèles entre Donald Trump et Marine le Pen sont nombreux.

Marine Le Pen pourrait-elle créer la même surprise en 2017 que Donald Trump ce mercredi matin ? Plusieurs parallèles concrets entre les deux candidats ouvertement xénophobes et isolationnistes peuvent en tout cas tempérer l'assurance de ceux qui prédisent une défaite de la présidente du FN.

D'abord la sphère politico-médiatique pensait inenvisageable l'élection de Trump au regard de la structure du système électoral américain. De la même manière en France, beaucoup estiment mathématiquement impossible une élection de Marine Le Pen dans un scrutin à deux tours. C'est tout de même mésestimer les raisons qui poussent l'électorat au vote FN. Un vote qui défie une sphère dirigeante entretenant depuis des décennies un système qui en laisse beaucoup sur le carreau.

Les perdants de la mondialisation

Comme pour Trump, le nouveau vivier d'électeurs FN se trouve en effet chez les grands perdants de la mondialisation, qui jugent les politiques complètement impuissants face à l'évolution des choses. Ces électeurs se trouvent pour beaucoup dans cette France désindustrialisée au nord et à l'est, qui rappelle les Etats de la Rust Belt américaine (Pennsylvanie, Michigan, Ohio Wisconsin) qui ont fait basculer l'élection en faveur de Donald Trump. En France, le FN fait aussi recette dans les zones paupérisées en périphérie des grandes villes françaises, où les habitants ressentent fortement les inégalités avec les habitants des centres-villes.  Ainsi « plus les inégalités de revenus sont localement importantes, plus le vote FN tend à être élevé », remarque Joël Gombin, spécialiste de la sociologie électorale*.

Marine Le Pen, comme Donal Trump, séduit donc un électorat dont la confiance dans le politique est aujourd'hui proche du néant. Or, les politiques les plus concernés par ce rejet sont ceux qui ont été aux responsabilités il y a peu. Hillary Clinton en est l'exemple le plus criant. Mais quid alors des adversaires potentiels de Marine Le Pen en 2017 (Juppé, Sarkozy, Hollande, Valls ...), eux aussi figures de proue du système politique actuel ? Ils n'incarnent en aucun cas un renouveau pour ces perdants de la mondialisation qui se tournent vers le Front national. Dès lors, du fait de la faiblesse de l'offre politique actuelle en France, le risque d'une élection surprise de Marine le Pen devient réel.

L'identitaire prend le dessus sur les incohérences

D'autant que les électeurs de Trump ou du FN se moquent des incohérences de leurs champions. Que le multimilliardaire Donald Trump récolte les voix des grands perdants de la mondialisation alors qu'il en est l'un des plus grands artisans paraît pourtant absurde ! Tout comme le succès du nouveau positionnement du clan Le Pen qui promet aux « travailleurs » des zones désindustrialisées un Etat providence fort, lui qui est historiquement anti-communiste et ultra-libéral.

Au même titre que les soutiens de Trump, l'électorat FN n'a cure de ces revirements. Par exemple, « l'opposition entre l'aile libérale incarnée par Marion Maréchal-Le Pen et une aile plus sociale et protectionniste incarnée par Florian Philippot, a relativement peu d'importance : ce ne sont pas les enjeux sur lesquels la majorité des électeurs se déterminent », explique Joël Gombin. Là se trouve la « force » des discours du Front national et de Donald Trump : ils camouflent efficacement leurs contradictions en économie derrière un discours identitaire. Trump a ainsi convaincu l'Amérique blanche profonde, et il n'est pas à exclure que la stratégie de « priorité nationale » de Marine Le Pen séduise ceux qui subissent la hausse des inégalités en France.

"Faire exploser le système"

Enfin, au-delà des relents xénophobes, il y a comme une envie de faire « exploser le système » chez les électeurs de Trump et de Marine Le Pen, peu importe la nature de leurs propositions. Comme le disait le réalisateur Michaël Moore plus de trois mois avant l'élection outre-Atlantique : « Ne sous-estimez pas la capacité des gens à se conduire comme des anarchistes malicieux lorsqu'ils se retrouvent seuls dans l'isoloir ».

Au fond, ce n'est que l'exercice du pouvoir qui révélera les failles du discours de Trump. De même, une frange de l'électorat FN se retrouvera fort déçue si Marine Le Pen était rattrapée par les responsabilités politiques. Mais c'est tout à fait possible. Et il faut en être conscient.

*"Le Front National. Va-t-elle diviser la France", de Joël Gombin aux Editions Eyrolles. 16 euros.

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