François Bayrou.... grand vainqueur du deuxième débat de la primaire de droite

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1049  mots
François Bayrou, Président du MoDem a accaparé les esprits des sept postulants à la primaire de la droite lors du deuxième débat télévisé... Au détriment des questions européennes.
Lors du deuxième débat TV les opposant, les candidats à la primaire de la droite se sont étripés durant trente minutes sur la place à accorder à François Bayrou (MoDem) dans la future majorité...

Et le vainqueur du deuxième débat entre les candidats de la primaire de droite est... François Bayrou. Jeudi 3 novembre, le président du MoDem devait boire du petit lait en regardant les sept postulants s'étriper sur BFMTV et I Télé sur son rôle, son passé et sa personnalité. Il est rare qu'une personnalité absente d'un plateau occupe à ce point les esprits durant environ 30 minutes.

Manifestement, si l'on se réfère aux réseaux sociaux, il est clair que les téléspectateurs n'ont pas vraiment apprécié cette très longue séquence purement politicienne. Plutôt que de développer leurs arguments sur le sort de l'Europe, la géopolitique et la diplomatie, les candidats ont donc préféré savoir s'il fallait, après la présidentielle, accepter de travailler avec François Bayrou... Un sujet manifestement central.

Bayrou plutôt que l'Europe!

Résultat des courses, les postulants ont « oublié » de converser sur des questions cruciales telles la politique de la BCE, les relations franco-allemandes, les conséquences du Brexit, la relance européenne... Autant de sujets nettement moins importants que le fait de savoir s'il sera possible de gouverner avec le président du MoDem qui, aux yeux de certains, est manifestement "persona non grata", à ranger dans la même catégorie que Marine Le Pen, c'est-à-dire celle des non fréquentables. C'est, en tout cas, l'opinion de Nicolas Sarkozy qui n'a pas oublié et pardonné à François Bayrou d'avoir appelé à voter François Hollande en 2012. Pour lui, une alliance avec François Bayrou serait une fausse alternance, ou une alternance « molle ». Une façon pour l'ancien chef de l'Etat de tacler Alain Juppé qui refuse, lui, d'ostraciser le président du MoDem.

Au contraire, le maire de Bordeaux défend l'idée d'une future majorité « la plus large possible qui sera nécessaire pour faire passer des réformes parfois difficiles ». François Fillon, non plus, ne voit pas le problème, considérant que son « contrat » de majorité serait suffisamment clair pour que l'on y adhère... ou pas, qu'il s'agisse du MoDem ou d'autres formations. En fait, derrière ces passes d'armes se cache notamment la question des investitures pour les législatives de juin 2017 et sur le nombre de circonscriptions que le parti « Les Républicains » devra laisser à ses « alliés » du centre et du MoDem...

Certes, cette question est intéressante pour les professionnels de la politique. Mais qu'a dû penser le téléspectateur lambda d'un tel spectacle ? Lui qui attend des solutions et des idées pour améliorer la situation du pays. Les journalistes-animateurs du débat de jeudi soir portent, il faut bien le dire, une part de la responsabilité de cette interminable parenthèse Bayrou, lançant et relançant les questions sur le sujet. Et il a fallu attendre qu'un des candidats s'exaspère - en l'occurrence Jean-François Copé, d'ailleurs non sans humour, se moquant de lui-même au passage - pour siffler la fin de cette longue séquence.

Où sont passées les "vraies" questions?

Cet épisode est très révélateur de la façon dont la pré-campagne électorale 2017 s'est engagée. Les questions économiques et sociales sont reléguées derrière les sujets sécuritaires et identitaires. La classe politique surfe sur le traumatisme post-attentats et les inquiétudes provoquées par l'arrivée des migrants. C'est vrai à droite mais aussi à gauche dans une moindre mesure toutefois. Arnaud Montebourg ou Jean-Luc Mélenchon n'esquivent pas totalement les questions relatives à la politique industrielle ou à la lutte contre le chômage.

A droite, les problématiques économiques devaient être au cœur du premier débat sur TF1 le 13 octobre. Mais le format de l'émission, très séquencé, ne permettait pas d'aller au fond de choses sur la durée du travail, le paritarisme, les retraites, les prélèvements obligatoires, la compétitivité, etc. Au grand dam d'ailleurs de François Fillon qui, de l'avis de nombreux observateurs, est le candidat des primaires qui a le plus « bossé » ces sujets mais qui a un mal fou à les exposer. On l'a d'ailleurs constaté de nouveau lors du deuxième débat où le « professeur » Fillon a martelé à plusieurs reprises qu'il fallait aller « au fond » des choses. Il y a de grandes chances que son vœu ne soit pas exaucé. Du moins tant que la primaire de la droite ne sera pas arrivée à son terme le dimanche 27 novembre à 20 heures quand l'on connaîtra le nom du vainqueur, candidat officiel de la droite à l'élection présidentielle. C'est peut-être à ce moment-là que les problématiques liées à l'économie reviendront sur le devant de la scène... et encore, l'air du temps ne s'y prête pas vraiment alors que, paradoxalement, le chômage reste la première préoccupation des Français devant les questions de sécurité. Malgré tout, dans un débat, on préfère parler de François Bayrou....

Sarkozy soumis à  une canonnade

Sinon, que dire de ce deuxième débat TV... Rien, à part que chacun des acteurs est resté dans son couloir, sans réellement modifier les rapports de force. Alain Juppé, fort de son statut de favori, est plutôt resté en retrait pour éviter les impairs. Nicolas Sarkozy, à l'aise sur les problématiques de la soirée, s'est montré pugnace mais a dû faire face à la canonnade nourrie en provenance notamment de Jean-François Copé et Nathalie Kosciusko Morizet. Ces deux derniers, challengers dans la compétition, ont d'ailleurs crânement tenu leur rôle et se sont montrés plus à l'aise que lors du premier débat. A la différence de Bruno Le Maire, dont le discours de « modernité et de renouveau » a toujours autant de mal à passer car s'accordant difficilement à sa vraie personnalité. François Fillon, lui, a continué de (trop) jouer la carte d u « sérieux ». Quant à Jean-Frédéric Poisson, il est explicitement apparu qu'il jouait le rôle de passerelle entre la droite et l'extrême droite... Rendez-vous le 17 novembre pour le troisième et dernier débat avant le premier tour de la primaire. Avec ou sans François Bayrou ?