Vingt-cinq Nobel d'économie fustigent l'instrumentalisation de leurs idées par le FN

Par Grégoire Normand  |   |  713  mots
Le célèbre économiste Joseph Stiglitz dénonce régulièrement cette "instrumentalisation de la pensée économique".
25 prix Nobel d'économie, dont Joseph Stiglitz ou Jean Tirole, ont dénoncé ce mardi les programmes "antieuropéens" et "protectionnistes" de certains candidats à la présidentielle comme Marine Le Pen. Ils mettent en garde contre une possible "déstabilisation" de l'Europe.

Les économistes unissent leur force. A quelques jours du premier tour de la présidentielle, 25 lauréats du prix Nobel d'économie ont signé une lettre publiée par Le Monde dans laquelle ils dénoncent l'instrumentalisation de leurs idées par des élus du Front national. Ces derniers citent régulièrement ces spécialistes de renom pour justifier leur programme.

Si Joseph Stiglitz a plusieurs fois exprimé des critiques à l'égard de l'euro dans des ouvrages et des déclarations, le célèbre économiste ne souhaite pas être associé à Marine Le Pen et son parti, comme il l'a déjà fait remarquer à plusieurs reprises.

Un front commun

Malgré des positions divergentes sur la zone euro, les questions monétaires ou les politiques économiques à mener pour relancer l'activité en Europe en France, les récipiendaires du célèbre prix ont décidé de faire front commun contre "cette instrumentalisation de la pensée économique dans le cadre de la campagne électorale française".

"Certains d'entre nous ont été cités par des candidats à l'élection présidentielle française, notamment par Marine le Pen et ses équipes, pour justifier un programme politique sur la question de l'Europe", écrivent ces 25 économistes, parmi lesquels l'Américain Robert Solow (prix Nobel en 1987), l'Indien Amartya Sen (1998) et le Français Jean Tirole (2014).

Favorables à la construction européenne

Les signataires se sont montrés favorables à la construction européenne qui "est capitale non seulement pour maintenir la paix sur le continent mais également pour le progrès économique des Etats membres et leur pouvoir politique dans le monde". Pour eux, les différents programmes isolationnistes peuvent représenter des dangers pour  mener à bien la croissance.

"Les politiques isolationnistes et protectionnistes et les dévaluations compétitives, toutes menées au détriment des autres pays, sont de dangereux moyens d'essayer de générer de la croissance. Elles entraînent des mesures de représailles et des guerres commerciales. Au final, elles se révéleront préjudiciables à la France ainsi qu'à ses partenaires commerciaux."

Les 25 prix Nobel prennent par ailleurs position en faveur de l'immigration alors que la candidate du Front national a décidé de durcir le ton de ses discours sur ce sujet pour la fin de sa campagne.

"Quand ils sont bien intégrés au marché du travail, les migrants peuvent être une opportunité économique pour le pays d'accueil. Plusieurs des pays les plus prospères au monde ont su accueillir et intégrer les émigrés."

    | Lire aussi : Immigration : les mauvais "coûts" du Front national

Le Nobel d'économie et professeur émérite à l'université de Princeton Paul Krugman lors d'une conférence de presse au Japon en mars dernier. Crédits: REUTERS/Franck Robichon.

Pour Krugman, "Le Pen n'est pas la réponse"

Dans une tribune publiée la semaine dernière dans le New York Times, le prix Nobel d'économie Paul Krugman a également dénoncé la récupération des positions de certains économistes sur l'Europe ou la zone euro pour rendre plus crédible le programme du FN. Face à ce comportement, l'économiste a rappelé que les propositions soutenues par le parti d'extrême droite concernant l'Europe "nuiraient à l'économie française".

"J'ai été un critique virulent à la fois de l'euro et des politiques d'austérité menées dans la zone euro depuis 2010. La France pourrait et devrait faire mieux que ça. Mais les politiques dont parle le FN - sortie unilatérale non seulement de l'euro, mais aussi de l'UE - nuiraient à l'économie française."

L'universitaire américain a ainsi conclu sa tribune en rappelant que "ce n'est pas parce que Le Pen et des économistes comme moi sont critiques vis-à-vis des politiques européennes que nous avons quelque chose en commun".

Les économistes qui viennent de publier leur tribune ne citent pas d'autres candidats que Marine Le Pen. Mais plusieurs autres candidats en cas d'élection ont prévu un renforcement des politiques de protectionnisme et une sortie de l'euro dont Nicolas Dupont-Aignan, François Asselineau et Jean-Luc Mélenchon, qui l'envisage comme un "plan B".