Acier : Bruxelles annonce des mesures de rétorsion

Par Grégoire Normand  |   |  658  mots
Le plan européen prévoit également d'imposer des droits de douane allant de 10% à 50% sur des importations américaines supplémentaires représentant 3,6 milliards d'euros en mars 2021, voire plus tôt si l'OMC juge les décisions américaines illégales. (Crédits : Reuters/Aaron Josefczyk)
La Commission européenne a annoncé mercredi que les nouveaux droits de douane sur une série d'importations américaines devraient s'appliquer à compter de début juillet. Parmi les produits américains visés figurent le jus d'orange, le bourbon, les jeans et les motos.

La riposte européenne passe à la vitesse supérieure. Après le dépôt de plainte contre l'Organisation mondiale du commerce (OMC), l'Union européenne a annoncé ce mercredi 6 juin qu'elle allait appliquer des mesures de rétorsion contre certains produits américains à partir du premier juillet. La commissaire européenne en charge du commerce Cecilia Malmström, a ainsi déclaré :

"C'est une réponse mesurée et proportionnée à la décision unilatérale et illégale prise par les États-Unis d'imposer des droits de douane sur les exportations européennes d'acier et d'aluminium. Nous regrettons que les États-Unis ne nous aient laissé d'autre choix que de protéger les intérêts de l'UE. "

[ La commissaire européenne en charge du commerce lors d'une conférence de presse le 7 mars dernier. Crédits : Eric Vidal/Reuters. ]

Taxes supplémentaires de 25%

Concrètement, la Commission européenne veut proposer aux Etats membres de l'Union européenne des taxes additionnelles à hauteur de 25% sur une liste de produits fabriqués aux Etats-Unis. Cette liste a été au préalable soumise à l'OMC en prévision de la décisions européenne. Les dommages causés par les mesures américaines sont évalués à 6,4 milliards d'euros d'exportations européennes. L'Union européenne veut donc rapidement appliquer des droits de rééquilibrage évalués à 2,8 milliards d'euros sur les produits américains. Le reste du rééquilibrage, estimé à 3,6 milliards d'euros, devait avoir lieu à partir de 2021, "ou plus tôt, en cas d'accord trouvé dans le cadre du règlement des différends de l'OMC", précise le communiqué de la Commission européenne. La hausse des droits de douane pour les produits importés des Etats-Unis illustre une volonté de l'Union européenne de renforcer son arsenal face à la montée en puissance du protectionnisme outre-Atlantique.

Un accord entre les membres de l'UE

Les Etats membres doivent désormais se mettre d'accord sur la liste de produits à taxer. Jusqu'à présent, l'Allemagne, qui avait beaucoup à perdre dans cette guerre commerciale, était plutôt réticente, mais elle a montré des signes d'ouverture.

"Nous avons reçu le plein soutien de tous les Etats membres sur les mesures qui sont aujourd'hui proposées", a d'ailleurs assuré mercredi le vice-président de l'exécutif européen, Jyrki Katainen.

Le dirigeant a rappelé que les Européens étaient prêts à entamer des discussions commerciales avec les Etats-Unis en vue d'abaisser les droits de douane sur les biens industriels, y compris les voitures, afin d'échapper aux taxes américaines. "Ils ont refusé cette offre, mais elle est toujours valide", a-t-il dit.

"Si les Américains veulent commencer à améliorer l'environnement commercial, ils trouveront toujours un ami de ce côté-ci de l'Atlantique", a-t-il ajouté.

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Le coût du protectionnisme américain pour l'UE

Les mesures de protection annoncées par les Etats-Unis en mars dernier pourraient avoir un impact économique encore difficile à chiffrer. Le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) a cependant procédé à des simulations dans le but de proposer des estimations de cet impact pour l'Union européenne :

"Si tous les exportateurs étaient concernés par les droits de douane américains sur l'aluminium et l'acier, l'UE serait la première touchée et verrait ses exportations d'acier à destination des États-Unis baisser de 47%, soit 3,4 milliards de dollars".

Un montant qui reste relativement modeste selon les économistes. A l'inverse, les mesures ciblant le commerce entre la Chine et les Etats-Unis pourraient "avoir des conséquences nettement plus lourdes, de l'ordre de 25 milliards de dollars pour chacun des deux pays", explique le CEPII. Les échanges commerciaux entre les deux puissances économiques pourraient considérablement diminuer dans les mois à venir.

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