Après une phase compliquée, la Suisse enfin prête à se rapprocher davantage de l'UE

Par latribune.fr  |   |  912  mots
Ces derniers mois, les rapports entre la Suisse et l'UE, son premier partenaire économique, n'ont pas été des plus faciles. (Crédits : DENIS BALIBOUSE)
L'Etat helvète pourrait notamment se rapprocher sur le marché de l'électricité, les produits agricoles, l'immigration ou encore la protection des salaires. Les négociations débuteront avec l'UE au mois de mars.

Après des rapports compliqués ces dernières années avec l'UE, la Suisse pourrait finalement s'en rapprocher très bientôt. Vendredi, le pays a adopté un mandat de négociation qui va lui permettre d'engager des nouvelles négociations.

Celles-ci débuteront « vraisemblablement au courant du mois de mars » quand la Commission européenne aura elle-même obtenu le feu vert du Conseil européen, a indiqué hier le Conseiller fédéral suisse, en charge des Affaires étrangères, Ignazio Cassis. Il présentait le mandat définitif sur la base duquel se dérouleront les négociations avec la Commission européenne, lors d'un point de presse.

Un rapprochement sur le marché de l'électricité, l'immigration ou l'agriculture

Pour rappel, le conseil fédéral helvète, bras exécutif du pays, avait procédé à une vaste consultation depuis la fin 2023 pour recueillir les points de vue des acteurs de l'économie suisse, mais aussi du parlement et des cantons (les Etats fédérés).

Fort d'un large soutien, le gouvernement suisse a affiné le périmètre de négociations sur les différents paquets sur lesquels il est prêt à discuter un rapprochement : marché de l'électricité, transports terrestres, produits agricoles, immigration, protection des salaires, éléments institutionnels et accord de libre-échange.

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Parallèlement aux négociations avec la Commission européenne, l'administration va discuter avec les partenaires concernés dans les domaines de l'immigration, de l'électricité, de la protection des salaires et des transports terrestres, afin de définir les mesures d'accompagnement sur le plan intérieur à un éventuel accord.

Le parlement, et très certainement le peuple suisse, auront ensuite à se prononcer. Pour Ignazio Cassis, « on est dans un processus très démocratique et il faut que ce processus puisse aller jusqu'au bout » même s'il y a risque de rejet. « Il est difficile, après 15 ans de discussions, de retenir maintenant le parlement et le peuple de pouvoir enfin s'exprimer ».

Mais il reste extrêmement prudent sur un calendrier même s'il a « l'espoir » de boucler les négociations d'ici la fin de l'année, affirmant vouloir aller « aussi vite que possible et aussi lentement que nécessaire ».

Certains partis politiques réticents

Ces derniers mois, les rapports entre la Suisse et l'UE, son premier partenaire économique, n'ont pas été des plus faciles. Ce, malgré les nombreux accords bilatéraux qui régissent leur relation depuis des années. Dernier épisode de tension en date : après des années de négociations, Berne avait tout simplement quitté la table en 2021, estimant qu'un accord global n'avait aucune chance de convaincre en Suisse. La méthode, qualifiée de « brutale » par de nombreux observateurs du monde politique suisse, avait jeté un froid glacial entre l'Union européenne et le pays alpin. Avant que les deux parties décident finalement de rediscuter mi-2022.

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Quoiqu'il en soit, le nouveau projet ne convient pas à toutes les sensibilités politiques du pays. A plusieurs reprises, l'Union démocratique du centre et la droite radicale (qui a renforcé en octobre dernier sa place de premier parti de Suisse), ont fait part de leurs réticences. Certains syndicats s'inquiètent aussi des effets d'un potentiel rapprochement sur la protection des salaires. En revanche, les autres partis et le patronat, ainsi que les cantons, se montrent plus positifs.

Une économie au ralenti mais qui reste solide

Sur le front économique, l'Etat fédéral a connu une année 2023 un peu au ralenti, même si le pays peut encore se targuer d'être l'une des économies les plus solides d'Europe. En décembre dernier, le ministère suisse de l'économie a légèrement abaissé sa prévision de croissance pour 2024, compte tenu d'une baisse des exportations à venir, elle-même liée à une « dynamique morose » de l'économie dans la zone euro.

Pour 2024, le groupe d'experts de la Confédération suisse (chargé de réaliser les prévisions conjoncturelles pour le ministère de l'Économie), table désormais sur une progression du produit intérieur brut suisse (hors événements sportifs) de 1,1%, contre 1,2% prévu auparavant, indique-t-il dans un communiqué.

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Les exportations de marchandises devraient, selon les projections de ces experts, croître de 2,7% en 2024, alors qu'ils tablaient auparavant sur une progression de 4,1%. « Les investissements devraient croître faiblement face au repli de la demande et à la hausse des coûts de financement », a expliqué le ministère suisse de l'Économie dans son communiqué de décembre. Mais celui-ci considère tout de même que « la consommation privée devrait continuer de fournir un appui » à l'économie suisse.

Le même groupe d'experts, qui met à jour ses prévisions tous les trois mois, s'attend à ce que l'économie helvète enregistre une accélération en 2025 (+1,7% de croissance) grâce à « un rétablissement progressif de l'économie mondiale et notamment européenne ».

« Jusqu'en 2025, la conjoncture suisse sera principalement soutenue par la conjoncture intérieure, tandis que le commerce extérieur sera freiné par une faible évolution de l'économie mondiale », analyse par ailleurs le centre de recherches conjoncturelles du KOF, situé à Zurich.

(Avec AFP)