[Article publié mercredi 8 novembre et mis à jour jeudi 9 novembre à 13h15]
Le marché bruissait de rumeurs sur un retour prochain du groupe bancaire suisse UBS sur le segment obligataire AT1, une dette perpétuelle subordonnée assimilée à des fonds propres « durs » Tier-1. Tout un symbole depuis que le régulateur suisse avait annulé, le 23 mars dernier, quelque 17 milliards de dollars de dettes AT1 émises par Crédit Suisse lors du rachat de la banque par UBS dans le cadre d'un plan de sauvetage orchestré par les autorités suisses. Cette décision de ramener à zéro la valeur de la dette AT1, contestée depuis en justice, avait provoqué un tollé chez les investisseurs, littéralement fermé le marché européen de la dette AT1, qui était très actif depuis une dizaine d'années.
C'est désormais confirmé : la banque suisse va émettre prochainement de la dette AT1, une première donc depuis mars dernier pour une banque suisse. Quelques banques européennes sont timidement revenues sur les émissions AT1 cet été. La Société Générale vient même de lancer une émission AT1 de 1,25 milliard de dollars. Mais pour les gérants cette émission d'UBS marque une étape importante pour un retour de la confiance.
Opération réussie : jeudi 9 novembre, la banque a précisé avoir levé 3,5 milliards de dollars lors de ce placement d'obligations AT1. Et selon l'agence Bloomberg, la demande aurait été beaucoup plus élevé, de l'ordre de dix fois le montant visé par UBS. « C'est un témoignage de confiance pas seulement pour UBS, mais aussi pour le système financier suisse », a déclaré, jeudi, Sergio Ermotti, président de la direction générale d'UBS, lors d'un forum organisé par Bloomberg.
Cinq crans au-dessous de la note de crédit d'UBS
L'agence de notation S&P a attribué la note BB à ces obligations perpétuelles, qui seront émises par la société holding non opérationnelle du groupe, UBS Group AG. Cette note correspond au segment obligataire « high yield » et s'établit à cinq crans au-dessous de la notation de crédit de la banque (A-). Cette différence s'explique par le caractère très subordonné de la dette, assimilée à des actions.
Mais, comme le précise l'agence de notation, « ces obligations devraient se convertir automatiquement en actions si le ratio de capital passe en-dessous d'un certain seuil - en général 7 % - ou si la banque fait l'objet d'un plan de sauvetage. » Visiblement, UBS a tiré un enseignement de l'affaire Crédit Suisse et propose donc une alternative actions en cas de pépin. La banque va proposer un coupon de 10 % sur les tranches à 5 ans (call à 5 ans) ou dix ans (call à dix ans) de sa nouvelle émission AT1. C'est un prix relativement élevé pour une banque comme UBS.
Selon l'agence de notation, l'émission devrait plus que compenser le remboursement de 700 millions de dollars singapouriens (480 millions d'euros) d'une précédente émission, et devrait donc renforcer le ratio de solvabilité de la banque.
La dette bancaire a le vent en poupe sur le marché du crédit
La banque ne devrait pas avoir du mal à placer son papier, surtout avec la prime proposée. « Le secteur bancaire est l'opportunité la plus attractive du marché du crédit », avait souligné les analystes d'Allianz GI fin octobre, lors d'une présentation à la presse du marché du crédit. De fait, les banques européennes -à l'exception des banques françaises -ont largement profité de la hausse des taux pour doper leurs revenus d'intérêt, alors même que le coût du risque reste relativement bas.
Les obligations AT1 ont été imaginées par les régulateurs européens au lendemain de la crise financière de 2008. Elles sont assimilées, sur un plan réglementaire et prudentiel, à des actions, car elles ont pour vocation d'absorber les pertes d'une banque en cas d'évènements exceptionnels, comme par exemple, comme par exemple, pour la dette AT1 d'UBS, lorsque le ratio de solvabilité est inférieur à 7%.
La dette est perpétuelle mais elle est généralement remboursée par l'émetteur lors du premier call (option d'achat). C'est toute l'ambiguïté de ce type de dettes : aux yeux du régulateur, c'est avant tout un instrument pour absorber les chocs, mais aux yeux de l'investisseur, c'est une obligation mieux rémunérée et finalement... sans grand risque.
Sujets les + commentés