Bahamas Leaks : Neelie Kroes échappe aux sanctions de l'Union européenne

Par Julian Merer  |   |  746  mots
Neelie Kroes a été directrice, entre 2000 et 2009, d’une société enregistrée aux Bahamas, dont l’existence n’a jamais été révélée à Bruxelles.
La Commission européenne a décidé de "réprimander" son ex-commissaire. Les Bahama Leaks avaient révélé que la Néerlandaise était administratrice d'une société offshore entre 2000 et 2009.

Une fois de plus, la Commission européenne a montré ses limites en matière d'indépendance. Bruxelles a annoncé ce mercredi sa décision d'adresser une simple "réprimande" à son ancienne commissaire, Neelie Kroes, suite à une violation du Code de conduite des commissaires de l'Union européenne.

D'après les documents du Consortium international des journalistes d'investigation (à l'origine de la diffusion des "Panama Papers"), Neelie Kroes a été "directrice non exécutive" de Mint Holdings Ltd., une entreprise offshore établie aux Bahamas du 4 juillet 2000 au 1er octobre 2009. Le Code prévoit que les commissaires doivent non seulement renoncer au début de leur mandat à toutes leurs fonctions de direction, mais également notifier dans un registre public celles exercées les dix années précédentes.

Neelie Kroes a déclaré, comme le figure dans la décision, "ne pas avoir été au courant qu'elle avait continué à figurer comme directrice de cette société (...) jusqu'en 2009". Ses juristes déclaraient, au lendemain des révélations, que l'ex-commissaire croyait la société Mint Holdings liquidée depuis 2002.

Bruxelles constate mais ne sévit pas

La Commission "constate la violation", mais explique que "cette activité n'a jamais été effectivement exercée ni rémunérée" et "prend note des excuses de Mme Kroes" tout en avançant qu'elle ne peut être condamnée pour violation de l'article 245 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

On découvre également dans cette même décision que la Néerlandaise, qui a ensuite occupé le poste de vice-présidente de la Commission entre 2010 et 2014, a été sanctionnée d'un blâme pour une affaire qui n'avait pas été révélée auparavant. En janvier 2016, elle aurait omis de déclarer ses revenus 2015 à Bruxelles, tout en acceptant de recevoir son indemnité transitoire, perçue par les anciens commissaires dans les trois ans suivant leur départ. La Commission a alors considéré que cet aspect relevait d'un "manque de diligence".

Des conflits d'intérêts dénoncés

Cette nouvelle décision arrive dans la continuité de la décision du Comité d'éthique de l'UE qui s'était prononcé sur le cas de José Manuel Borroso. La Commission avait estimé que son ancien président n'avait pas violé les règles d'intégrité et de réserve, après son embauche en juillet par la banque américaine Goldman Sachs, décriée pour son rôle dans la crise financière de 2008. De puis la révision du Code de conduite en 2011 (sous le mandat du Portugais lui-même), les commissaires sont censés consulter l'avis de cette institution s'ils désirent travailler dans le privé avant la fin des 18 mois réglementaires.

Les déclarations de l'ancien premier ministre du Portugal, qui se dit "très impressionné par l'engagement de Goldman Sachs pour les niveaux les plus élevés en termes d'éthique" et par la "culture d'intégrité et de responsabilité" de l'entreprise, soulèvent des questions sur l'indépendance des dirigeants de l'Union européenne.

Une décrédibilisation des institutions

Le mois dernier, l'actuel président de la Commission européenne, Jean-Claude Jucker, avait été vivement critiqué pour ne pas avoir condamné son prédécesseur. En réaction, il avait estimé que: "Vu l'expérience récente avec des membres de la Commission précédente, je pense que notre Code de conduite devrait être renforcé afin d'établir des normes éthiques les plus élevées possibles dans le cas de conflits d'intérêts." Il avait ainsi annoncé sa volonté de prolonger de dix-huit mois à trois ans, la période durant laquelle les anciens commissaires doivent informer la Commission sur leur intention de s'engager dans une nouvelle activité professionnelle.

Même si cette initiative a été saluée par certains eurodéputés, une pétition dénonçant un manque de transparence au sein de l'organe exécutif a été lancée par des employés des institutions européennes et a recueilli plus de 150.000 signatures. De nombreuses personnes ont par ailleurs réclamé à la Commission la saisie de la Cour de justice de l'UE sur ces affaires, considérant que ces dernières renforçaient le sentiment de défiance à l'égard de l'Europe.

Le député européen belge, Philippe Lamberts, s'était interrogé : "Qui fait aujourd'hui le plus de tort aux Européens : les eurosceptiques ou les eurocyniques comme M. Barroso ou Mme. Kroes ?"