Brexit : vers une réduction de l'écart de croissance entre le Royaume-Uni et la France ?

Par Grégoire Normand  |   |  740  mots
La croissance au Royaume-Uni pourrait être moins dynamique dans les mois qui arrivent avec la perspective du Brexit.
Graphique - Les perspectives économiques sont incertaines au Royaume-Uni, depuis le référendum du 23 juin. Bien que l'écart avec la France soit resté important ces trois dernières années, il pourrait se réduire à court terme selon l'Insee.

Sur les trois dernières années, l'économie a été bien plus dynamique sur la rive nord de la Manche. Mais la situation pourrait bien changer. Selon une étude de l'Insee intitulée "Les raisons d'une croissance plus forte au Royaume-Uni qu'en France de mi-2013 à mi-2016" :

"En augmentant l'incertitude auprès des investisseurs, la perspective du « Brexit » pourrait accélérer cette convergence, voire inverser le différentiel de croissance."

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Un rebond plus fort de la croissance

Les statistiques de l'Office national for statistics (ONS) et de l'Insee permettent d'observer que si les croissances des deux pays étaient relativement proches entre le second trimestre 2003 et le dernier trimestre 2007, la récession a touché les deux rives de la Manche et particulièrement le Royaume-Uni. La croissance a par contre bien mieux rebondi au Royaume après la crise. Et à partir de 2013, l'écart s'est accentué mais les raisons qui ont permis ce différentiel pourraient s'estomper.

Une consommation soutenue par un marché du travail dynamique

Les chercheurs ont mis en avant plusieurs facteurs pour tenter d'expliquer cet écart de croissance.  Au Royaume-Uni, le pouvoir d'achat et la consommation ont été largement soutenus par un marché du travail très dynamique. Le taux de chômage a chuté au royaume (-3,3 points entre la fin 2011 et la fin 2015 alors qu'il a augmenté en France sur la même période (+ 0,9 point). Pour les économistes, la reprise importante de "l'emploi britannique notamment salarié, a soutenu la consommation et l'investissement des ménages, grâce à la hausse de la masse salariale, mais aussi via la réduction de l'épargne de précaution liée à la baisse du chômage".

L'autre grand facteur mis en avant par les économistes repose sur les effets différenciés des politiques monétaires encouragées par la Banque d'Angleterre et la BCE. Si pour les économistes de l'Insee, les deux institutions ont mené des politiques comparables qui ont entraîné des baisses des taux d'intérêt dans les deux pays, les conséquences n'ont pas été les mêmes.

Au Royaume-Uni, la hausse très forte des actifs a entraîné une augmentation de "la demande des ménages britanniques à travers des « effets de richesse », qui traduisent la conséquence d'une augmentation du patrimoine des ménages sur leur consommation". Cela s'est traduit par un recours aux crédits bien plus important chez les Anglais. Par ailleurs, les crédits accordés aux citoyens britanniques sont souvent réalisés avec un bien immobilier en garantie,"même pour un crédit à la consommation". Ce qui peut provoquer un effet de richesse qu'on n'observe pas en France. Par contre, les ménages français sont beaucoup moins endettés que les ménages britanniques (endettement à hauteur de 127% du revenu disponible au Royaume-Uni contre 86 % chez les ménages français).

Un écart réduit à court terme

Tous ces facteurs qui expliquent un tel différentiel entre les deux pays ont légèrement changé au cours du premier semestre 2016. En France, le chômage a légèrement reculé alors qu'il s'est stabilisé autour de 5% de l'autre côté de la Manche. Dans les mois à venir, le marché du travail ne contribuerait pas de la même façon à la différence d'activités dans les deux économies.

L'incertitude que fait peser le Brexit du côté des investisseurs s'est fait ressentir. Si l'investissement des entreprises au cours du premier semestre a été plutôt dynamique en France, il s'est infléchi au Royaume-Uni dans l'attente du résultat du référendum le 23 juin dernier et pourrait se poursuivre avec la mise en place des modalités pour sortir de l'UE. Ces différents éléments amènent les chercheurs de l'Insee à penser que "la phase de plus grand dynamisme de la croissance britannique pourrait ainsi se refermer".

Bien que les prévisions à court terme des spécialistes se révèlent plutôt pessimistes pour l'économie britannique, cette dernière est en train d'effectuer une transition économique qui laisse la place à de nombreux scénarii. Il est possible que les conséquences économiques du Brexit touchent plus les activités financières basées à City et pourrait profiter au système industriel. Mais de nombreuses incertitudes subsistent encore sur la capacité du Royaume-Uni à opérer cette transition.