Grèce : le tourisme souhaite un accord... et le redoute

Par Romaric Godin, à Athènes  |   |  855  mots
Le tourisme grec se porte bien, mais il craint l'avenir.
La saison touristique grecque est impactée par le blocage des négociations avec les créanciers. Mais les professionnels redoutent la hausse de la TVA dans les îles et la restauration.

Dans les rues d'Athènes, la saison touristique a commencé. Dans les musées, les files d'attente s'allongent doucement. Les boutiques et les tavernes du quartier touristique de Plaka, au pied de l'Acropole, sont emplies de touristes indifférents aux discussions entre le gouvernement hellénique et ses créanciers. Pourtant, le blocage de ces négociations n'est pas totalement sans effet sur le tourisme, un des derniers moteurs encore intact de l'économie grecque.

Revue des objectifs à la baisse

Andreas Andreadis, le président de la confédération du secteur du tourisme SETE, a fait son deuil de ses objectifs de janvier dernier. « En début d'année, nous espérions pouvoir dépasser le record de de l'an passé avec 24 millions de visiteurs et des recettes de 40 milliards d'euros », rappelle-t-il. Selon lui, jusqu'en avril, les chiffres étaient en cohérence avec ces espoirs. Mais, à partir de mai, autrement dit au début de la saison, les résultats se sont affaiblis. « Les recettes de mai sont en recul par rapport à l'an passé et nous nous attendons à une stagnation en juin. Du coup l'augmentation d'un milliard d'euros des recettes cette année semble inatteignable », estime Andreas Andreadis.

Craintes des voyageurs

Certains voyageurs ont donc préféré ne pas choisir la Grèce par crainte de ne pas pouvoir retirer de l'argent dans les banques ou de ne pas pouvoir payer par carte bancaire en cas de problèmes de liquidités ou de contrôle des capitaux. Craintes injustifiées pour l'instant où il n'y a aucune queue devant les distributeurs automatiques. Andreas Andreadis rappelle aussi qu'à Chypre, le contrôle des capitaux n'empêchait pas les touristes d'utiliser leurs cartes bancaires comme bon leur semblaient. Mais, comme le remarque le président de la chambre des hôteliers grecs, Georges Tsakiris, « nous sommes punis de notre présence en une des journaux du monde entier. » C'est dire si le secteur espère la conclusion d'un accord avec les créanciers. « Nous espérons qu'avec un accord, la demande repartira, notamment dans le domaine crucial pour nous des séjours réservés à la dernière minute qui représentent 30 % du total », explique Andreas Andreadis.

L'inquiétude de la hausse de la TVA

Et pourtant... Et pourtant, le secteur n'est pas non plus sans redouter ce même accord. Car, inévitablement, il le frappera par un alourdissement des taxes, en particulier de la TVA. Le gouvernement grec, dans sa proposition de lundi 22 juin prévoyait une augmentation de 6,5 % à 13 % de la TVA sur les hôtels. Mais le FMI réclame également la hausse de la TVA sur la restauration de 13 % à 23 %. Pour Andreas Andreadis, la première hausse est « supportable » pour le secteur, pas la seconde. « Dans une offre de service moyenne, la restauration compte pour un quart. Une telle hausse conduirait à un renchérissement de 16 % en moyenne, c'est en dehors de nos possibilités », jure-t-il. Du reste, le responsable du SETE, qui ne semble pourtant pas goûter le nouveau gouvernement, n'a pas de mots assez durs pour le FMI. « Je ne comprends pas leur logique », affirme-t-il. Pour lui, cette hausse est si forte que c'est une incitation à ne pas payer la TVA dans un pays où cette pratique est déjà une difficulté. Et de rappeler qu'une telle hausse avait été tentée en 2011 et qu'il avait fallu revenir en arrière en 2013. « Une telle mesure va nous coûter trois points de PIB », clame-t-il en présentant une étude d'économistes.

Même inquiétude concernant la suppression des TVA réduites dans les îles qu'exigent les créanciers. Si Andreas Andreadis reconnaît que certaines îles, comme Mykonos ou Santorin, peuvent supporter cette réforme, il s'inquiète pour des îles plus petites et moins courue des touristes. Il plaide donc pour des mesures plus ciblées, plus différenciées. Et il regrette que la troïka et les gouvernements précédents n'aient pas écouté les demandes à ce sujet de la profession au cours des années précédentes.

Refus du Grexit

Andreas Andreadis n'est pas pour autant favorable à une sortie de la zone euro. Certes, le tourisme grec gagnerait en compétitivité, mais cela, selon lui, ne correspondrait pas à la nature du tourisme en Grèce. « Nous ne sommes pas un pays de tourisme bas de gamme qui parquent des gens dans d'immenses ghettos. Nous visons un tourisme où les visiteurs partagent la vie des Grecs. Or, je suis persuadé que si la Grèce sort de l'euro, elle va s'appauvrir. Ce partage et le haut de gamme deviendra impossible », estime-t-il. Même sentiment de la part de Georges Tsakiris pour qui un Grexit serait un « désastre » et « sans aucun effet positif pour le secteur hôtelier. » Bref, le secteur touristique grec est soumis à des injonctions contradictoires : il souhaite un accord  à tout prix pour faire rebondir la fréquentation et éviter le Grexit, mais il ne veut pas des conditions de l'accord présenté par les créanciers. Malgré les bons chiffres, l'inquiétude est donc encore palpable dans le secteur touristique grec.