Pourquoi Angela Merkel n'est pas prête au Grexit

Par Romaric Godin  |   |  886  mots
Angela Merkel est-elle prête au Grexit ?
Une grande partie de la solution à la crise grecque demeure dans les mains de la chancelière. Et Angela Merkel semble devoir éviter un Grexit.

Alors que les négociations semblent plus que jamais bloquées entre la Grèce et ses créanciers et que l'on cherche désormais des moyens de repousser des échéances (la Grèce pourrait payer l'ensemble des dettes dues au FMI fin juin), l'issue de la crise repose sans doute dans le choix que fera Angela Merkel. Mardi 26 mai, le quotidien allemand Die Welt, indiquait, comme le suggérait La Tribune depuis quelques semaines, que la chancelière et son ministre des Finances Wolfgang Schäuble sont en désaccord sur la question de la sortie de la Grèce de la zone euro.

Le fond de l'opposition Schäuble-Merkel

Cette opposition n'est pas une nouveauté. Les deux responsables allemands veulent conserver l'union monétaire, non seulement pour des raisons politiques, mais aussi pour des raisons d'intérêts économiques. L'euro est essentiel pour l'industrie exportatrice allemande en lui accordant une monnaie faible et en la protégeant des dévaluations compétitives de ses fournisseurs. La question est alors de savoir si une sortie de la Grèce de la zone euro est un danger pour cet édifice. Wolfgang Schäuble ne le pense pas. Sa vision est qu'une zone euro capable d'exclure les « mauvais élèves » est une zone euro plus cohérente, donc renforcée. Un message serait ainsi envoyé aux Etats membres tentés de « sortir des clous. » Les effets du Grexit ayant, par ailleurs, un effet dissuasif pour les candidats à la sortie de l'euro.

En face, Angela Merkel reste attachée à l'intégrité de la zone euro. Elle estime qu'il est dangereux de créer un précédent, que ce serait ouvrir une boîte de Pandore qui peut se rouvrir en permanence. Un Grexit signerait la fin de l'irréversibilité de l'euro. De plus, si, grâce à la BCE, il n'y a plus de risque direct comme en 2012 d'une réaction en chaîne, les investisseurs seraient contraints de revoir l'évaluation des risques des Etats membres. Et les partis eurosceptiques pourraient y voir la confirmation qu'il est possible de sortir de l'euro. Ce serait donc prendre un risque difficile à évaluer.

Le risque géopolitique

Ce mercredi 27 mai, le site britannique Business Insider souligne également combien Angela Merkel peut être sensible au risque géopolitique que constituerait un Grexit. Le site estime que le risque de voir un membre de l'UE et de l'OTAN se jeter dans les bras de « l'ours russe » est une des préoccupations majeures de la chancelière. Or, en cas de crise financière, Athènes se tournera sans doute vers ceux qui veulent bien l'aider. L'aide de la Russie n'est certes pas acquise, mais il existe une possibilité qu'elle soit proposée. Dans ce cas, Moscou n'hésitera pas à dicter ses conditions. Là encore, ce serait un risque que Berlin aura du mal à prendre compte tenu de la situation régionale. Du reste, selon Die Welt, le ministère allemand des Affaires étrangères soutiendrait un refus catégorique du Grexit.

L'élément intérieur

Reste enfin l'élément interne du choix. Angela Merkel demeure en position forte en Allemagne. Elle est quasi-incontournable à droite. Aucun candidat à sa succession n'a réellement émergé. Wolfgang Schäuble ne dirige pas un groupe au sein de la CDU, même s'il traduit les vues de nombreux députés. La position de la chancelière n'est donc pas vraiment contestable au sein de la droite allemande, et elle n'est pas menacée par un concurrent qui pourrait capitaliser sur une opposition à sa prise de position. Elle est donc en position de force pour faire accepter des concessions sur le dossier grec. Elle peut aussi compter sur l'appui des Sociaux-démocrates, peu moteurs sur le sujet, mais plutôt opposés à un Grexit. Enfin, l'effondrement interne des Eurosceptiques d'Alternative für Deutschland, donnés dans le dernier sondage Forsa à moins de 5 % pour la première fois depuis fin 2013, et la renaissance des Libéraux de la FDP (donnés à 7 %) semble réduire le risque électoral lié à une position modérée sur la Grèce.

Besoin d'une victoire

Enfin, Angela Merkel a besoin d'une victoire sur le front grec pour redorer son blason passablement terni par l'affaire de la collaboration entre les services secrets allemands et leurs homologues américains. La popularité de la chancelière a reculé de 5 points dans le dernier baromètre et la presse n'est pas tendre avec elle sur ce sujet. La Süddeutsche Zeitung titrait ce mercredi 27 mai sur la « perte de crédibilité » de la chancelière. Parvenir à un accord « honnête » avec la Grèce lui permettrait de détourner l'attention et de se draper dans son rôle préféré, celui de sauveur de l'Europe. Certes, provoquer un Grexit ne serait sans doute pas dommageable dans l'immédiat pour sa popularité, les Allemands étant plutôt favorable à cette option, mais elle prendrait là encore un risque : si la situation se dégrade en Grèce, elle devra assumer la rupture, notamment devant son allié social-démocrate. Surtout, ce serait pour la chancelière nier l'ensemble des choix pris précédemment.

Au final, il semble qu'Angela Merkel penche clairement pour éviter un Grexit. C'est là une des principales forces de la partie grecque.