Zone euro : la croissance reste faible au troisième trimestre

Par Romaric Godin  |   |  1007  mots
La croissance en zone euro demeure faible.
Eurostat a confirmé le maintien du rythme de croissance de la zone euro à 0,3% au troisième trimestre. Un niveau insuffisant qui reste un casse-tête pour la BCE.

Au troisième trimestre, la croissance de la zone euro s'est maintenue à 0,3 %, soit le même rythme qu'au cours du trimestre précédent. Ce rythme de croissance dénote cependant un ralentissement par rapport aux deux trimestres précédents, où la croissance des 19 pays de l'Union économique et monétaire avait atteint 0,5 %. C'est donc une croissance faible non seulement dans l'absolu, mais aussi au regard des performances passées. Sur les dix derniers trimestres, la zone euro a fait mieux à cinq reprises et autant à quatre reprises.

Par rapport au troisième trimestre 2015, la croissance est de 1,6 %. Là encore, c'est le même rythme qu'au deuxième trimestre, mais là encore, l'affaiblissement est visible à moyen terme. Ainsi, entre le deuxième et le dernier trimestre de 2015, la croissance sur un an était de 2 %. Il y a donc manifestement et, malgré l'appui massif de la BCE, un affaiblissement de la croissance en zone euro. A long terme, la croissance demeure aussi faible : le PIB de ce troisième trimestre est supérieur de 1,9 % seulement au point haut d'avant crise, le deuxième trimestre 2008.

En termes de comparaison internationale, la zone euro fait encore une fois bien piètre figure. Sa croissance trimestrielle est inférieure à celle de l'Union européenne dans son ensemble (+0,4 %), notamment en raison de la croissance britannique (+0,5 %), mais aussi des États-Unis (+ 0,7 %) et du Japon (+0,5 %).

Ce qui a tiré la croissance de la zone euro

Le détail des composantes de cette croissance n'est pas encore connu, mais des éléments peuvent déjà être tirés des statistiques parues à ce jour. Ce deuxième trimestre aura en effet été plus mouvementé que ne le laisse apparaître le chiffre final. Après le vote britannique en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, le mois de juillet a été marqué par une certaine incertitude. La production industrielle a alors marqué le pas (- 0,7 % en rythme mensuel), mais, devant la résistance de l'économie britannique, elle a, en août, récupéré son retard et affiché de forts taux de croissance mensuels (+1,8 % en zone euro). Un feu de paille, cependant, puisqu'en septembre, elle s'est à nouveau contractée, à -0,8 % sur un mois. Au final, il reste une faible croissance sur le trimestre de l'industrie. Avec toujours le même et persistant problème : la faiblesse de l'investissement qui s'affiche en recul en Allemagne et en France, les deux principales économies de la zone euro.

Sur le front de la consommation, les ménages ont aussi plutôt fait grise mine. Les ventes au détail ont reculé de 0,2 % sur un mois en août et septembre après une progression de 0,3 % en juillet. La remontée des prix de l'énergie, notamment des prix à la pompe, ont réduit les envies acheteuses des ménages. Comme, par ailleurs, la contribution extérieure à la croissance s'annonce faible, la dépense publique aura sans doute modérément soutenu la croissance au troisième trimestre. Mais cette dépense reste limitée et l'investissement public demeure réduit.

Sur le plan géographique, les grandes économies n'ont guère montré de dynamisme. La France et l'Allemagne affichent des croissances de 0,2 %, l'Italie faisant mieux avec 0,3 %. Certes, c'est la première fois depuis le premier trimestre 2009 que la Péninsule affiche une croissance supérieure à celle de l'Allemagne, mais le niveau de cette croissance reste assez faible. L'Espagne demeure dynamique (+0,7 %), mais ralentit à un niveau aussi faible qu'à la fin de 2014. Les bonnes surprises viennent du Portugal (+0,8 %) et de la Grèce (+0,5 %) qui affichent des taux de croissance plus forts que prévu.

Les trois leçons de cette croissance faible

Quelles leçons tirer de ces chiffres ? D'abord que la BCE se trouve confrontée à un choix difficile. La remontée actuelle de l'inflation et des taux, tant souhaitée par ailleurs, comporte en effet un risque si elle ne s'accompagne pas d'une accélération de la croissance. La hausse des prix, portée principalement par des causes "externes" sans hausse correspondante des salaires conduira à une compression de la consommation. Or, pour augmenter les salaires, il faudrait une dynamique sous-jacente dans l'investissement, portant notamment la productivité. On la voit pas se profiler réellement, d'autant qu'elle pourrait être freinée par la hausse des taux réels. La BCE est donc condamnée à maintenir sa pression sur les taux, au risque de laisser l'inflation accélérer encore. La stagflation devient une option pour la banque centrale.

Deuxième leçon de cette faible croissance : l'Allemagne est décidément un « moteur » assez peu performant pour l'ensemble de la zone euro. Certes, la première économie de la zone euro a connu un « trou d'air » après deux bons trimestres (+0,4 % et +0,7 % respectivement) et ceci s'explique sans doute par les incertitudes du Brexit et du commerce international. Mais cela signifie aussi que le potentiel de croissance de cette économie présentée comme un modèle demeure faible. La croissance annuelle sur le trimestre est de 1,6 % et devrait, sur l'année ne pas dépasser 1,9 % selon l'institut ZEW et ralenti l'an prochain à 1,6 % au mieux. Dans un contexte de plein emploi et d'équilibre budgétaire, cette performance demeure plutôt limitée et totalement incapable de tirer l'ensemble de la croissance de la zone euro.

En ce qui concerne enfin la croissance, plutôt forte, des pays périphériques (Chypre, Espagne, Grèce, Italie ou Portugal), ces performances ne doivent pas faire illusion. Elles sont le fruit d'un rattrapage fondé sur une réduction des coûts salariaux. Elles s'accompagnent souvent d'une dégradation du niveau de vie et d'un fort sentiment d'insécurité sociale qui ont des traductions politiques. Le référendum italien du 4 décembre prochain devrait le rappeler. Souvent également, le niveau des investissement reste faible, la réduction du prix de la main d'oeuvre réduisant les incitations à augmenter la productivité. Ceci réduit les capacités de montée de gamme et de croissance future de ces pays.