Manipulation de taux : amende de 1,7 milliard d'euros pour six banques

Par latribune.fr  |   |  727  mots
La Société Générale, visée uniquement dans l'enquête sur l'Euribor, a été condamnée à une amende de 446 millions d'euros.
Bruxelles a infligé ce mercredi des amendes à six établissements financiers pour avoir manipulé les taux interbancaires en euros de l'Euribor et du Tibor, pour un montant total record de 1,7 milliard d'euros. La Société Générale a été condamnée à une amende de 446 millions d'euros.

L'addition devient de plus en plus salée pour les banques impliquées dans la manipulation de taux interbancaires. La Commission européenne a infligé ce mercredi des amendes à six établissements financiers pour avoir manipulé les taux interbancaires  pour un montant total record de 1,7 milliard d'euros.

Cette décision concerne les taux interbancaires en euros (Euribor) et en yens (Libor et Tibor), déterminés chaque jour sur la base des taux auxquels les banques se prêtent de l'argent entre elles, et sur lesquels sont indexés une multitude de contrats et produits financiers.

Au total, huit institutions ont été reconnues coupables de manipulation. Quatre ont participé à l'entente concernant l'Euribor et six à celle concernant le Libor en yens. Une infraction a concerné le Tibor.

446 millions d'euros pour la Société Générale, 725 millions d'euros pour Deutsche Bank

La Commission n'avait jamais jusqu'ici infligé des amendes pour un montant cumulé aussi élevé dans des cas d'entente et abus de position dominante, a souligné au cours d'un point de presse le commissaire européen chargé de la Concurrence, Joaquin Almunia.

"Notre décision a une double ambition: punir et dissuader", a-t-il expliqué. Bruxelles "veut être sûre que les institutions financières travaillent pour l'économie réelle, et non dans l'intérêt de quelques-uns", a-t-il insisté.

Deutsche Bank, visée dans les deux enquêtes, devra à elle seule s'acquitter d'une amende totale de 725 millions d'euros, et Société Générale, visée uniquement dans l'enquête sur l'Euribor, a été condamnée à une amende de 446 millions d'euros. RBS, condamnée dans les deux affaires, devra payer 391 millions d'euros.

Barclays et UBS ont bénéficié d'une immunité pour avoir collaboré avec la Commission

Dans le détail, concernant l'Euribor, Barclays a bénéficié d'une immunité et ne paiera pas d'amende pour avoir révélé l'existence de l'entente à la Commission. Outre Deutsche Bank (466 millions d'euros) et Société générale, RBS a été condamnée à 131 millions d'euros. Deutsche Bank, RBS et Société générale ont vu leurs amendes réduites de 10% pour avoir coopéré à l'enquête. Dans la même enquête, une procédure a été ouverte à l'encontre de Crédit Agricole, HSBC et JPMorgan et se poursuivra dans le cadre de la procédure normale.

Dans le cas du Tibor, UBS ne paiera pas d'amende après avoir révélé les infractions à la Commission. Outre Deutsche Bank (259 millions) et RBS (260 millions), sont concernés JPMorgan (80 millions), Citigroup (70 millions), et le courtier britannique RP Martin (247.000 euros).

Les lourdes amendes "ne mettent pas fin à cette histoire"

La banque néerlandaise Rabobank, qui a obtenu récemment des accords à l'amiable pour payer 774 millions d'euros dans trois pays pour manipulation du Libor, n'a pas été soumise à l'amende car "elle n'était pas impliquée dans les activités de cartel, selon notre enquête", a expliqué Joaquin Almunia.

Mais les lourdes amendes infligées par la Commission "ne mettent pas fin à cette histoire", a insisté ce dernier. Joaquin Almunia a par ailleurs précisé que la Commission enquêtait actuellement sur de possibles manipulations du franc suisse et "n'excluait pas d'autres investigations du même ordre". Il a ajouté que la Commission avait reçu des informations sur des manipulations du marché des changes.

Des litiges dont le coût se chiffre à plusieurs dizaines de milliards de dollars

La Commission agissait dans ce cas sous sa casquette de gendarme de la concurrence en Europe. Mais elle travaille aussi sur un autre front concernant les indices de référence, puisque en septembre, elle a proposé de légiférer pour mieux les encadrer et les rendre plus transparents. Le texte prévoit aussi des sanctions administratives.

Ces dispositions viendront compléter le nouveau cadre législatif sur les abus de marché, qui prévoit des sanctions pénales en cas de manipulation d'indices, et sur lequel la Commission a dit mercredi "espérer trouver un accord dans les deux ou trois semaines qui viennent".

A noter aussi que fin septembre, treize banques (dont la Société Générale) ont été attaqués en justice par le régulateur américain pour avoir manipulé le Libor. De quoi encore gonfler le coût total des litiges pour les banques depuis 2008 qui se chiffre déjà à plusieurs dizaines de milliards d'euros.