Entreprises européennes : des milliards d'euros... en mal d'investissement

Par Christine Lejoux  |   |  535  mots
La trésorerie des entreprises du Nord de l’Europe ne représentait pas moins de 8,2% du total de leurs actifs en 2013, un niveau proche du haut de cycle de 2004 (8,5), selon S&P. REUTERS.
Les entreprises européennes ont accumulé 346 milliards d’euros de trésorerie, entre 2007 et 2013, d’après l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P). Le hic, c’est qu’elles ne disposent pas d’une visibilité suffisante pour l’investir dans l’économie européenne.

Qui l'eût cru, dans une Europe à peine sortie de la récession, et qui a enchaîné deux crises, celle, financière, de 2008, puis la crise des dettes souveraines de 2011 ? Et pourtant, les entreprises européennes ont trouvé le moyen d'accumuler 346 milliards d'euros de trésorerie de 2007 à 2013, a indiqué Alexandra Dimitrijevic, directrice associée chez Standard & Poor's (S&P), au cours de la conférence de presse annuelle de l'agence de notation financière, qui s'est déroulée le 14 janvier, à Paris.

 Résultat, la trésorerie des entreprises du Nord de l'Europe ne représentait pas moins de 8,2% du total de leurs actifs en 2013, un niveau proche du haut de cycle de 2004 (8,5). Un niveau qui atteint même 9,5% pour les entreprises du Sud de l'Europe, dont les économies sont pourtant celles qui ont le plus souffert, ces dernières années.

 Une visibilité insuffisante pour se lancer dans des projets d'expansion

Ce trésor de guerre de 346 milliards d'euros, quelle bouffée d'oxygène pour le financement de l'économie européenne ! En théorie, oui. Dans la pratique, il en va tout autrement : "Il ne s'agit pas là d'une manne pour l'économie européenne", prévient Alexandra Dimitrijevic. Pour la simple raison que cet argent - engrangé à coups de cessions d'actifs, de baisses des dividendes versés aux actionnaires et d'émissions obligataires lancées à la faveur de taux d'intérêt très bas -, les entreprises européennes l'ont mis de côté par prudence, pour faire face aux incertitudes macro-économiques. Exactement de la même façon que les particuliers se constituent une épargne de précaution lorsque les temps s'annoncent durs.

Et ce n'est pas demain la veille qu'elles l'investiront dans l'économie du Vieux Continent.

"La croissance économique est insuffisante pour que les entreprises disposent de la visibilité nécessaire au lancement de projets d'investissement, d'expansion",

explique Alexandra Dimitrijevic.

 Vers une baisse de 3% des investissements en Europe, en 2014

 De fait, l'économie de la zone euro ne progressera que de 0,6 % en 2014, selon la Commission européenne. Aussi les entreprises européennes devraient-elles afficher une croissance à un chiffre seulement de leur activité, cette année, selon S&P. Qui table donc sur une baisse de 3% de leurs investissements, en 2014.

"Cela fait plusieurs années que les entreprises européennes, à la différence de leurs concurrentes américaines, sont dans un cycle d'investissement très faible", 

insiste Alexandra Dimitrijevic. Et ce, qu'il s'agisse de croissance organique ou de fusions et acquisitions, lesquelles devraient "rester limitées en Europe, en 2014", selon S&P. Une faiblesse des investissements dans l'innovation, dans les nouvelles technologies, qui, si elle perdure, risque de creuser l'écart entre la compétitivité de l'industrie européenne et celle des Etats-Unis.

Reste que la frilosité des sociétés européennes à dépenser a au moins une vertu : celle de consolider leur santé financière, puisque 5% seulement des groupes européens notés par S&P affichent une perspective négative, signifiant que leur note de solvabilité financière risque d'être dégradée dans les 18 prochains moins. Une proportion qui s'élevait à 16% il y a encore un an.