Un ancien conseiller de Matignon chez Natixis : nouvel exemple de pantouflage ?

Par Mathias Thépot  |   |  600  mots
Faut-il que de grands spécialistes de la finance susceptibles de retourner travailler dans ce secteur soient employés dans les cabinets ministériels?
Déjà chez BPCE jusqu'en 2012, l’ex conseiller au financement de l’économie de Jean-Marc Ayrault retrouverait, selon Les Echos, une place au sein de la direction de Natixis. Pendant ses deux années passées au sein de l'appareil d'Etat, il était notamment le référent à Matignon sur la loi de séparation des activités bancaires, que les banquiers ont combattue, et qui a accouché d’une souris. Une question d'éthique se pose.

Nouvel exemple de pantouflage entre l'Etat et les banques françaises ? Selon les Echos, l'ex conseiller de Jean-Marc Ayrault pour le financement de l'économie, Nicolas Namias, va être nommé à la tête de la stratégie de Natixis, la banque de financement et d'investissement de BPCE. Son arrivée est programmée pour l'été, selon le quotidien économique, qui rappelle que cet énarque avait déjà dirigé, de juillet 2008 à avril 2012, le pilotage et l'analyse de la performance de BPCE.

Le réseau étoffé des banquiers au sein de l'appareil d'Etat.

Clairement, une question déontologique se pose si l'information des Echos se confirme. Nicolas Namias a en effet été le conseiller référent de Matignon lors des discussions sur la loi de séparation des activités bancaires adoptée à l'été 2013, et dont l'idée initiale ne plaisait guère aux banquiers. Ces derniers ont parfaitement manœuvré pour arriver à leur fin : au final, de séparé, ou plutôt de filialisé, il n'y a aura qu'une infime partie du chiffre d'affaires de la BNP Paribas et de Société générale.
Pour faire passer ses messages, le lobby bancaire a pu s'appuyer sur un réseau étoffé infiltré dans l'entourage des décideurs publics. Chaque banque disposant d'au moins un relai plus ou moins officiel au sein de l'appareil d'Etat, ou bien ayant accompli un parcours en son sein.

Comment réformer son futur employeur?

C'est donc loin d'être la première fois qu'un ancien des cabinets ministériels est enrôlé dans une banque une fois sa mission au sein de l'Etat achevée. Mais ce type de pratique pose toujours la question du conflit d'intérêt : Comment un conseiller ministériel peut-il objectivement agir dans l'intérêt général pour réformer en profondeur son potentiel futur employeur qui ne veut pas de ces changements ? Certains répondront, parfois à juste titre, qu'il est de toute façon indispensable de posséder des techniciens dans ses équipes pour réformer un secteur, qui plus est un secteur complexe comme le secteur financier.

C'est d'ailleurs cet argument qui est souvent mis en avant pour justifier la réussite du président Américain Roosevelt en 1933 : entouré de conseillers économiques et juridiques proches des milieux d'affaires, il avait réussi à contrecarrer les pressions du milieu financier pour imposer son « Banking Act » de 1933 qui a instauré la séparation entre la banque de dépôt et la banque d'investissement qui sera effective jusque dans les années 1990.

Mais désormais, ces conseillers proches des milieux d'affaires, qui subsistent dans l'entourage des grands dirigeants de notre monde, contribuent à l'inverse à tempérer les ambitions réformistes.

Une commission de déontologie... pas très éthique

Pour éviter de potentielles dérives, une commission de déontologie a été créée en France en 1995. Elle contrôle les mouvements des acteurs entre secteurs publics et privés et "examine si les activités privées qu'ils envisagent d'exercer ne sont pas incompatibles avec leurs précédentes fonctions", est-il indiqué sur le portail internet de la fonction publique.

Si la nomination de Nicolas Namias chez Natixis se confirme, c'est donc que la commission de déontologie l'aura acceptée. Serait-ce une surprise ? Non, car plusieurs "jurisprudences" existent en la matière. La plus récente et plus symbolique reste l'approbation par la commission de la nomination de Xavier Musca, ancien secrétaire général de l'Elysée sous la présidence de Nicolas Sarkozy, au sein de la direction du Crédit Agricole.