Les banques françaises affrontent des vents contraires

Par Christine Lejoux  |   |  818  mots
Les nouvelles taxes et réglementations devraient avoir un impact négatif de 500 millions d'euros sur le résultat net 2016 de BNP Paribas, selon son directeur général, Jean-Laurent Bonnafé.
Taux bas, croissance en berne, alourdissement de la réglementation et de la fiscalité… Lors de la présentation de ses résultats annuels, le 5 février, BNP Paribas a prévenu qu'il lui sera plus difficile que prévu d'atteindre les objectifs de son plan stratégique 2014/2016.

Comme de coutume, BNP Paribas a donné, jeudi 5 février, le coup d'envoi des présentations de résultats annuels des banques françaises. Le coup d'envoi et sans doute aussi le "la" de cette saison 2015, car les vents contraires évoqués par la banque devraient valoir pour l'ensemble du secteur. BNP Paribas a en effet laissé entendre qu'il lui sera plus difficile que prévu d'atteindre les objectifs de son plan stratégique 2014/2016, présenté un an plus tôt. Une prudence qui, au passage, a gommé la bonne surprise de résultats annuels supérieurs aux attentes des analystes financiers (lire encadré ci-dessous), en dépit de l'amende colossale de 6,6 milliards d'euros infligée en juin à la banque par la justice américaine, au titre de transactions en dollar réalisées dans des pays soumis à un embargo des Etats-Unis.

Conséquence, avec un recul de près de 4%, le cours de Bourse de BNP Paribas a signé la plus forte baisse de l'indice CAC 40, jeudi 5 février, les analystes doutant de la capacité du groupe à afficher une rentabilité des capitaux propres de 10% en 2016, comme il s'y était engagé un an auparavant. "Notre plan 2014/2016 se déroule dans un environnement plus difficile qu'anticipé, il faudra donc être meilleur que prévu pour atteindre nos objectifs. Il y a du vent de face et du vent de côté", a reconnu Jean-Laurent Bonnafé, directeur général de BNP Paribas, lors d'une conférence de presse.

Des taux très bas et une conjoncture économique toujours morose

Au premier rang de ces vents contraires figure la conjoncture économique européenne. BNP Paribas avait bâti son plan stratégique sur l'hypothèse d'une reprise de l'économie au sein de la zone euro. Cet espoir étant demeuré vain, la banque a revu sa copie : ses prévisions de croissance du PIB (produit intérieur brut) européen pour la période 2014/2016 sont désormais inférieures de 60 points de base (au total) à ses premières estimations. Dès le 14 janvier, l'agence de notation Standard & Poor's (S&P) avait prévenu que le secteur bancaire français risquait de voir les revenus de ses activités de banque de détail grevés par un PIB en croissance de moins de 1% cette année, dans l'Hexagone. De fait, une conjoncture économique morose n'est pas de nature à encourager les entreprises et les ménages à solliciter des crédits bancaires pour financer des investissements et des dépenses.

Autre vent de côté, voire de face : des taux d'intérêt très faibles. Là encore, BNP Paribas avait construit son plan 2014/2016 en pariant sur "une gentille remontée des taux", rappelle Jean-Laurent Bonnafé. Las ! Les taux longs sont historiquement bas, et pour longtemps, compte tenu du programme de rachats massifs de titres de dette publique annoncé le 22 janvier par la BCE (Banque centrale européenne). Or près de la moitié des revenus des grandes banques françaises proviennent de la marge d'intérêt, c'est-à-dire de l'écart entre les taux longs, auxquels les établissements bancaires prêtent, et les taux courts, auxquels ils se refinancent. C'est dire à quel point la baisse des taux longs risque de pénaliser les revenus et la rentabilité des banques françaises.

Un impact négatif de 500 millions d'euros sur le résultat net 2016

Des banques qui ont également maille à partir avec un alourdissement de leur fiscalité. Le 12 novembre, à l'occasion de la présentation du budget rectificatif par le gouvernement, elles ont appris que la taxe systémique dont elles s'acquittent depuis 2011 ne disparaîtrait qu'en 2019, et que celle-ci deviendrait en outre non déductible de l'impôt sur les sociétés. A quoi s'ajoutera, à partir de 2016, la contribution des banques françaises au fonds de résolution unique des crises bancaires, l'un des piliers de l'union bancaire européenne. Un tableau qui ne serait pas complet sans la poursuite d'un tsunami réglementaire que les banques espéraient terminé, avec, en point d'orgue, le projet de TLAC (total loss absorbing capacity). Les contours de cette nouvelle exigence de renforcement des fonds propres des banques, qui émane du Conseil de stabilité financière, devrait être finalisés cette année.

Cet environnement réglementaire toujours très lourd avait d'ailleurs été invoqué par S&P, le 14 janvier, pour justifier sa prudence à l'égard du secteur bancaire français. Toutes ces nouvelles taxes et réglementations devraient de fait engendrer un impact négatif de 500 millions d'euros sur le résultat net de BNP Paribas en 2016, prévient la banque. C'est un euphémisme de dire que la communauté financière attend avec impatience les perspectives de la Société générale, de BPCE (Banque Populaire Caisse d'Epargne) et du Crédit agricole, dont les résultats annuels seront publiés au cours des deux prochaines semaines.