Bâle 3 : "ce serait très grave" de ne pas renforcer les règles de sécurité financières

Par Delphine Cuny  |   |  506  mots
François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France. (Crédits : Banque de France)
Le gouverneur de la Banque de France ne juge "pas très sérieuse" l'estimation, avancée par le lobby bancaire européen, d'un impact négatif de 0,4% sur le PIB de l'UE lié à l'application des nouvelles règles de solvabilité internationales. Dix ans après la crise financière, il met en garde contre "la tentation de l'oubli".

Face au discours alarmiste du lobby bancaire français et européen sur l'impact négatif de la transposition des nouvelles règles de solvabilité, appelées Bâle 3, qui pourrait selon une étude amputer le PIB de l'UE de 0,4% de façon permanente, le gouverneur de la Banque de France n'a pas hésité à monter à son tour au créneau. Interviewé sur Radio Classique ce mardi 26 novembre, François Villeroy de Galhau a joué aussi la carte de la dramatisation, laissant entrevoir des conséquences funestes.

"Prendre la responsabilité de ne pas transposer Bâle 3 serait très grave. Ce serait céder à la tentation de l'oubli, dix ans après la crise financière. Or il s'est passé des choses très lourdes" a déclaré le gouverneur. "Ce serait augmenter les risques d'instabilité financière. On réduirait à l'échelle mondiale ces règles de sécurité renforcée."

Un message en direction des banques mais aussi des décideurs politiques : un groupe d'une soixantaine de députés, LR et LREM, mené par le président de la commission des finances Eric Woerth, a en effet déposé une résolution appelant à évaluer le texte et réaliser des ajustements. Edouard Philippe avait lui-même en juillet déclaré qu'il ne fallait pas "s'imposer des normes démesurément contraignantes par rapport à celles des autres". Les banques françaises et européennes se plaignent de l'augmentation des exigences en fonds propres que devrait entraîner l'application de Bâle 3 : une hausse de 24% selon l'Autorité bancaire européenne.

"Le meilleur compromis possible"

Le gouverneur de la Banque de France a balayé les estimations du cabinet Copenhagen Economics, mandaté par la Fédération bancaire européenne, d'impact sur le PIB européen.

"Je crois que ces chiffres sont extrêmement fragiles. Heureusement ça n'aura pas cet effet négatif !" a-t-il affirmé. "Je ne crois pas du tout que [cette transposition du texte] ait un effet négatif sur la distribution de crédit. Les règles de sécurité n'empêchent pas du tout la croissance de l'économie. Ce qu'on nous raconte là-dessus, ce n'est pas très sérieux".

Il a rappelé que la croissance du crédit en France est dynamique, de 6% à 7% par an.

François Villeroy de Galhau a défendu l'accord signé il y a deux ans dans le cadre du Comité de Bâle.

"Cet accord, c'était le meilleur compromis possible. Les Américains ont dû reconnaître les modèles internes bancaires [d'évaluation des risques des portefeuilles de crédit, ndlr] utilisés en Europe et au Japon. En sens inverse, les Européens et les Japonais ont dû reconnaître que ces modèles internes soient un peu mieux encadrés pour être davantage comparables" a-t-il souligné.

Il a néanmoins appelé à nouveau à une transposition "équitable et raisonnable". Ce qui concerne notamment le calcul du minimum requis de fonds propres au niveau consolidé d'un groupe bancaire, non par filiale et par pays.