BNP Paribas dépasse les attentes mais peine à convaincre le marché

Par Delphine Cuny  |   |  954  mots
"L'activité progresse bien, l'encours de crédit est en hausse. La croissance économique est là mais tout ne se traduit pas forcément dans les revenus" a reconnu le directeur général de BNP Paribas, Jean-Laurent Bonnafé (Crédits : Philippe Wojazer)
La première banque de la zone euro en termes d'actifs a dégagé des revenus en hausse de 2,5%, grâce à l'international, et un bénéfice stable au deuxième trimestre, malgré les taux bas qui impactent la banque de détail et une forte chute des activités de taux et change sur les marchés. L'action a perdu plus de 11% depuis le début de l'année. Décryptage.

[Article mis à jour à 18h]

Verre à moitié vide ou à moitié plein ? Les investisseurs ont peiné à se faire une idée sur les résultats du deuxième trimestre de BNP Paribas. "Des résultats solides" s'est félicité le directeur général, Jean-Laurent Bonnafé, lors de la présentation à la presse ce mercredi 1er août 2018. Et supérieurs aux attentes des analystes : le bénéfice net est stable à 2,39 milliards d'euros pour un produit net bancaire de 11,2 milliards d'euros, en hausse de 2,5%. Ces chiffres cachent cependant une réalité contrastée selon les métiers, la banque de détail restant pénalisée par les taux d'intérêt très bas et les activités de marchés ayant souffert de la baisse du dollar et de la faible volatilité, tandis que les activités à l'international ont grimpé de 8,7%.

"L'activité progresse bien, l'encours de crédit est en hausse. La croissance économique est là mais tout ne se traduit pas forcément dans les revenus" a reconnu le patron de BNP Paribas.

L'action BNP Paribas a ouvert en forte hausse, de plus de 2% ce mercredi, avant de virer dans le rouge en milieu de matinée, en recul de 0,7%. À la clôture, elle a cédé 0,47%.

[Evolution de l'activité au deuxième trimestre 2018 par pôle, marchés domestiques (banque de détail en France, Italie, Belgique, Luxembourg, Arval), services financiers internationaux (Cetelecom, Cardif, BanWest, etc) et banque de financement et d'investissement. Crédits BNP Paribas]

Les taux bas pèsent, sur la banque de détail et les marchés

Ce sont les services financiers internationaux (le crédit à la consommation Cetelem, les assurances Cardif, la gestion de fortune, la banque californienne BancWest) qui ont tiré la croissance. Les investisseurs espéraient une amélioration des performances dans la banque de financement et d'investissement (Corporate and Institutional Banking), qui demeure à la peine : son produit net bancaire a reculé de 6,8% et son bénéfice avant impôts de 26%. L'annonce de la Banque centrale européenne (BCE) qu'elle ne remonterait pas ses taux avant l'été 2019 a pesé sur les activités de taux et de changes (Fixed income) qui ont chuté de 17,4% sur le trimestre. À l'inverse, l'activité sur les actions et les dérivés en particulier a bondi de 12,1%.

"Nous gagnons des parts de marchés sur les Equities (actions)" a mis en avant Jean-Laurent Bonnafé. "L'effet dollar va s'estomper et sera nul voire positif, en fin d'année" a-t-il complété.

[Evolution des revenus de l'activité sur les marchés depuis 2016, en jaune les marchés actions, en orange les marchés de taux, change et matières premières. Crédits : BNP Paribas]

Les marchés attendaient aussi des signes d'amélioration dans la banque de détail. Si les revenus demeurent pénalisés par les taux bas, en particulier en France (repli de 0,8%), du fait de moindres indemnités de renégociation de prêts immobiliers, le contrôle des coûts et la forte baisse du coût du risque a permis d'augmenter le bénéfice avant impôts (+7,6%).

Les investisseurs se détournent

Pas de quoi inspirer les marchés. Les investisseurs se sont détournés de la valeur depuis la fin du mois de mai, lorsque la crise italienne a fait tanguer le secteur bancaire européen, en particulier les établissements présents en Italie, comme BNP Paribas (avec sa filiale BNL) et Crédit Agricole (Cariparma). Le titre BNP Paribas accuse un recul de près de 11% depuis janvier et de plus de 16% sur un an, la sixième plus forte baisse du CAC 40, derrière Crédit Agricole (-19%) et Société Générale (-24%), quand l'indice a progressé de plus de 7%.

"C'est un effet d'optique. Nous avons réalisé la même performance que l'indice bancaire européen" a minimisé Jean-Laurent Bonnafé.

[Cours de BNP Paribas depuis un an. Crédits : Euronext]

L'indice Euro Stoxx Banks (dans lequel elle pèse 13%) est en baisse de 10,8% depuis janvier et de 14% sur un an, le Stoxx Europe 600 Banks (avec les britanniques et les suisses notamment) de "seulement" 9% depuis janvier. Les banques françaises (à part Natixis) présentent une décote par rapport à la moyenne européenne : en termes de ratio cours-bénéfice (PER), BNP Paribas se traite avec un multiple de 7,9 fois contre 11 fois pour les banques européennes selon le courtier Jefferies.

[Evolution de l'indice Stoxx Europe 600 Banks depuis janvier. Crédits : Stoxx]

"C'est l'ensemble du secteur bancaire [qui subit cette baisse]. Nos multiples sont meilleures que certaines banques européennes, que les allemandes notamment" a ajouté Philippe Bordenave, le directeur général délégué.

Les banques allemandes ont connu les pires performances du secteur : Deutsche Bank a perdu plus de 30% de sa valeur depuis le début de l'année et Commerzbank 27% !

Le directeur général délégué reconnaît qu'il estime la banque sous-valorisée, notamment en termes de cours sur actif net (price to book). La moindre rentabilité des banques françaises, et plus généralement européennes, par rapport à leurs concurrentes américaines, est une des explications, même si BNP Paribas est proche de son objectif de retour sur fonds propres (RoE) de 10% en 2020, à 9,6% à la fin du premier semestre. La contrainte réglementaire en serait une autre, notamment sur le calcul des fonds propres, à l'heure où les États-Unis sont sur la voie de l'allègement.

Plus généralement, dans un contexte de guerre commerciale, les investisseurs ont eu tendance à se détourner des valeurs européennes au profit des actions américaines, en particulier les technologiques, moins vulnérables aux hausses de droits de douane.