Contre le crédit "de trop", la Cour des comptes relance l'idée du fichier de surendettés

Par Delphine Cuny  |   |  498  mots
Près de 40% des dossiers de surendettement comprennent quatre crédits à la consommation ou plus, relève la Cour des comptes.
Dans son enquête sur les politiques publiques d'inclusion bancaire, la Cour des comptes recommande de créer un fichier partagé entre prêteurs sur les détenteurs de plusieurs crédits à la consommation, souvent à l'origine des situations de surendettement. L'idée d'un tel "fichier positif", prévu dans la loi Hamon et retoqué par le Conseil constitutionnel, fait débat.

[Article publié à 12h et mis à jour à 14h45]

Si le nombre de surendettés a diminué de 11% l'an dernier, avec moins de 195.000 saisines de la commission de surendettement, selon l'Observatoire de l'inclusion financière de la Banque de France, il reste des progrès à faire pour prévenir ces situations et mieux accompagner les personnes en situation de précarité financière. La Cour des comptes vient de publier son enquête sur les politiques publiques d'inclusion bancaire, qui était présentée ce mardi au Sénat lors d'une audition devant la commission des finances. Dans ce rapport de plus de 200 pages, la Cour établit une liste de dix recommandations.

L'une d'elles, la numéro 9, est de "mettre en place un fichier d'alerte portant sur les crédits à la consommation". Il est précisé "selon des modalités qui respectent les exigences exprimées par le Conseil constitutionnel". En effet, un tel "fichier positif", prévu dans la loi Hamon sur la consommation en 2013, avait été retoqué par le Conseil constitutionnel en mars 2014, ayant jugé que "la création du registre national des crédits aux particuliers porte une atteinte au droit au respect de la vie privée qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi".

Fichier d'alerte ou trois relevés obligatoires

La Cour des comptes estime qu'il faut "aller plus loin pour prévenir l'octroi du "crédit de trop", à l'instar de ce qui se fait dans d'autres pays européens". Elle préconise "la création d'un fichier partagé" comme "la meilleure solution pour renforcer l'analyse de la solvabilité des emprunteurs." La Cour souligne que près de 40% des dossiers de surendettement recevables comportent quatre crédits à la consommation ou plus. Afin de lutter contre ce "phénomène d'accumulation de crédits souscrits auprès de souscripteurs différents", un "fichier d'alerte" pourrait être créé mais recentré sur la détention de crédits  la consommation multiples.

Une autre solution envisagée serait "l'introduction d'une obligation pour l'emprunteur de fournir au prêteur ses trois derniers relevés de comptes bancaires". Mais cette option alternative comporte des inconvénients, notamment dans le cadre de la souscription sur le lieu de vente.

Monique Saliou, conseiller maître à la Cour des comptes, qui était auditionnée au Sénat ce mardi, a précisé que la Cour préférerait que ce fichier soit placé sous la responsabilité de la Banque de France, qui instruit les dossiers de surendettement et préside l'Observatoire de l'inclusion bancaire (OIB).

Cependant, celle-ci n'est pas enthousiaste. Jacques Fournier, le directeur général de la statistique de l'institution, également auditionné, a fait valoir que ce type de fichier n'est "pas efficace à l'étranger", par exemple en Belgique, et que la part des dettes non financières (eau, électricité, loyer) augmente chez les surendettés. Il s'est dit favorable à l'option de l'obligation de fournir les trois relevés bancaires au-dessus d'un certain seuil de crédit.