"Face à la rupture digitale, les banques doivent investir dans l'humain"

Par Delphine Cuny  |   |  503  mots
Dans toute l'Europe, ce sont 50.000 emplois bancaires dont on a annoncé la disparition en 2016, selon Reuters, en plus des 130.000 de l'année précédente.
Le syndicat national des banques SNB/CFE-CGC enjoint les banques de former leurs personnels à devenir de "vrais conseillers" et des experts, et non de simples vendeurs de produits. Il redoute une casse sociale comme dans d'autres pays européens face à l'accélération des mutations.

Attention au risque de casse sociale face à la révolution numérique. Le président du syndicat national des banques SNB/CFE-CGC, Régis Dos Santos, tire la sonnette d'alarme : si les banques françaises ne prennent pas les devants, « le secteur risque de subir beaucoup de dégâts », comme on l'a vu ces derniers mois dans des pays voisins. L'allemand Commerzbank a annoncé 9.600 suppressions d'emplois dans le cadre de son plan Bank 4.0, le néerlandais ING 7.000 d'ici 2021 pour devenir « le Spotify de la banque ». Dans toute l'Europe, ce sont 50.000 emplois bancaires dont on a annoncé la disparition en 2016, selon Reuters, en plus des 130.000 de l'année précédente.

En France, les effectifs, de l'ordre de 370.000 personnes, se réduisent graduellement depuis 2011, de 0,6% en 2015, « en douceur grâce à la pyramide des âges, qui restera favorable pendant deux ou trois ans », relève Régis Dos Santos. « On pensait que cela prendrait 5 à 8 ans, mais l'histoire est en train de s'accélérer » : BPCE va annoncer un plan stratégique axé sur le digital, BNP Paribas aussi, le LCL se réorganise, tout cela dans un contexte de pression sur les marges avec des taux d'intérêt très bas. Le président du syndicat nous confie :

« Les banques se mettent à investir dans les startups, il faut qu'elles réalisent le même investissement dans l'humain. Nous espérons un plan Marshall de la formation dans la banque.

Aujourd'hui, les employés en agence sont des généralistes, ils savent parler de 80 à 110 produits. Demain, on n'en aura plus besoin, car ses tâches seront prises par des logiciels, des robots, de l'intelligence artificielle. Il faut laisser les personnels faire leur vrai métier, être d'abord des conseillers, des experts pointus, pas des vendeurs de produits. Sinon, on fait le lit des banques en ligne, voire des banques low-cost. »

Ne pas devenir comme les taxis face à Uber

Les banques dépensent en moyenne 3,6% à 3,8% de leur masse salariale dans la formation, mais cet effort est « essentiellement orienté vers le technico-commercial, la vente de produits et le réglementaire ». Le syndicat, qui revendique 23.000 adhérents, suggère d'y consacrer une part plus grande aux formations diplômantes de culture générale (grandes écoles) pour remettre les personnels en situation d'apprentissage et prévoir ensuite des formations spécialisées, « car la nouvelle banque n'est pas encore arrivée. »

Certains personnels seront réorientés vers les réseaux sociaux, qui deviendront un canal important de relation client, ce qui implique des formations dédiées. Mais cette rupture digitale nécessite d'accompagner tous les personnels dans cette mutation profonde des métiers.

« Je ne suis pas un Don Quichotte de l'Internet, on ne peut se battre contre ce rouleau compresseur. Si on ne veut pas se retrouver dans la situation des taxis face à Uber ou des hôteliers face à Airbnb, il faut anticiper. Sinon on se fera rattraper par la révolution digitale et on risque de voir nombre d'établissements disparaître ».