Faillite bancaire : une garantie des dépôts européenne a minima

Par Delphine Cuny  |   |  910  mots
En France, le Fonds de garantie des dépôts et de résolution, créé en 1999, est chargé de l'indemnisation des déposants en cas de faillite bancaire. Les comptes courants et d'épargne sont couverts jusqu'à 100.000 euros par client et par établissement, mais pas l'assurance-vie ou les espèces et objets au coffre.
Bruxelles a présenté un nouveau projet de mécanisme de partage des risques en cas de faillite bancaire, moins ambitieux, face aux réticences de l’Allemagne. Un système européen de garantie des dépôts complèterait les dispositifs nationaux qui couvrent jusqu’à 100.000 euros, une fois réglé le problème des créances douteuses trop élevées.

Revoilà l'idée d'un fonds de garantie des dépôts européen, "un chaînon manquant essentiel de l'union bancaire" selon la Commission européenne. Bruxelles a dévoilé ce mercredi de nouvelles propositions visant à mettre en place un système assurant la même protection à tous les Européens en cas de faillite bancaire, son projet initial étant au point mort depuis novembre 2015.

Face aux réticences de l'Allemagne, qui ne veut surtout pas devoir payer pour les déboires des banques les plus vulnérables (typiquement italiennes, espagnoles ou grecques), la Commission européenne a mis sur la table un mécanisme de partage des risques "plus progressif" et "plus limité", et conditionné au nettoyage du bilan des banques les plus exposées aux créances douteuses.

"Tous les déposants au sein de l'union bancaire devraient bénéficier du même niveau de protection, quelle que soit leur situation géographique", insiste la Commission.

Nettoyer les bilans des créances douteuses

Dans une première phase, le système européen de garantie des dépôts (SEGD, ou EDIS pour European Deposit Insurance Scheme, en anglais) "fournirait uniquement une couverture de liquidité aux systèmes nationaux de garantie des dépôts", de façon temporaire, "si une banque est en crise", une sorte de prêt qui serait remboursé par la suite par le secteur bancaire.

Dans une seconde phase dite de "co-assurance", à partir de 2020, le système européen unique comblerait aussi les pertes si le fonds de garantie national ne peut rembourser tous les déposants. L'accès à ce fonds commun serait conditionné au passage d'un test de qualité des actifs des banques, tenues de réduire dans leur bilan le montant de leurs "prêts non performants" (NPL, en anglais), au plus tard en 2021. Car le niveau de ces créances irrécouvrables a diminué depuis la crise, mais reste élevé en Europe.

[Ratios de fonds propres des banques en Europe, au Japon et aux Etats-Unis et pourcentage des prêts non performants sur le total des prêts depuis 2009. Crédit : Commission européenne]

Garantie de 100.000 euros maximum

Actuellement, tous les pays de l'Union sont tenus d'avoir leur propre fonds de garantie des dépôts qui protège à hauteur de 100.000 euros maximum par client et par établissement (un seuil harmonisé par une directive de 2010).

En France, c'est le Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR), créé en 1999, qui est chargé de l'indemnisation des déposants en cas de faillite bancaire. Les comptes courants et d'épargne sont couverts, y compris les livrets A ou LDD par une garantie de l'Etat, mais pas l'assurance-vie ou les espèces et objets au coffre, ni les dépôts auprès d'établissements de paiement, de type Compte-Nickel ou PayPal.

Si les dernières faillites bancaires remontent au milieu des années 1990 en France, avec le dépôt de bilan de Pallas Stern en 1995 et la déroute du Crédit Martiniquais en 1998, le FGDR est intervenu à quatre reprises depuis sa création par exemple dans l'affaire de l'Européenne de Gestion Privée (EGP) et dans la faillite du courtier lillois Dubus.

Le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a réagi aux annonces de la Commission :

« C'est un projet important pour renforcer notre résilience collective face aux crises et pour créer un marché bancaire plus intégré, plus solide, en capacité de mieux répondre aux attentes de notre économie et de nos concitoyens. Je suis déterminé à faire progresser rapidement cette stratégie de renforcement de l'Union bancaire dont l'aboutissement contribuera aussi à la consolidation de la zone euro défendue par le Président de la République. »

L'Allemagne inflexible ?

Ces derniers mois, les quasi faillites de deux banques vénitiennes et de Banco Popular en Espagne ont laissé de nombreux petits porteurs sur le carreau. Intesa Sanpaolo a annoncé mardi la création d'un fonds de 100 millions d'euros pour ses clients qui auraient perdu tout leur investissement, et donc leurs économies, lors du sauvetage des établissements de Banca Popolare di Vicenza et Veneto Banca (à raison de 15.000 euros par personne maximum).

Les derniers chiffres de la BCE ont montré que les banques italiennes détiennent à elles seules 28% des créances douteuses de toute l'UE, près de 250 milliards d'euros.

Aussi l'Allemagne, par la voix de Wolfgang Schäuble, le ministre des Finances, n'a-t-elle pas caché qu'il n'était pas question que les banques allemandes paient pour les méridionales qui seraient moins vertueuses. La Commission a supprimé la dernière étape prévue dans son projet initial, en 2024, qui revenait à une mutualisation des risques dans toute l'UE. La proposition de la Commission doit être approuvée par le Parlement et les Etats membres.

Berlin semble toujours inflexible. Un porte-parole du ministère allemand des Finances a déclaré à l'AFP que la position du gouvernement d'Angela Merkel "n'a pas bougé. [...] Les propositions de la Commission ne suffisent jusqu'ici absolument pas".

Lors de son discours sur l'état de l'Union, le 13 septembre, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, avait souligné que :

"L'union bancaire ne peut fonctionner que si la réduction et le partage de ces risques vont de pair. [...] Il ne pourra y avoir de garantie des dépôts commune qu'à partir du moment où chacun se sera mis en ordre sur le plan national."