La Société Générale a parié sur la Russie... et continue d'y croire

Par Ivan Best, à Moscou  |   |  751  mots
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Malgré l'inculpation pour corruption du patron de sa principale filière et une conjoncture économique défavorable, la Société Générale poursuit ses efforts pour se développer sur le marché russe. Si le choix d'investir dans ce grand émergent relève du défi, Frédéric Oudéa, le patron du groupe bancaire français, croit fermement y trouver un relais de croissance...

La croissance russe ralentit, sous l'effet d'une politique monétaire restrictive, dans un contexte peu engageant de population active en baisse. Le patron de la principale filiale à Moscou, la Rosbank, est inculpé de corruption, et assigné à résidence, mais le PDG de la Société Générale, Fredéric Oudéa, veut faire le pari de la Russie. A l'occasion d'un déplacement à Moscou, il a tenté ce mercredi de minimiser l'impact de ces déboires russes. Il dit faire au confiance aux autorités pour régler le cas de Vladimir Goloubkov, qui sera bientôt remplacé à la tête de la Rosbank. Il s'agirait donc d'un cas isolé de corruption passive. Un cas spectaculaire, puisque son arrestation a été filmée par la police, et peut être vue sur Youtube.



Reste la réalité économique de la Russie et de son marché bancaire. L'économie repose encore beaucoup sur la rente pétrolière et gazière. Certes, une industrie de base se développe. Mais elle ne brille pas par ses performances à l'exportation. Les exportations russes? "Du pétrole, du gaz et des armes" résume un expert.

Une croissance faible pour un pays émergent

Le budget russe repose toujours, pour moitié, sur le pétrole et le gaz. Le gouvernement du premier pays producteur d'or noir en 2012 a besoin d'un prix du baril de pétrole d'au moins 90 dollars pour équilibrer ses comptes. A 60 dollars, ce serait pour eux la catastrophe. Une perspective peu probable, mais la dépendance russe à l'égard de l'or noir reste entière.

D'un point de vue strictement conjoncturel, l'économie russe connaîtra cette année une croissance, plutôt faiblarde pour un pays émergent, d'un peu plus de 2%. Elle a été supérieure ces dernières années, mais sur la base d'une surchauffe du crédit. Du coup, la banque centrale a dû remonter les taux d'intérêt à 7%, ce qui a calmé le jeu. Olivier de Boysson, économiste en charge des pays émergents à la Société Générale, table sur une croissance potentielle de 3,4%, qui pourrait être atteinte dès l'an prochain.

Relais de croissance et perspectives de profits
En regard d'une zone euro qui ne sortira pas de sitôt de la stagnation -aux dires des dirigeants de la Société Générale- c'est effectivement beaucoup. Il y a là un relais de croissance, et donc de fortes perspectives de profits. En 2012, les banques filiales de la Société Générale, présentes en Russie ont affiché au total un résultat net de 102 millions d'euros. Mais le navire amiral, la Rosbank était à peine au dessus de l'équilibre, en raison de la gestion difficile d'une fusion avec l'autre banque généraliste que possédait le groupe .

Le bénéfice devrait donc être significativement supérieur en 2013. Pour l'ensemble des filiales russes de la Société Générale, il a déjà atteint 39 millions d'euros pour le seul premier trimestre. A terme, Fredéric Oudéa parie une forte rentabilité: le ROE (Return on equity, rentabilité des fonds propres) était de 12% au premier trimestre 2013. Il espère pouvoir le porter à 15% en 2015.

Un marché à fort potentiel

Une rentabilité élevée qui serait basée sur le développement de la vente de nombreux produits, dans un marché au fort potentiel de croissance: les ventes de voitures se développent à grande vitesse - ce qui profite d'ailleurs à Renault - et la Russie sera bientôt le premier marché européen, malgré ses mesures de protectionnisme sur les voitures de luxe. Il en est de même pour le crédit immobilier, qui n'en est qu'à ses balbutiements, et pour l'assurance, sur laquelle la Société Générale mise gros.

Pour l'automobile, les filiales sont déjà en tête de la production de crédits, et se situent par ailleurs au quatrième rang pour l'immobilier. Les activités de marché se développent bien sûr, en collaboration avec Paris. Un modèle de "banque universelle" que défend mordicus Fredéric Oudéa. Un "incident" comme la mise en cause pour corruption du patron de Rosbank ne peut le dévier de son chemin. A-t-il, du reste, le choix? Le groupe a investi au total quatre milliards d'euros en Russie, dont une bonne partie juste avant la crise financière, via le rachat de Rosbank. Il aurait du mal à céder aujourd'hui ses actifs pour le même prix...