Après le Brexit, Paris et Milan veulent donner un coup d’accélérateur à l’Europe financière

Par Christine Lejoux  |   |  942  mots
Les places financières de Paris et de Milan militent pour un rapatriement au sein de l'UE de la compensation des transactions en euros, qui se fait à l'heure actuelle essentiellement au Royaume-Uni.
Les représentants des industries financières française et italienne se sont réunis à Paris, mardi 19 juillet, dans le cadre du Dialogue franco-italien sur les services financiers. Ils vont faire des propositions à la Commission européenne pour accélérer la construction de l’Europe financière, dans le contexte de la sortie prochaine du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Transformer une contrainte en opportunité. C'est que veulent faire les places financières de Paris et de Milan avec le Brexit. « Nous regrettons tous la décision des Britanniques de quitter l'Union européenne (UE), mais le Brexit peut représenter une opportunité si l'Europe, à commencer par nos deux pays [la France et l'Italie ; Ndlr], se met en condition pour être attractive pour les capitaux », a déclaré Franco Bassanini, conseiller spécial de Matteo Renzi, le président du Conseil italien, à l'issue d'une réunion du Dialogue franco-italien sur les services financiers, qui s'est déroulée à Paris, mardi 19 juillet. Cette réunion s'inscrit dans la cadre d'une collaboration régulière entre les industries financières française et italienne, mais elle a pris un relief particulier, moins d'un mois après le vote des Britanniques en faveur du Brexit, lequel pourrait rebattre considérablement les cartes dans la finance européenne.

Ne serait-ce que parce que les sociétés financières britanniques risquent de perdre leur passeport européen, ce précieux sésame qui permet par exemple à toute banque agréée dans un pays de l'Union européenne d'exercer son activité dans l'ensemble de l'UE. Tout dépendra de la nature des nouveaux accords commerciaux et financiers que le Royaume-Uni parviendra à négocier avec l'UE, à partir du moment où il aura invoqué l'article 50 du traité de Lisbonne, qui déclenchera officiellement son processus de sortie de l'UE. C'est dire si les financiers d'Europe continentale piaffent d'impatience. « Il faut mettre rapidement en application l'article 50, le temps joue contre l'Europe car l'incertitude est mauvaise pour les marchés et engendre un attentisme qui nuit à l'économie », a déclaré Bernard Spitz, le président de la délégation française, par ailleurs patron de la Fédération française de l'assurance.

L'Allemagne hostile à une intégration plus poussée de la zone euro

Durant leur réunion de mardi, les représentants des industries financières française et italienne ont donc planché sur des propositions concrètes pour dessiner l'Europe financière post-Brexit, propositions qu'ils soumettront à la Commission européenne. Parmi ces suggestions figurent le rapatriement au sein de l'UE de la compensation des transactions en euros, qui se fait à l'heure actuelle essentiellement au Royaume-Uni, et la délocalisation en Europe continentale du siège londonien de l'Autorité bancaire européenne. L'objectif étant de « renforcer l'autonomie de l'industrie financière européenne », a souligné Arnaud de Bresson, délégué général de Paris Europlace, l'association chargée de la promotion de la place financière de Paris. Les places de Paris et de Milan érigent également au rang de priorité l'accélération de la mise en place de l'union bancaire, qui a pour objectif de casser le lien entre crise bancaire et crise des dettes souveraines, et de l'union des marchés de capitaux, laquelle doit faciliter le financement des entreprises par les marchés. « Notre priorité est l'accélération de l'Europe financière, dans toutes ses composantes », a résumé Arnaud de Bresson.

Sauf qu'une telle ambition implique d'être plus de deux. Or l'Allemagne, elle, est hostile à une intégration plus poussée de la zone euro, refusant d'entendre parler d'une plus grande solidarité financière. En particulier, afin de protéger le contribuable allemand, il est hors de question, pour Berlin, de mettre en place une garantie européenne des dépôts bancaires, une mesure qui n'est autre que le dernier pilier de l'union bancaire. Autrement dit, avant de mutualiser les risques, il est impératif de les réduire, estime Berlin.

« Il est de notre responsabilité d'ouvrir le dialogue bilatéral entre la France et l'Italie sur ces propositions ambitieuses à d'autres interlocuteurs, notamment allemands. Il faut se mettre autour de la table, comprendre les raisons des uns et des autres, trouver des solutions », a reconnu Paolo Garonna, secrétaire général de la Fédération italienne de la banque, de l'assurance et de la finance (Febaf).

Des solutions qui ne pourront concerner que « l'implémentation de l'union bancaire et de l'union des marchés de capitaux car, sur le plan politique, leur création a été décidée », a tenu à rappeler Franco Bassanini. La prochaine réunion du Dialogue franco-italien sur les services financiers, prévue à l'automne, pourrait justement être l'occasion de « se mettre autour de la table », comme le dit Paolo Garonna, dans la mesure où ces échanges « seront ouverts à nos amis allemands, et pas seulement à eux, d'ailleurs », a indiqué Bernard Spitz. Des débats qui promettent d'être sinon houleux, du moins animés.

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La question d'une aide aux banques italiennes

Les banques italiennes étaient en berne, mardi 19 juillet à la Bourse de Milan, après une décision de la Cour de justice de l'UE sur les banques slovènes, qui a créé de l'inquiétude quant au soutien public que Rome négocie avec Bruxelles pour son système bancaire. Celui-ci est grevé par 360 milliards d'euros de créances douteuses, conséquence d'une récession qui a été plus longue que dans d'autres pays européens, et qui a particulièrement affecté les petites entreprises, très nombreuses en Italie. L'exécutif européen doit vérifier que toute aide publique ne contrevient pas au droit communautaire. « Le secteur bancaire italien dans son ensemble est solide, mais il peut y avoir des situations spécifiques, qui seront résolues en respectant les règles européennes », a affirmé Luigi Abete, président de la Febaf (la Fédération italienne de la banque, de l'assurance et de la finance), mardi 19 juillet.