Les énergies fossiles ont coûté 90 milliards à BlackRock

Par Dominique Pialot  |   |  481  mots
(Crédits : Shannon Stapleton)
Pour avoir trop misé sur le pétrole et le gaz, le premier gestionnaire d’actifs au monde a perdu 90 milliards de dollars en 10 ans.

« Les cordonniers sont les plus mal chaussés », rappelle le dicton populaire. BlackRock, premier gestionnaire d'actifs au monde, dont le portefeuille représente 5.500 milliards de dollars, alerte régulièrement sur la médiocre prise en compte par les investisseurs du risque climat. Son patron Larry Fink se présente d'ailleurs comme un financier progressiste, comme en témoigne la lettre qu'il avait adressée en janvier 2018 aux dirigeants des entreprises dont BlackRock était alors actionnaire, les invitant à travailler plus activement pour le bien de la société.

La "tragédie des horizons", ou l'opposition entre court et long termes

Son souci quant à la prise en compte du risque climat est partagé de longue date par le gouverneur de la Banque d'Angleterre et président du Conseil de stabilité financière Mark Carney, qui avait le premier pointé ces risques dans un discours resté célèbre intitulé : « Briser la tragédie des horizons », prononcé en septembre 2015 en amont de la COP21.

Il y préconisait de jeter un pont entre les intérêts de la finance à court terme et à long terme, aujourd'hui opposés. Mark Carney a récemment estimé à 20.000 milliards de dollars la valeur des « actifs échoués » (stranded assets), qui ne trouveront jamais leur rentabilité, en raison du changement climatique.

Mais, à en juger par les enseignements d'une récente étude de l'Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA), BlackRock ne semble pas s'être suffisamment appliqué ce conseil à lui-même...

La faute aux fonds indiciels ?

Investisseur numéro un dans le charbon et numéro trois pour le pétrole et le gaz du fait de son poids, il a notamment souffert des déboires de General Electric et plus encore de la faillite du géant du charbon, Peabody. Au total, les pertes liées à ses investissements dans des entreprises telles que Exxon, Chevron, Shell ou BP auraient fait perdre au gestionnaire d'actifs pas moins de 90 milliards de dollars.

À l'inverse, seulement 0,8% de son portefeuille (52 milliards de dollars) sont aujourd'hui placée sur des fonds sociaux ou environnementaux.

L'IEEFA voit plusieurs causes à cette contre-performance : pour la majorité de ses actifs sous gestion (4.300 milliards sur un total de 6.500), BlackRock investit via des fonds indiciels et n'a donc pas de relation directe avec les entreprises concernées.

Actionnaire de la moitié du CAC 40

Par ailleurs, 6 des 18 membres de son Conseil d'administration sont d'anciens dirigeants d'entreprises de ce secteur telles qu'Halliburton, General Electric ou BP. Mais l'étude note également que le gestionnaire d'actifs n'a soutenu que 10% des résolutions portant sur le climat qui ont été présentées lors des assemblées générales des entreprises dont il est actionnaire. Présent au capital de 40% des entreprises américaines et de près de la moitié de celles du CAC 40, il pourrait pourtant jouer un rôle de sensibilisation essentiel sous le mode de l'activisme actionnarial.