Risque climat, finance verte : les banques centrales s’y mettent aussi !

La Banque de France a pris l’initiative de créer un réseau de superviseurs « pour le verdissement du système financier », avec notamment ses homologues britannique, allemande, néerlandaise, et suédoise. L’objectif est de partager les bonnes pratiques et les innovations en matière de « green bonds » et prêts verts, ainsi que sur les futurs stress tests climatiques.
Delphine Cuny
François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, mardi au One Planet Summit.

Emmanuel Macron a sonné la mobilisation générale sur le climat et même les banques centrales se joignent au mouvement. François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, a présenté mardi soir, lors d'une des dernières sessions du One Planet Summit, la création d'un « réseau de superviseurs pour le verdissement du système financier », une initiative de l'institution française, rejointe par plusieurs homologues européennes en pointe sur les sujets climatiques, la Bank of England, la Deutsche Bank, la Finansinspektionen suédoise, la Nederlandsche Bank des Pays-Bas, mais aussi la Banque Populaire de Chine, l'autorité financière de Singapour et le Banco de Mexico.

« Des banques centrales qui se préoccupent de "verdir" le système financier, c'est peut-être inattendu, mais ce n'est pas une mode. C'est une conviction : la stabilité climatique fait partie, à long terme, des déterminants de la stabilité financière, qui est notre responsabilité », a déclaré François Villeroy de Galhau.

Ce club de 8 banques centrales et superviseurs entend contribuer à « renforcer la réponse mondiale nécessaire pour respecter les objectifs de l'Accord de Paris et à améliorer le rôle du système financier dans la gestion des risques et la mobilisation des capitaux en faveur des investissements verts et à faible émission de carbone, dans le contexte plus large des objectifs de développement durable » explique la Banque de France, qui assurera le secrétariat à Paris de ce « réseau » informel et ouvert à d'autres superviseurs motivés.

"Opportunité commerciale prometteuse"

Concrètement, le réseau dressera « un état des lieux des travaux existants » dans le courant de l'année prochaine et se réunira le 6 avril à Amsterdam. Il sera un lieu d'échange d'analyses, des meilleures pratiques et des innovations dans le domaine de la finance verte (comment développer les opportunités liées au financement de la transition, obligations vertes et prêts verts) et des risques de long terme associés aux changements climatiques.

« Les "green bonds" et les "climate-aligned bonds" se développent mais il faut aller plus loin, au-delà du seul financement obligataire, et plus vite encore, tout en préservant l'intégrité des labels et des marchés face aux tentations possibles de "green washing"», a insisté le gouverneur de la Banque de la France.

Lire aussi : Qu'est-ce qu'un green bond ?

C'est une première : la Banque de France n'avait jusqu'ici pas fait de la finance verte une de ses priorités, ses missions premières étant la politique monétaire et la stabilité financière. Dans une étude publiée il y a un an, elle soulignait que les green bonds présentent « des risques qui ne doivent pas être négligés (risque de contrepartie, risque de crédit, risque de green washing, consistant à qualifier de « verts » des projets qui ne le sont pas) et des coûts supplémentaires par rapport à des émissions obligataires classiques (labélisation, reporting). »

Cependant, Anne Le Lorier, premier sous-gouverneur, avait rédigé avec un membre de la Bundesbank une tribune sur la finance verte publiée en juillet dernier, appelant à "transformer le risque en opportunité".

« Dans un contexte de marché difficile où de nombreuses banques luttent pour demeurer rentables, la transition vers une économie à faible émission de carbone est une opportunité commerciale prometteuse à long terme », expliquait-elle.

La France a d'ores et déjà la banque leader mondial des green bonds, Crédit Agricole CIB, en nombre et volume d'opérations, devant HSBC et un autre français, BNP Paribas.

Lire aussi : La France pionnière et moteur de la finance verte

Vers des stress tests climatiques

Les risques sont l'autre dimension majeure, sinon la principale, que représentent la transition énergétique et les changements climatiques pour le système financier et les banques en particulier. François Villeroy de Galhau a ainsi indiqué mardi soir :

« Nous commençons à imaginer des stress tests prospectifs pour les assurances et les banques, associés à des scénarios de changement physiques et économiques ».

La loi de Transition énergétique de 2015, dont le fameux article 173 a rendu obligatoire le reporting des risques climatiques aux investisseurs institutionnels, évoquait la mise en place de « tests de résistance réguliers représentatifs des risques associés au changement climatique », tout comme les banques sont soumises à des stress tests réglementaires sur la base de scénarios de chocs macroéconomiques et financiers.

Un rapport de la Direction du Trésor et de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR-Banque de France) soulignait en août 2015 que « les risques liés au changement climatique [pour les banques] restent difficiles à appréhender en raison de leur complexité, de l'absence de méthodologies élaborées d'analyse financière et du manque de données pertinentes. » Ce ne sera « pas pour tout de suite » décrypte-t-on à la Banque de France : il faudra se mettre d'accord sur une hypothèse de prix du carbone (pour évaluer la sensibilité de la valeur des actifs) et sur divers impacts macro de la transition énergétique.

La Banque de France, tout comme les autres superviseurs européens, est d'ailleurs hostile à la proposition de bonus prudentiel, le "Green Supporting Factor" soutenu par la Fédération bancaire française (FBF) qui reviendrait à alléger les exigences en fonds propres des banques investissant dans le vert.

« La régulation prudentielle traite de la robustesse et des risques financiers, elle n'a pas pour objet d'offrir des incitations à investir en prenant des risques inconnus : nous ne disposons pas de données de long terme sur les actifs verts », a plaidé Anne Le Lorier, lundi, au Climate Finance Day organisé à Bercy.

Plutôt qu'un « green supporting factor », soutenu également par le commissaire européen au services financiers Valdis Dombrovskis, elle a plaidé pour un malus, « un handicap sur les actifs bruns. »

Delphine Cuny

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Commentaire 1
à écrit le 14/12/2017 à 9:15
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Enfin de compte, les responsables de notre problème se font connaitre: c'est la finance, elle pense se "laver plus blanc" par la communication!

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