L’open payment : quand la CB sans contact devient ticket de transport

Par Delphine Cuny, à Dijon  |   |  1036  mots
Plus besoin de faire la queue au distributeur automatique de tickets sur le quai : avec l'open payment, on peut régler directement à bord, il suffit d'approcher sa carte bancaire sans contact d'une borne, un « valideur » spécifique qui affiche en vert "voyage validé." (Crédits : DC)
La métropole de Dijon a lancé ce mardi commercialement une première française, l'utilisation de la carte bancaire sans contact comme titre de transport, dont le tarif est ajusté au nombre de voyages dans la journée. Un gain de temps pour les visiteurs et des recettes en plus pour la collectivité, dans le cadre d’un partenariat public privé avec Keolis et d’une coopération technique avec Worldine et Natixis.

Il y avait Londres, il y a désormais Dijon. « Hashtag Sans ticket Sans contact » pavoise aux arrêts de tramway la capitale de la région Bourgogne-Franche Comté, fière d'inaugurer cette première en France : ce mardi, la métropole dijonnaise a lancé commercialement "l'open payment", concept mis en place outre-Manche au moment des JO de 2012, qui permet d'utiliser sa carte bancaire sans contact comme un titre de transport.

Plus besoin de faire la queue au distributeur automatique de tickets sur le quai : avec l'open payment, on peut régler directement à bord, il suffit d'approcher sa carte sans contact - Visa ou MasterCard (American Express n'est pas compatible), quelle que soit sa banque - d'une borne, un « valideur » spécifique qui affiche en vert "voyage validé" (ou "voyage refusé" si c'est une carte volée). Lorsqu'un contrôleur se présente, la carte sans contact tient lieu de titre de transport. Le tarif est celui d'un ticket classique (1,30 euro par trajet valable une heure) et ajusté au nombre de voyages à la journée : la métropole a plafonné à 3,90 euros le montant maximum facturé par jour, soit l'équivalent de trois trajets.

Dijon est la première grande métropole française à aller au-delà de l'expérimentation,  en déployant ce mode de paiement innovant sur ses deux lignes de tram, puis ses principales lignes de bus en septembre (la totalité d'ici fin 2018 ou mi 2019).

« Dijon est une métropole innovante, connectée et touristique. Cette solution, très utilisée à Londres [2 millions de voyages par jour, Ndlr], s'adresse surtout aux touristes, congressistes, hommes et femmes d'affaires. Le potentiel est estimé à 700.000 ventes par an » a indiqué la première adjointe au maire de Dijon, Nathalie Koenders, lors d'une conférence de presse ce mardi. « Bordeaux devrait suivre en 2019, Paris en 2020. À Dijon, nous sommes les premiers ! » s'est-elle félicitée.

["Ceci est votre nouveau titre de transport" : la métropole dijonnaise communique largement aux arrêts de tram sur cette nouveauté. Crédits : DC]

Geste simple, système complexe

Le déploiement de l'open payement représente un coût de 400.000 euros pour la collectivité, dans le cadre d'un partenariat public privé dont Keolis (filiale de la SNCF) est le délégataire. Les partenaires de l'opération, Visa et la Caisse d'Epargne Bourgogne Franche-Comté (groupe BPCE), contribuent à hauteur de 200.000 euros aux frais de communication. La Caisse est la banque chargée de l'acquisition (la partie financière du paiement), tandis que Natixis Payment Solutions (filiale de BPCE) s'occupe de la validation des cartes bancaires.

« Déjà plus de 80 taps depuis ce matin ! » se félicitait en début de matinée Jean-Luc Thérond, le directeur général délégué de Natixis Payment Solutions.

Le geste paraît simple, mais la réalité est complexe en coulisses. Il a fallu équiper les rames de bornes supplémentaires, différentes de celles lisant la carte Divia, équivalent du Navigo des Parisiens. C'est la solution technique Tap 2 Use de Worldline (filiale d'Atos), qui a noué en décembre dernier un partenariat stratégique avec Keolis, qui est déployée à Dijon.

« Pour Worldline, le lancement de l'Open Payment à Dijon est une performance technologique. Nous avons pu déployer une solution allant de la fourniture des équipements de validation jusqu'au traitement des transactions et des paiements, en passant par l'interfaçage avec le système bancaire de Natixis Payment Solutions » a expliqué Pascal Mauzé, le directeur commercial & marketing de la filiale d'Atos.

 Il faut que le terminal connecté dans la rame identifie en temps réel la carte sans contact approchée, le numéro de celle-ci est anonymisé, crypté, "tokenisé" (transformé en jeton numérique), les informations sont transmises à Natixis, qui vérifie que la carte est habilitée (pas d'opposition pour perte ou vol). Le système central de Worldline gère ensuite les droits et vérifie le nombre de voyages effectués par jour par le porteur de la carte pour calculer le tarif facturé.

Worldline imagine déjà d'autres applications en dehors du transport, dans la mobilité au sens large et la vie quotidienne, par exemple les parkings, les musées et les complexes sportifs.

[Divia, le réseau de la métropole, opéré par Keolis, met en avant la mobilité globale et connectée. Crédits : DC]

Un nouveau standard des transports urbains ?

La capitale des ducs de Bourgogne accueille 330.000 visiteurs par semaine, le double de sa population, mais ils prennent peu les transports publics. Keolis, qui opère le réseau de la métropole (46 millions de voyages par an, pour 256.000 habitants, dont 120.000 sont abonnés), espère gagner de nouveaux clients avec l'open payment. Mais aussi lutter contre la fraude, qui pourrait diminuer de 10% à 8% avec ce système, et faciliter l'usage des transports, en offrant cette solution de "dépannage" pour les visiteurs occasionnels, voire ceux qui auraient oublié leur titre de transport.

« Nous pensons que 80% des 700.000 voyages qui utiliseront l'open payment seront de nouveaux voyageurs » a précisé Laurent Verschelde, de Keolis Dijon Mobilité. « Nous nous demandons si les utilisateurs vont abandonner la carte Divia pour la carte sans contact. »

La tarification pourrait ainsi évoluer, avec un plafond hebdomadaire ou mensuel, la prise en compte de tarifs spéciaux (famille nombreuse). Pour l'instant, ce mode de paiement ne permet pas de régler les tickets de plusieurs personnes. Les usages seront regardés de près en prévision des déploiements futurs.

« L'open payment deviendra très vite un standard des transports urbains », a prédit Frédéric Baverez, le directeur exécutif France de Keolis, qui opère 86 réseaux dans l'Hexagone.

La ville de Reims avait expérimenté dès 2011 l'open payment : une carte bancaire multiservices, Citevia, avait été lancée exclusivement pour les clients de la Caisse d'Épargne Lorraine Champagne Ardenne. L'adoption a été limitée du fait de ce manque d'interopérabilité et le service est resté confidentiel. Ce pilote a toutefois permis de « valider un certain nombre de solutions techniques, tant sur les "valideurs" du tram que sur les terminaux de paiement des commerçants, et d'enrichir notre savoir-faire dans ce domaine » nous indique le groupe BPCE.