La Fed baisse ses taux d'intérêt pour la première fois depuis la crise de 2008

Par Delphine Cuny  |   |  734  mots
Jerome Powell le président de la Réserve fédérale américaine. (Crédits : FED)
La Réserve fédérale américaine a décidé d'abaisser d'un quart de point les taux d'intérêt au jour le jour, comme anticipé par les marchés. Pas assez pour Donald Trump mais d'autres baisses devraient suivre, malgré la vigueur de l'économie américaine.

[Article mis à jour à 22h50]

Pas de bonne ni de mauvaise surprise. Le Comité de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine a décidé ce mercredi 31 juillet de baisser d'un quart de point les taux d'intérêt pour tenter de stimuler l'inflation jugée trop basse. Les investisseurs s'attendaient à cette baisse de 25 points de base des taux au jour le jour, tout en espérant davantage, 50 points de base. Tout comme Donald Trump qui avait déclaré la veille qu'il aimerait "voir une forte baisse" des taux, estimant dans un tweet qu'une "petite baisse ne serait pas assez".

"Nous ne prenons jamais en compte les considérations politiques. Nous ne menons pas une politique monétaire en vue de prouver notre indépendance", a déclaré Jerome Powell, le président de la Fed, lors de la conférence de presse qui a suivi la publication du communiqué ce mercredi.

La décision de la Fed n'a pas été prise à l'unanimité : deux membres du Comité (le président de la Fed de Boston Eric Rosengren, et celle de la Fed de Kansas City Esther George), se sont prononcés contre. Elle avait été largement anticipée par les marchés. "La baisse des taux est tellement intégrée que le statu quo engendrerait une correction boursière" relevait Axel Botte, stratégiste international chez Ostrum AM (Natixis), avant l'annonce. Les indices à Wall Street ont commencé à virer dans le rouge, juste après la publication du communiqué.

Le Dow Jones a terminé mercredi la séance en baisse de 1,23%, à 26.864,27 points, le S&P 500 de 1,09% à 2.980,38 points, et le Nasdaq Composite a cédé 1,19% à 8.175,42 points.

"Comme d'habitude, Powell nous a déçus, mais au moins il met fin au resserrement quantitatif qui n'aurait pas dû commencer - pas d'inflation" a commenté sur Twitter Donald Trump.

La Fed va également arrêter la réduction de son bilan à partir du 1er août, deux mois plus tôt que prévu.

Cette première baisse des taux américains depuis onze ans, depuis la crise financière de 2008, après neuf hausses en trois ans, pourrait être suivie par d'autres. Un nouvel abaissement du même ordre pourrait intervenir dès septembre selon de nombreux experts. Le marché anticipe même trois baisses consécutives après celle-ci d'ici à la fin de 2020.

"Conformément à son mandat, le Comité [de politique monétaire] cherche à promouvoir un niveau d'emploi maximum et la stabilité des prix. Compte tenu des implications des évolutions mondiales sur les perspectives économiques ainsi que des pressions inflationnistes atténuées, le Comité a décidé de ramener la fourchette cible du taux des fonds fédéraux à 2-2,25%" explique le FOMC de la Fed dans un communiqué.

L'inflation annuelle aux Etats-Unis est en effet encore loin de la cible de 2% de la Fed, demeurant à 1,4% en juin comme en mai, selon l'indice PCE publié mardi.

Cependant, les commentaires de Jerome Powell pendant la conférence ont semé le trouble, en affirmant que ce n'était "pas le début d'un long cycle de baisses", mais plutôt des "ajustements de milieu de cycle", sans pour autant exclure d'autres baisses des taux.

Cycle d'assouplissement monétaire mondial

De nombreux économistes faisaient valoir que les fondamentaux de l'économie américaine restaient solides.

"[Cette baisse des taux] n'apparait pas justifiée par le niveau de la croissance (+2,3% au 2ème trimestre 2019), le chômage (3,7%) ou la baisse transitoire de l'inflation sous 2%. Ce geste s'inscrit cependant dans un cycle d'assouplissement monétaire mondial. La Fed veut probablement éviter que le dollar (que le protectionnisme de Donald Trump renchérit déjà) soit la seule variable d'ajustement du cycle mondial" analyse Axel Botte, stratégiste international chez Ostrum AM (Natixis).

La Banque centrale européenne (BCE) a parlé ouvertement la semaine dernière d'une baisse des taux, qui pourrait intervenir dès septembre selon les experts. La Banque du Japon a reconduit ce mardi sa politique monétaire ultra-accommodante.

"Malgré un taux de chômage bien en dessous de 4%, la croissance annuelle du coût de l'emploi est tombée à 2,7% au lieu de 2,8% au 1er trimestre et 2,9%, son pic, à la fin 2018" faisait valoir de son côté Paul Ashworth, économiste en chef pour Capital Economics, considérant qu'il s'agissait d'un "argument supplémentaire" pour la Fed en vue d'une baisse "à titre de précaution".