Les assureurs français sous le feu des critiques, comment font nos voisins allemands ?

Par Juliette Raynal  |   |  793  mots
En Allemagne, Allianz va couvrir jusqu'à 15% les pertes d'exploitation enregistrées par les boulangeries, restaurants et hôtels, pénalisés par la période de confinement. (Crédits : Charles Platiau)
En Bavière, plusieurs assureurs, dont Allianz, vont couvrir jusqu'à 15% des pertes d'exploitation enregistrées par les boulangeries, restaurants et hôtels, touchés de plein fouet par les mesures de confinement. En France, c'est un sentiment d'abandon qui l'emporte du côté des petites entreprises, lourdement affectées par la crise. De leur côté, les assureurs tricolores défendent leur mobilisation et rappellent les engagements qu'ils ont pris, parfois sous la pression du gouvernement.

Depuis le début de la crise économique liée à l'épidémie de coronavirus, le monde de l'assurance est la cible de nombreuses attaques sur son manque d'intervention et notamment son refus de prendre en charge les pertes d'exploitation sans dommage. Aujourd'hui évaluées à près de 60 milliards d'euros, ces pertes de chiffre d'affaires touchent de plein fouet les petits commerces et les professionnels de la restauration et de l'hôtellerie. Mais en France, comme dans de nombreux pays, les garanties ne couvrent souvent que les pertes liées à un dommage matériel, comme un incendie par exemple, qui empêcherait un professionnel de faire marcher ses cuisines. Pour une entreprise, la baisse de revenus liée à la pandémie de coronavirus n'est donc pas indemnisée.

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La solidité des assureurs menacée

En France, les assureurs expliquent ne pas être en mesure d'indemniser des pertes pour lesquelles aucune prime n'a été collectée en amont. Le lobby des assureurs à l'échelle internationale (GFIA) estime même que contraindre les compagnies d'assurance à prendre de telles mesures pourrait "menacer sérieusement la stabilité de l'industrie" et pourrait "nuire significativement à la capacité des assureurs à indemniser d'autres types de sinistres".

Pour autant, les assureurs français, sous le feu des critiques, ne cessent de rappeler leur mobilisation. "L'effort global se chiffre à pas moins de 3,2 milliards d'euros d'engagement", a souligné Florence Lustman, la présidente de la Fédération française de l'assurance (FFA), lors d'une conférence de presse ce mercredi 15 avril. Dans les détails, cette enveloppe globale se compose d'une poche de 1,75 milliard d'euros de mesures extra-contractuelles et de solidarité, dont 400 millions d'euros alloués au fonds de solidarité dédié aux TPE et indépendants, et de 1,5 milliard d'euros d'investissements dans les PME et ETI, notamment dans le secteur de la santé.

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Peu d'entreprises concernées en Allemagne

Toutefois, les petites entreprises tricolores touchées par ces pertes d'exploitation inédites gardent un goût amer. Celui-ci est accentué par un récent accord noué en Bavière, où le ministère de l'Économie est parvenu à convaincre certains assureurs de prendre en charge entre 10 et 15% des pertes d'exploitation des restaurants et hôtels pénalisés par la période de confinement, comme le rapportaient en début de semaine nos confrères des Echos.

Comment expliquer une telle mesure chez nos voisins d'outre-Rhin ?

"Les contrats de pertes d'exploitation sont très peu répandus en Allemagne. Ils ne concernent pas plus de 73.000 entreprises. C'est un contrat très peu souscrit", explique Florence Lustman.

"Par ailleurs, il ne s'agit pas de contrats d'assurance dommages comprenant des clauses de pertes d'exploitation comme nous les connaissons en France, mais des contrats de garantie en cas de fermeture d'entreprise. Ce sont des contrats très spécifiques et très peu développés", complète Jean-Laurent Granier, vice-président de la FFA et PDG de Generali France.

Indemnisation maximale de 500 millions d'euros

Les entreprises ayant souscrit à ce type de garantie n'étaient initialement pas couvertes en cas de pandémie, mais les autorités bavaroises ont exigé des assureurs qu'ils prennent en charge 15% du montant des pertes d'exploitation enregistrées par ces entreprises sur une période de trente jours, dans un cadre extra-contractuel. Allianz, qui fait partie des assureurs signataires, proposera cette solution à l'échelle de l'Allemagne.

"Même si cette mesure était étendue à toute l'Allemagne, cela représenterait une indemnisation maximale de 500 millions d'euros et ne concernerait que les 73.000 entreprises qui ont souscrit à ce type de contrat", souligne la présidente de la FFA. "C'est donc moins que notre participation de 400 millions d'euros au fonds de solidarité qui, non déductible fiscalement, représente l'équivalent de 600 millions d'euros", défend-t-elle.

Selon la patronne du lobby des assureurs, il existe deux façons d'indemniser les commerçants et artisans dans le contexte de la crise sanitaire : la méthode française, qui consiste à mettre en place un fonds de solidarité. Et la méthode allemande, "qui cible uniquement les entreprises ayant choisi de s'assurer et qui demande un effort inférieur aux assureurs".

Quelques exceptions françaises

L'Hexagone devrait toutefois compter quelques exceptions. En effet, certains assureurs, dont Covea, qui regroupe les marques MAAF, MMA et GMF, ont commercialisé de manière ponctuelle des contrats permettant à des entreprises de s'assurer contre l'éventuelle fermeture de leur établissement, provoquée par un risque sanitaire. Ces entreprises seront indemnisées.

"Le niveau d'indemnisation sera très important au regard des primes versées pour ces contrats mais ces contrats seront appliqués", a assuré Florence Lustman.