Usines fermées, baisse des ventes, frais de rapatriement, perturbations dans le secteur du tourisme et du transport... Les possibles pertes financières liées à l'épidémie du nouveau coronavirus, dont le dernier bilan fait état de plus de 1.000 morts, sont multiples pour les entreprises, qui sont souvent mal protégées contre les aléas sanitaires de ce type.
Sur le marché, il existe bien une assurance de pertes d'exploitation permettant à une entreprise de compenser les effets de la diminution de son chiffre d'affaires et de faire face à ses charges fixes. Seul hic : cette assurance ne fonctionne que si elle est directement liée à un dommage matériel, comme un incendie par exemple. « Les solutions d'assurance pertes d'exploitation existantes n'apportent pas, ou très peu, de garantie face au risque sanitaire car cela ne rentre pas dans l'objet du contrat d'assurance dommage", explique Frédéric Durot, directeur du département dommage du courtier Siaci Saint Honoré, spécialisé dans l'accompagnement des grandes entreprises, ETI et PME.
Une offre balbutiante
Aujourd'hui, les assurances de pertes d'exploitation sans dommage existent à la marge, mais l'offre est encore balbutiante.
"Les primes sont très élevées et surtout le temps d'accès à la garantie est très long du fait d'un processus complexe d'étude. Plusieurs mois dédiés à l'analyse des données sont souvent nécessaires car il s'agit d'une approche sur mesure. C'est très dissuasif", explique le spécialiste.
"Dans de telles situations, les entreprises voudraient s'assurer l'année où le risque survient. Il manque alors trente années de primes pour que le principe de mutualisation propre à l'assurance fonctionne", analyse pour sa part, Julien Chartier, associé services financiers et actuariat au sein du cabinet Optimind.
La captive, une alternative qui a ses limites
Pour combler ce trou dans la raquette, une alternative se présente aux entreprises : la captive d'assurance, dont le concept revient à s'auto-assurer. La captive est une compagnie d'assurance filiale d'une entreprise ou d'un groupe industriel. Sa mission consiste à assurer les risques du groupe difficiles à assurer via le circuit classique."Une captive d'assurance ou de réassurance peut délivrer une couverture de pertes d'exploitation sans dommage dite « pertes pécuniaires diverses » assortie d'une liste de périls bien définis. Dans la cas de l'épidémie du nouveau coronavirus, le risque sanitaire doit être dénommé", explique Frédéric Durot. Aujourd'hui, plusieurs entreprises clientes de Siaci Saint Honoré et dotées d'une captive ont ainsi déclenché ce type de garantie pour financer les rapatriements ou faire face à des frais supplémentaires.
Cette technique rencontre toutefois plusieurs limites. D'abord elle n'est accessible qu'aux grandes entreprises. Ensuite, elle ne permet de délivrer que quelques millions, voire quelques dizaines de millions d'euros. Des montants non négligeables mais qui peuvent se révéler assez faibles au regard des pertes financières observées. A titre d'exemple, l'impact de l'épidémie de Stras, partie de Chine en 2002, avait été estimé à entre 30 et 50 milliards de dollars pour le seul secteur du tourisme.
L'option de l'assurance paramétrique
Une autre option relève de l'assurance paramétrique, qui consiste, comme son nom l'indique, à lier le versement d'une indemnité à certains paramètres de déclenchement définis en amont, et non pas à la déclaration d'un sinistre par l'assuré comme dans les modèles classiques. Aujourd'hui, cette approche est notamment utilisée pour les risques climatiques mais elle a aussi été adoptée par la Banque mondiale dans le cadre des pandemic bonds ou "obligations pandémiques", quelques années après les effets dévastateurs de l'épidémie d'Ebola, qui a fait plus de 10.000 morts en 2014.
L'avantage ? Disposer rapidement d'importants moyens financiers pour déployer une aide sanitaire dans les plus brefs délais. Les sommes correspondantes aux titres achetés par les investisseurs sur les marchés financiers deviennent en effet disponibles immédiatement, dès lors que les critères de déclenchement sont observés. Ces derniers correspondent, entre autres, au nombre de malades et à la vitesse de propagation de l'épidémie. Certains grands réassureurs ont développé cette approche. "mais, le succès est faible auprès des grandes entreprises car les niveaux de primes sont très élevés et le processus de souscription pas simple » regrette Frédéric Durot.
Une problématique récurrente
Les entreprises non couvertes et d'ores et déjà exposées aux conséquences économiques de l'épidémie se retrouvent quant à elles dans une impasse.
"Ces entreprises ne peuvent plus se tourner vers un assureur pour demander une couverture car il n'y a plus d'aléas, l'événement est déjà survenu. Or, pour pouvoir délivrer une garantie, le risque doit rester aléatoire. Outre cet aspect réglementaire, le temps d'accès à la garantie reste extrêmement long", souligne Frédéric Durot.
"Les entreprises sont mal armées pour faire face aux conséquences financières des épidémies", conclut l'expert, qui rappelle que la problématique n'est pas récente et s'est posée à de nombreuses reprises : pour l'épidémie de Sras en 2002, celle de la grippe H1N1 en 2009, ou encore celle d'Ebola en 2014.
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