Moins de surendettés mais des surcoûts bancaires lourds pour les plus fragiles

Par Delphine Cuny  |   |  874  mots
Le nombre de dossiers de surendettement est en net baisse depuis trois ans, après une hausse continue entre le début des années 1990 et 2013. La loi Lagarde qui a réformé le crédit à la consommation, en particulier renouvelable, a produit ses effets.
Le nombre de dossiers de surendettement a diminué de 11% l’an dernier selon l’observatoire de l’inclusion financière de la Banque de France. Cependant l’offre à moindre frais créée pour les personnes « en fragilité financière » n’a pas décollé : seuls 10% des 3 millions concernés l’ont souscrite.

Il y a du « mieux » et du « peut mieux faire » en matière de lutte contre l'exclusion financière. Dans sa troisième édition de l'Observatoire de l'inclusion bancaire, auquel participent des banques et des associations, la Banque de France relève « des succès dans la lutte contre le surendettement bancaire » mais aussi sobrement « des progrès attendus » dans le domaine des offres dédiées aux populations les plus en difficultés et des frais qui leur sont appliqués.

 « Il y a une très bonne nouvelle : la baisse du surendettement, qui s'est amplifiée, avec des chiffres spectaculaires », s'est réjoui lundi François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, lors d'une conférence de presse. « Le nombre de dossiers déposés a diminué de 11% en 2016, après -6% en 2015 et -2% en 2014. C'est l'effet de la loi Lagarde, qui a strictement encadré le crédit renouvelable : ce dispositif voulu par le législateur porte ses fruits. »

Le nombre de saisine de la commission de surendettement passe les 200.000, à 194.194 en 2016 (concernant 217.919 personnes surendettées), « après deux décennies de croissance continue » de 1989 à 2013. Il baisse encore de 6% sur les cinq premiers mois de 2017. La part des crédits à la consommation dans l'endettement total des ménages a fortement baissé, de 58,2% en 2011 à 39,3% en 2016 : ce sont les arriérés de charges (logement, énergie, transport) et les dettes immobilières qui augmentent. Le profil n'évolue guère : ce sont majoritairement des personnes seules, sans aucune capacité de remboursement dans plus de 50% des cas.

Plus de 160 euros par an de frais de rejet de chèque

En revanche, le bilan est très mitigé concernant les mesures prises pour alléger le fardeau des surcoûts bancaires liés aux incidents de paiement qui affectent prioritairement ces populations fragiles. La loi de séparation bancaire de 2013 oblige les banques à proposer à ces dernières une « offre spécifique », un service de base bancaire adapté, à 3 euros par mois maximum, comprenant une carte de paiement à autorisation systématique et deux chèques de banque par mois, et des frais d'incident moins élevés, tels que le rejet de chèque et la « commission d'intervention » quand la banque effectue le paiement malgré le dépassement du découvert autorisé, qui ne peut excéder 4 euros par opération (contre un maximum de 8 euros prévu par la loi) et 20 euros par mois (contre 80 euros).

« Seulement 10% environ des clients financièrement fragiles bénéficient de l'offre spécifique », relève le rapport, soit 250.000 personnes  près de 3 millions de personnes identifiées par les établissements bancaires comme étant « en situation de fragilité financière », dont 500.000 sans compte courant. « C'est loin des ambitions qui avaient été nourries à cet égard », souligne la Banque de France.

Or ces populations continuent de payer des frais importants, en moyenne 162 euros par an en rejets de chèque et 182 euros en commission d'intervention. Frais qui parfois se cumulent au cours d'un mois (mais pas sur la même opération). Même les clients ayant souscrit l'offre adaptée paient un montant « substantiel » de commissions d'intervention (non précisé).

« Il y a des progrès possibles et souhaitables » a déclaré le gouverneur de la Banque de France, relevant que « les frais restent importants » et que « la procédure (d'offre spécifique) est insuffisamment connue ou promue ».

De la Banque postale à Compte Nickel

La responsabilité pourrait venir de « courriers insuffisamment explicites, d'une absence de suivi » de la part des établissements bancaires, avance la Banque de France. Ces derniers pointent du doigt au contraire l'absence de chéquier, pénalisante pour les paiements de certains services publics locaux, et la « stigmatisation » qui serait associée à cette offre. A ceux qui aimeraient que ce rôle d'inclusion de clients pas assez « à valeur » soit dévolu à la seule Banque postale, le gouverneur de la banque centrale a objecté :

« Il est bon que l'ensemble des établissements soient concernés par l'accessibilité bancaire. En matière de droit au compte, les six grands réseaux le sont au prorata de leur part de marché. »

Certaines néobanques et startups de la Fintech se sont positionnées sur ce créneau, notamment le Compte Nickel, sans chèque ni découvert autorisé, pilotable sur smartphone, que l'on ouvre chez le buraliste (une success-story à 620.000 clients récemment rachetée par BNP Paribas).

« Le droit au compte c'est un compte bancaire. Cela pourra évoluer un jour, mais il ne me semble pas mauvais qu'il y ait un contact physique pour ces populations fragiles », a relevé François Villeroy de Galhau.

Afin d'accentuer son action pour l'inclusion bancaire, la Banque de France souhaite aller au-delà du « volet correctif » (lutte contre le surendettement, droit au compte) :

« Nous développons de plus en plus le volet préventif, notamment avec l'offre spécifique et l'éducation financière, qui est une nouvelle frontière. L'accessibilité ce n'est pas seulement avoir un compte et une carte : c'est aussi donner les moyens et le savoir-faire » pour gérer son budget, a insisté le gouverneur.

Or les Français seraient bons derniers au niveau européen en matière de culture financière selon une récente étude menée par Allianz.