LA TRIBUNE - Selon vous, quel rôle doivent jouer les banques centrales dans la lutte contre le réchauffement climatique ?
FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU - La Banque de France a pris l'initiative du Réseau des banques centrales et des superviseurs pour le verdissement du système financier (NGFS). Nous étions huit banques centrales et superviseurs en décembre 2017 et sommes désormais plus de 50 membres. Jerome Powell (le président de la Fed, ndlr) a récemment indiqué qu'il n'excluait pas d'y adhérer. La conviction commune c'est que le risque climatique fait partie du risque financier : il faut le mesurer, le publier, et le réduire. Depuis la promulgation de la loi de transition énergétique c'est d'ailleurs une obligation en France.
Vous souhaitez aller plus loin...
Aujourd'hui, les banques publient une photo des risques, il faudrait publier la " vidéo", c'est-à-dire une projection des risques à long terme. Cela relève de la technique des stress tests climatiques et nous allons réaliser un exercice pilote dès cette année. [Dans le monde, seuls les Pays-Bas et le Royaume-Uni se sont lancés dans une telle initiative, ndlr]. Nous allons publier les scénarios d'ici la fin du mois de mars et réaliser les tests d'ici la fin de l'année. Le risque climatique est au cœur de notre métier de superviseur et nous devons développer les technologies pour aider les banques et les compagnies d'assurance à mieux le mesurer.
Quid de la politique monétaire ?
La réflexion est plus ouverte et vient juste de débuter. Cela va faire partie de la revue stratégique que nous commençons au conseil des gouverneurs de la BCE, présidé par Christine Lagarde. Ici, j'ai deux convictions sur lesquelles je m'engage fortement. Dans notre analyse de la situation économique, dans nos scénarios et nos exercices de projections, nous devons intégrer le changement climatique car il a des effets économiques certains. Si le scénario de réchauffement de la planète a lieu, nous perdrons au moins 10 points de PIB à l'horizon 2100. Cela peut s'associer à un choc stagflationniste, lointain mais certain. Les effets s'observent même à court terme, à l'image des transformations de l'industrie automobile, notamment sur l'économie allemande, ou encore les incendies de forêts en Australie et en Suède.
La deuxième conviction relève du cadre opérationnel de notre politique monétaire. Celle-ci consiste à faire des prêts à des institutions financières contre du collatéral : nous prenons des titres en garantie. Ces titres, nous les évaluons aujourd'hui sur le plan financier car il faut qu'ils aient une garantie suffisante en termes de valeur. Je suis convaincu que nous devons désormais aussi analyser le risque climatique de ces titres.
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