Pourquoi le Crédit Foncier sera absorbé dans Banques Pop et Caisses d'Épargne

Par Delphine Cuny  |   |  867  mots
Dans un contexte de taux d'intérêt historiquement bas qui perdure, où le crédit immobilier sert de produit d'appel aux banques qui se rémunèrent en produits d'assurance ou d'épargne, le métier de financeur spécialisé du Crédit Foncier n'a plus de modèle économique. (Crédits : Crédit Foncier/Franck Dunouau)
L'organe central des Banques Populaires et Caisses d'Épargne a acté un "projet d'intégration" des activités et équipes de sa filiale, qui emploie plus de 2.200 personnes. La marque va disparaître, les agences fermer et les personnels seront redéployés "de façon responsable" promet le groupe. L'intersyndicale dénonce les "critères contestables" de la décision.

[Article mis à jour avec la réaction de l'intersyndicale le 27 juin à 14h20]

Après le démantèlement du Crédit immobilier de France, c'est au tour du Crédit Foncier de s'éteindre. Le groupe BPCE, organe central des Banques Populaires et Caisses d'Épargne, a décidé ce mardi 26 juin de lancer un "projet d'intégration des activités et des équipes" de sa filiale de financement spécialisé dans l'immobilier. À la fin de 2017, le Crédit Foncier employait 2.400 personnes (équivalent temps plein). Il a réalisé 555 millions d'euros de produit net bancaire, en recul de 30%, et un bénéfice net de 33 millions (-42%).

"Ce projet d'intégration est issu du constat que le modèle d'établissement spécialisé sur le seul segment du financement immobilier n'est plus adapté ni compétitif, principalement en raison d'une absence de bancarisation des clients et d'un refinancement exclusif sur les marchés financiers", explique BPCE dans un communiqué.

En clair, alors que ses concurrents sont des banques généralistes disposant des dépôts à vue de leurs clients, le Crédit Foncier ne se consacre qu'à l'octroi de crédit et doit lever sur les marchés financiers chaque euro prêté. Dans un contexte de taux d'intérêt historiquement bas qui perdure, où le crédit immobilier sert de produit d'appel aux banques qui se rémunèrent en produits d'assurance ou d'épargne, et après la vague de renégociation massive par les emprunteurs, le métier de financeur spécialisé n'a plus de modèle économique.

Le Crédit Foncier, dont la marque n'a "pas vocation à perdurer" selon une source proche, serait recentré sur deux missions, la gestion de l'encours de crédits existants "jusqu'à leur extinction" (plus de 85 milliards d'euros) et le refinancement du groupe, via la Compagnie de Financement Foncier, qui serait repositionnée sur le refinancement d'actifs du secteur public. La centaine d'agences en propre sur les 230 points de vente ne seront pas conservées, sauf si leur emplacement intéresse un des réseaux du groupe.

Intégration "socialement responsable"

La production nouvelle de crédits (8,8 milliards d'euros l'an dernier, en hausse de 25%) sera "redéployée dans les banques du groupe" et les employés aussi : les conseillers experts du Crédit Foncier, un peu moins de 1.000 personnes, pourront rejoindre un des réseaux, Banque Populaire ou Caisse d'Épargne, par région. Les personnels des fonctions supports seront intégrés à la holding BPCE.

Le groupe, qui a ouvert une phase d'information-consultation des instances représentatives du Crédit Foncier, s'engage à un processus d'intégration "socialement responsable."

"Tous les collaborateurs dont le poste serait supprimé se verraient proposer un poste au sein de l'une des entreprises du Groupe (Banques Populaires, Caisses d'Épargne, Natixis, Banque Palatine, BPCE SA). Ce poste serait, de même nature, à classification équivalente et dans le même bassin d'emploi", insiste le groupe.

Toutefois, un Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) sera bien ouvert en parallèle, "sur la base du volontariat et pour les collaborateurs porteurs d'un projet qui envisageraient une mobilité externe." Le groupe ne détaille pas l'ampleur de ce plan de départs volontaires.

Salariés "choqués et consternés"

L'intersyndicale regroupant la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC, FO et SU/SNA, a dénoncé "la mise à mort d'un acteur historique et moteur pour le secteur immobilier en France" et "un savoir-faire et des en cours stratégiques piétinés."

"Les salariés du Crédit Foncier sont choqués et consternés" déplore-t-elle dans un communiqué conjoint publié ce mercredi 27 juin. "Outre l'impact que cette décision peut avoir sur le secteur immobilier et ses clients, toutes les options ont-elles vraiment été étudiées, ainsi que leur impact sur l'avenir réservé aux 2.400 salariés ? L'intersyndicale en est certaine : la réponse est non."

Les délégués syndicaux estiment que la décision de BPCE repose "sur des critères contestables" et soulignent que les salariés ont su montrer leur capacité d'adaptation.

"Nous ne laisserons pas passer ce projet dangereux pour l'écosystème immobilier en France alors que nous avons réalisé 33 millions de bénéfices en 2017 et que les chiffres évoluent positivement en 2018" assène l'intersyndicale, convaincue que "d'autres solutions sont possibles."

Fondé en 1852, le Crédit Foncier avait été racheté en 1999 par le groupe Caisse d'Épargne. Dans le document de référence 2017 publié au printemps, le groupe BPCE décrivait déjà dans ses objectifs du plan stratégique TEC 2020, axé sur la transformation digitale, "la poursuite de l'intégration des activités [du Crédit Foncier] dans le groupe." BPCE indique qu'il va développer "une plateforme digitale intégrant un parcours complet de souscription de crédits."

L'intégration du Crédit Foncier doit lui permettre de diminuer la dépendance vis-à-vis des courtiers, en ligne mais avec leurs propres agences, qui ont pris une place prépondérante dans le marché immobilier. BPCE revendique une part de marché supérieure à 25% dans le crédit immobilier en France, en position de "co-leader" au coude à coude avec le Crédit Agricole.