Procès UBS : la banque nie en bloc, verdict le 20 février

Par Estelle Nguyen  |   |  768  mots
L'un des avocats d'UBS a estimé que les anciens salariés de la banque ayant témoigné n'étaient pas des « lanceurs d'alerte » mais à ses yeux « des repris de justices recyclés », (Crédits : Arnd Wiegmann)
Le procès du groupe bancaire suisse, accusé de démarchage illégal et blanchiment aggravé de fraude fiscale, s’est achevé cette semaine à Paris. les avocats de la banque ont plaidé la relaxe, niant toute irrégularité. Jugement attendu le 20 février 2019.

La banque UBS sera fixée sur son sort le 20 février prochain. Après six semaines de délibérations, au cours desquelles les discussions ont parfois tourné en rond, le tribunal correctionnel a annoncé ce jeudi 15 novembre la fin de l'ultime audience et la mise en délibéré de son jugement. Les avocats de la banque suisse et de sa filiale française, UBS France, ont demandé la relaxe, dénonçant un dossier judiciaire ne contenant à leurs yeux « aucune preuve, ni des démarchages, ni du blanchiment ». Pour rappel, la plus grande banque suisse est accusée d'avoir démarché illégalement en France des résidents fiscaux français, lors d'événements mondains notamment, entre 2004 et 2012, dans le but de les convaincre d'ouvrir des comptes non déclarés en Suisse, à l'insu du fisc français.

Dans une banque internationale, un « système » comme celui que dénonce l'accusation devrait laisser « des traces, des notes, des mémos, des rapports, des centaines de milliers de mails. [...] Ici, on n'a rien du tout », a déclaré l'un des avocats, Me Denis Chemla, cité par Reuters.

La défense a également reproché à l'accusation de ne s'appuyer que sur une poignée de témoignages d'anciens salariés de la banque que Me Chemla a refusé de qualifier de « lanceurs d'alerte ». « Ce sont des repris de justices recyclés », a-t-il affirmé. Lors de la dernière audience, les avocats d'UBS se sont attelés à démolir, tout à tour, l'accusation, donnant parfois un aspect politique à leurs plaidoiries.

« Il est difficile aujourd'hui de défendre UBS. Les Français détestent les banques », a argumenté Me Jean Veil, l'un des principaux avocats de la banque [et de la Société Générale, face à Jérôme Kerviel], cité par Reuters. Il a même qualifié l'avocat de l'Etat français, seule partie civile, de « xénophobe qui s'acharne sur les Suisses ».

La preuve par les repentis

L'accusation avait, de son côté, apporté la certitude qu'une fraude a bien existé, en s'appuyant sur le nombre de clients français d'UBS venus se régulariser à la cellule de « dégrisement » de Bercy (ce service avait été créé à la mi-2013, dans la foulée de l'affaire Cahuzac pour permettre aux particuliers de régulariser leur situation). Au 30 septembre 2015, 3.983 contribuables français, qui détenaient des comptes chez UBS, avaient déposé des déclarations rectificatives par peur de voir leur fraude découverte.

« Le fait d'aller vers la cellule de dégrisement est évidement la reconnaissance de ce que l'on devrait déclarer », avait asséné Me Normand-Bodard lors de l'audience du mercredi 7 novembre.

Les juges d'instruction avaient estimé à plus de 10 milliards d'euros les actifs de Français non déclarés au fisc et gérés par UBS entre 2004 et 2012. Bien que les faits reprochés à la banque soient lourds, les ex-cadres et représentants de la banque ont rejeté continuellement en bloc les accusations, jouant la carte de l'ignorance quant à un potentiel démarchage illicite en France. Pendant l'enquête, une personne avait toutefois reconnu sa culpabilité pour complicité de démarchage illicite. Il s'agit de l'ex-numéro deux d'UBS, Patrick de Fayet, qui devait initialement être jugé séparément via une procédure de plaider-coupable.

Le montant des amendes jugé « irrationnel » par les avocats d'UBS

Les procureurs du parquet national ont requis une amende de 3,7 milliards d'euros contre UBS, un record en France, et de 15 millions d'euros contre sa filiale française. Des peines de 6 à 24 mois de prison avec sursis, assorties d'amendes allant jusqu'à 500.000 euros, ont été requises contre six dirigeants et anciens cadres d'UBS. L'Etat, partie civile, a réclamé 1,6 milliard d'euros de dommages et intérêts.

Les avocats d'UBS ont à nouveau protesté jeudi contre le montant des pénalités demandées à la banque suisse, qui est selon eux, « irrationnel » et « extravagant ». Selon Me Veil, ce montant n'a que pour seul but de « faire impression » sur la presse et le tribunal. A titre de comparaison, la défense a rappelé la procédure américaine, qui a valu en 2009 à UBS de payer 780 millions de dollars pour avoir permis à des milliers de contribuables d'échapper au fisc. La banque helvétique avait également évité un procès en 2014 en payant 300 millions d'euros en Allemagne, dans une affaire d'évasion fiscale. Selon le Code pénal (l'article 324-3), les amendes pour le blanchiment d'argent, lorsqu'il est commis en bande organisée, peuvent aller jusqu'à la moitié de la valeur des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment présumé.