Après six ans d'enquête, c'est l'heure du procès pour UBS. Le poids lourd mondial de la gestion de fortune comparaît dès ce lundi 8 octobre devant la 32e chambre correctionnelle du tribunal de Paris, pour au moins cinq semaines d'audience. La banque suisse est poursuivie pour « démarchage bancaire illégal » et « blanchiment aggravé de fraude fiscale » portant sur plusieurs milliards d'euros, tandis que sa filiale française doit comparaître pour « complicité » des mêmes délits. Six dirigeants de la première banque helvétique en France et en Suisse, dont Patrick Fayet, ex-numéro deux d'UBS, et Raoul Weil, ex-numéro trois, seront sur le banc des prévenus.
« Au terme d'une procédure judiciaire qui a duré plus de six ans, UBS aura enfin la possibilité de répondre aux allégations souvent infondées et fréquemment diffusées sous la forme de fuites dans les médias, en violation manifeste de la présomption d'innocence et du secret de l'instruction », a fait savoir vendredi dans un communiqué la banque helvétique, qui « entend défendre fermement sa position ».
Les juges d'instruction estiment qu'UBS aurait, entre 2004 et 2012, envoyé ses commerciaux chargés de démarcher une riche clientèle française, repérée lors de réceptions, parties de chasse ou rencontres sportives, afin de la convaincre d'ouvrir des comptes non déclarés en Suisse (et donc à l'insu du fisc français). Un démarchage qui était, en outre, illégal, puisque la banque ne dispose pas de licence pour opérer sur le territoire français. Pour masquer les mouvements de capitaux illicites entre les deux pays, la banque avait mis en place une double comptabilité, baptisée en interne les « carnets de lait ». Ce système avait été révélé par d'anciens salariés, dont l'ex-banquier américain Bradley Birkenfeld et l'ancien responsable de l'audit interne de la filiale française, Nicolas Forissier.
Des chiffres qui donnent le vertige
Tout semble démesuré dans cette affaire qui a demandé six ans d'investigation. Les magistrats instructeurs ont estimé à plus de 10 milliards d'euros les actifs de Français non déclarés au fisc et gérés par UBS entre 2004 et 2012. Des montants contestés par le groupe suisse. Il s'agit du premier procès en France d'une grande banque internationale pour une fraude d'une telle ampleur.
Avant le procès, UBS avait tenté la voie transactionnelle. Le 23 juin 2014, une caution de 1,1 milliard d'euros avait été fixée par la justice française dans l'attente du procès de la banque helvétique. Le recours fait par la banque suisse, qui n'était pas prête de payer ce montant record, a été rejeté en janvier 2017 par la Cour européenne des droits de l'homme.
Selon l'article 324-3 du Code Pénal, les amendes pour le blanchiment d'argent, lorsqu'il est commis en bande organisée, peuvent aller jusqu'à la moitié de la valeur des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment présumé. Ainsi, si la banque est reconnue coupable, elle pourrait écoper d'une amende de 5 milliards d'euros, alors que les prévenus encourent des peines maximales de cinq ans de prison et 375.000 euros d'amende, pouvant être portées à 10 ans et 750.000 euros en cas de blanchiment aggravé.
Conjugué à la crise financière, ce scandale sans précédent avait contraint la Suisse à renoncer officiellement à son secret bancaire. Pourtant, elle se refuse toujours de le lever pour les 38.000 clients UBS fiscalement domiciliés en France. L'administration fédérale suisse avait, en effet, rejeté en août dernier la demande d'entraide administrative formulée par la France.
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