Société Générale : Kerviel n'ira pas en cassation

Par Delphine Cuny  |   |  703  mots
Me David Koubbi (à gauche) et son client Jérôme Kerviel à la cour d'appel de Versailles vendredi 23 septembre 2016. (Crédit : DC)
L'avocat de l'ex-trader nous révèle pourquoi il a décidé de ne pas former de recours contre la décision ramenant de 4,9 milliards à 1 million d'euros les dommages et intérêts dus à la banque. L'objectif affiché : ne pas suspendre le réexamen des 2,2 milliards de crédit d'impôt de la Société Générale par Bercy.

Jérôme Kerviel et son conseil Me David Koubbi ont pris le temps de lire dans le détail les attendus de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, rendu vendredi dernier. Et surtout de peser le pour et le contre d'un éventuel pourvoi en cassation. Ils ont décidé d'en rester là - pour l'instant.

Me David Koubbi confie à La Tribune :

"Nous avons pris la décision de ne pas nous pourvoir"

La cour d'appel de Versailles a reconnu l'ex-trader "partiellement responsable" du préjudice causé à la Société Générale, dont elle a souligné les défaillances dans ses contrôles qui ont joué un "rôle causal essentiel", justifiant ainsi la très forte réduction du montant des dommages et intérêts. Jérôme Kerviel et son conseil avaient cinq jours pour déposer un recours.

"En imaginant qu'un pourvoi prospère, comment obtenir moins que 0,02% du montant initial des dommages et intérêts ? Ce n'est pas une partie que nous avons envie de jouer.

Un million d'euros, c'est finalement l'euro symbolique à l'échelle d'une banque et des 4,9 milliards d'euros. Nous sommes dans une stratégie plus large que le seul volet indemnitaire : ce qui m'intéresse c'est l'action en révision de la condamnation pénale de Jérôme Kerviel que je vais relancer."

Quid du recouvrement du million d'euros ?

Officiellement , la Société Générale a dix ans pour faire exécuter la décision et réclamer son million d'euros. L'avocat de l'ex-trader se déclare serein sur le sujet du recouvrement, même si la banque a évoqué une saisie de ses revenus issus de la vente de son livre "L'engrenage : mémoires d'un trader" et des droits d'adaptation au cinéma pour le film "L'Outsider" (estimés respectivement à 125.000 euros et entre 40 et 70.000 euros). Me David Koubbi :

"Nous préférons de loin conserver le million d'euros et remettre dans le débat public les 2,2 milliards de crédit d'impôt de la Société Générale."

Les fameux 2,197 milliards d'euros que la banque a pu déduire de ses impôts en déduction de sa « perte nette sur activités de marché non autorisées et dissimulées » imputée à Kerviel. Le ministre de l'Economie et des Finances Michel Sapin et le secrétaire d'Etat au Budget et aux Comptes publics, ont demandé dès vendredi dernier à leurs services le réexamen de la situation fiscale de la banque à l'aune de l'arrêt de la cour d'appel.

"Ce qui a fait pencher la balance, c'est que, si nous avions formé un pourvoi, Michel Sapin aurait tiré dans les feuilles, prétextant que la décision n'était pas définitive, pour remettre le redressement à plus tard, à son successeur. Or l'important, c'est que la Société Générale rembourse les 2,2 milliards".

Les 2,2 milliards de crédit d'impôt, sujet politique

Les ministres ont assuré qu'ils voulaient que le réexamen soit fait "le plus rapidement possible". Mais le sujet est complexe et sensible. "Nous sommes le 1er avril" avait ironisé le conseil de Jérôme Kerviel sur Twitter.

"Nous sommes sceptiques sur la démarche annoncée par Bercy de réexamen de la situation fiscale de la Société Générale. Tant que ce ne sera pas réglé, ce sujet politique va peser dans les élections. Nous allons interpeler tous les candidats. Nous serons ce week-end au meeting de Nicolas Dupont-Aignan, comme nous étions à la fête de l'Huma. Il faut que les ministres appliquent le droit."

Interrogé sur le sujet par le sénateur écologiste André Gattolin, ce jeudi, Christian Eckert, a affirmé qu'il n'y aurait pas de transactions avec la Société Générale, mais que ce serait bien "un redressement, une reprise qui pourrait être faite, et qui sera probablement contestée".

La veille, mercredi, Michel Sapin avait assuré à l'issue de la conférence de présentation du projet de budget 2017 que :

"Heureusement pour la démocratie et peut-être pour les contribuables, ce ne sont pas les ministres qui décident du montant de l'impôt que vous payez et que paye une entreprise".