Ces multinationales qui ont racheté leurs actions...et quémandent l'aide de l'Etat américain

En pleine crise du Covid-19, de nombreuses entreprises en difficultés réclament aujourd'hui l'aide du gouvernement (et donc l'argent du contribuable) pour être sauvées. Pourtant, ces dernières années, celles-ci ont dépensé des dizaines de milliards de dollars pour racheter leurs propres actions. De quoi susciter un tollé outre-Atlantique.
(Crédits : Handout .)

C'est un chiffre que les dirigeants du secteur aérien américain aimeraient bien faire oublier, alors qu'ils réclament 50 milliards de dollars d'aides au Congrès pour faire face à l'épidémie du coronavirus. Au cours des cinq dernières années, les quatre grandes compagnies du pays (Delta, American, United et Southwest) ont dépensé 39 milliards de dollars pour racheter leurs propres actions, selon les données collectées par S&P Dow Jones Indices. Une stratégie qui permet de soutenir les cours boursiers, mais qui est aujourd'hui au cœur des critiques aux Etats-Unis.

Aux États-Unis, les compagnies aériennes ne sont pas les seules sociétés à avoir mené de vastes programmes de rachat d'actions. Depuis 2017, ces derniers ont représenté plus de 2.000 milliards de dollars (1.860 milliards d'euros), soit environ 10% du PIB américain. Une tendance accentuée par la baisse de l'impôt sur les bénéfices, voulue par le président Donald Trump et qui a fait grimper les déficits publics. Reste que, pour financer de tels programmes, devenus souvent indispensables aux yeux des marchés financiers, des entreprises ont choisi de s'endetter massivement - profitant des faibles taux d'intérêts.

Déjà critiqués avant la crise actuelle, les rachats massifs d'actions deviennent inacceptables aux yeux de leurs détracteurs lorsque la situation économique se retourne. Encore plus insupportables pour eux, le fait que ces entreprises, - qui ont préféré récompenser leurs actionnaires plutôt que de se préparer à des temps plus compliqués -, réclament aujourd'hui d'être sauvés de la faillite par le gouvernement. Et donc par les contribuables. "Ne soyez pas désolés pour les compagnies aériennes", résume ainsi Tim Wu, professeur à la Columbia University, dans une tribune publiée dans le New York Times.

"Pas maintenant, pas dans un an, pas dans 20 ans, jamais"

Et de citer l'exemple d'American Airlines. Comme ses concurrentes, la compagnie a connu des années fastes grâce à la hausse de la demande et à la consolidation du secteur suite à la crise financière de 2008. A la clé, elle profita d'une augmentation des prix sur le marché intérieur et des nouveaux frais supplémentaires (telle la fin du bagage gratuit en soute) imposés par les compagnies. Depuis 2014, le groupe a ainsi racheté pour 15 milliards de dollars de ses propres actions. Et fait grimper son endettement à 30 milliards. "Il aurait pu constituer des réserves en vue d'une crise future, sachant que l'aérien traverse souvent des cycles", souligne Tim Wu.

Le constat est similaire pour Boeing, qui a dépensé 43 milliards de dollars dans le rachat de ses propres titres au cours des dix dernières années. Rattrapé d'abord par les déboires de son long-courrier 737 Max, cloué au sol depuis plus d'un an, puis par la chute du traffic aérien, l'avionneur demande désormais au Congrès une enveloppe de 60 milliards de dollars pour sauver l'industrie aéronautique américaine. Même chose pour les grands croisiéristes, dont l'activité est aujourd'hui à l'arrêt. Et qui pourraient recevoir des milliards de dollars d'aides fédérales.

A Washington, mais aussi à Wall Street, de nombreuses voix s'élèvent désormais pour interdire aux sociétés aidées par l'Etat de racheter leurs actions pendant plusieurs années. A commencer par Donald Trump, qui assure n'avoir "jamais été content" de cette pratique. Le plan de relance massive, négocié au Sénat ce week-end, contenait d'ailleurs une telle mesure, sans que l'on sache la durée de l'interdiction. Pour le milliardaire Marc Cuban, propriétaire d'une équipe de basket-ball et d'entreprises du divertissement, le délai de l'interdiction ne fait aucun doute :"Pas maintenant, pas dans un an, pas dans 20 ans, jamais", s'est-il emporté. "Sinon vous dépensez l'argent du contribuable pour racheter des actions".

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Commentaires 15
à écrit le 24/03/2020 à 16:02
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Mais où court dc cette Amérique là qui encourage sans retenue cette finance débridée au prix d' un endettement record à son tour financé par l'épargne mondiale qui se précipite sans vergogne sur ses US bonds ?? Cette finance triomphante et arrogante...

à écrit le 24/03/2020 à 15:52
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Le transport aérien n'a pas d'avenir : trop coûteux en énergie pour des déplacements à l'utilité quasiment inexistante. Cela fait partie des luxes à abandonner pour limiter le changement climatique et la destruction de notre espace vital.

à écrit le 24/03/2020 à 15:25
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La politique de rachat d'action est quasiment est le plus souvent une affaire d'optimisation financière. Chaque entreprise a sa stratégie qui lui est propre. Mais utiliser des aides publiques et racheter ses action dans la même période c'est qua...

à écrit le 24/03/2020 à 14:50
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Les LFI, NPA, LCR, FN et consorts de sputnik se déchaînent: il fait tout nationaliser. Qui va payer ? Au journal La Tribune: je résilie mon abonnement car j'en ai marre de lire des commentaires de citoyen blasé, valbel89, gonzagues, etc.. qui sont...

le 24/03/2020 à 15:39
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Oh zut alors, multipseudos abandonne un pseudo...

le 25/03/2020 à 0:28
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@Citoyen blasé 24/03/2020 15:39 Je n'ai pas plusieurs pseudos et je me permets de vous répondre en vous citant comme vous l'avez fait le 02/07/2018 à 18:44: je vous cite: "Bon écoutez les gars, je ne viens pas déféquer sous les commentaires des tro...

à écrit le 24/03/2020 à 14:42
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En même temps, les Etats n'ont qu'a demandé aux entreprises qu'elles aident d'émettre x nouvelles actions à leur profit... donnant donnant. Et cela ne doit pas forcément se cantonner aux grands groupes... je ne suis pas pro nationalisation, ni no...

à écrit le 24/03/2020 à 13:37
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Le B-737 MAX un ..."Long-courrier" ! Je croyais plutôt qu'il se crashait quelques minutes après le décollage. Ce serait plutôt un très ( très ! ) court-courrier !

à écrit le 24/03/2020 à 11:19
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des américains qui se b...sent entre eux !

à écrit le 24/03/2020 à 10:53
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Et les sociétés qui ont leur siège en Z hollande payant leurs impots en Z hollande et qui tendent la cybille. Vous ne croyez pas qu'ils n'ont aucune honte les Renault et autres Air Z hollande..

à écrit le 24/03/2020 à 9:57
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Cher Monsieur, si vous aviez pu prévoir qu'il y aurait un Coronavirus en 2020... Oui les compagnies aériennes ont besoin d'une aide ponctuelle, qu'elles rembourseront, parce que les POLITIQUES ont décidé de leur couper leur circuit de vie. N'inversez...

à écrit le 24/03/2020 à 9:56
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Si c'est to Big to Fail, donc essentiel à l'économie, il faut nationaliser. Les compagnies aériennes, une seule serait bien suffisante par pays, comme pour le rail, l'énergie, l'eau, les banques, les assurances...

à écrit le 24/03/2020 à 9:27
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Les multinationales appartenant aux dragons célestes ont été tellement habituées à avoir le beurre, l'argent du beurre et le c.. de la crémière qu'elles continuent naturellement ce mode de fonctionnement, cela aurait été Clinton ou Biden président il...

le 24/03/2020 à 13:15
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Une chose est sûre, Donald Trump, votre dragon céleste va avoir du mal à se faire réélire.

à écrit le 24/03/2020 à 9:09
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Croire que Boeing va etre lachee en pleine campagne, c'est comme imaginer que les poules auront des dents, strategique pour les USA.

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